La cérémonie de commémoration de la rafle de la rue Sainte-Catherine, survenue il y a 81 ans, s'est déroulée dimanche matin en présence d'élus locaux et de Myriam Badinter, nièce de Robert Badinter.
La cérémonie résonnait particulièrement avec l'actualité de la semaine, ce dimanche matin. C'est ici, au 12 rue Sainte-Catherine, en bas des pentes de la Croix-Rousse, qu'une souricière organisée par la Gestapo de Klaus Barbie engendra, le 9 février 1943, la déportation de 86 personnes, dont Simon Badinter, père de l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, décédé vendredi à l'âge de 95 ans. À cette adresse siégeait la Fédération des sociétés juives de France et du comité́ d’assistance aux réfugiés.
Multiples hommages et minute de silence
Ce matin justement, lors de la cérémonie de commémoration de la rafle, le nom de Simon Badinter a été prononcé lors de l'appel des victimes par les élèves du collège-lycée Ampère (Lyon 2e), avant le dépôt de gerbes de fleurs.
Face aux différents orateurs, le public comptait dans ses premiers rangs le grand rabbin de Lyon mais aussi Myriam Badinter-del Vecchio, nièce de l'ancien ministre de la Justice décédé vendredi 9 février. Sa présence a suscité l'émotion notamment chez Richard Zelmati, président régional du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), qui a tenu à rendre hommage à l'ancien garde des Sceaux dans son discours de commémoration : "Celui qui se définissait comme républicain, laïque et juif, que nous pensions immortel, n'est plus. Déjà, à raison, tous les superlatifs accompagnent son départ. Cette matinée ne suffirait pas à recenser ce que Robert Badinter, cet infatigable homme juste, a apporté à la nation."
Avocat, ministre de la Justice sous la présidence de François Mitterrand, président du Conseil constitutionnel, Robert Badinter a porté l'abolition de la peine de mort en France ainsi que la dépénalisation de l'homosexualité. Il est décédé 81 ans pile après l'arrestation de son père lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine. À la suite du discours de Richard Zelmati, une minute de silence a été observée en son honneur.
Dernier hommage à Claude Bloch
Jean Lévy, délégué régional des Fils et filles de déportés juifs de France, a par la suite prononcé les mots de Serge Klarsfeld, président de l'association absent ce matin. "L’éducation civique doit être au cœur des missions républicaines pour que chacun, dès le plus jeune âge, ait le sentiment d’appartenir pleinement à la communauté nationale, et pour que chacun prenne mieux conscience des droits et des devoirs qui s’y attachent, comme des comportements et vies communes impliqués".
Le maire de Lyon, Grégory Doucet, a ensuite pris la parole en rappelant que Robert Badinter était présent lors de l'apposition de la plaque commémorative à Lyon. "Il était garde des Sceaux au moment où l’assassin de son père (Klaus Barbie, chef de la Gestapo, ndlr) était jugé. Il n’a pas pour autant regretté d’avoir lutté pour l’abolition de la peine de mort, a-t-il rappelé. Sans doute avait-il compris que la vengeance nous affaiblit tandis que la justice nous grandit".
L'élu a rappelé les faits survenus le 9 février 1943 rue Sainte-Catherine, et évoqué le devoir de mémoire de la Shoah comme "un devoir sacré". Il a également rendu un dernier hommage à Claude Bloch, dernier rescapé lyonnais de la Shoah qui s'est éteint en décembre dernier à l'âge de 95 ans, en le qualifiant "de fidèle parmi les fidèles de nos cérémonies". Le 7 février, la Ville de Lyon lui rendait un dernier hommage solennel.
Le futur mémorial de la Shoah évoqué
Le maire de Lyon a par ailleurs rappelé la décision de la Ville de nommer officiellement la passerelle piétonne permettant de relier le 2e au 5e arrondissement, dite "du Palais de Justice", sous le nom de Pierre Truche, illustre magistrat lyonnais. Il a de nouveau évoqué le projet de mémorial de la Shoah, dont le visuel a été dévoilé le mois dernier et qui sera installé sur la place Carnot en 2025.
Parmi le public venu assister à la cérémonie, plusieurs personnes ont salué le déroulement de l'événement. Margit Sachse, qui enseigne l'allemand à Lyon, y voit une source d'inspiration. "C'est un événement très émouvant. En Allemagne, on ne commémore pas les noms des victimes, ce qui peut manquer". À Berlin, l'enseignante a reçu le prix de la fondation Obermayer de l'histoire juive pour son engagement associatif en faveur des jeunes, pour "lutter contre l'oubli et pour la démocratie".
"Never again is now" dans le public
Durant les discours, d'autres personnes ont brandi des petites pancartes mentionnant l'attaque du Hamas du 7 octobre, avec comme message fort "Never again is now".
Parmi elles, Sophie Lazare, activiste, a distribué une lettre ouverte au maire et à Yasmine Bouagga, maire du 1er arrondissement, en désapprouvant le discours de Grégory Doucet. "J'estime que l'hommage à Robert Badinter était indispensable, clarifie-t-elle. En revanche, reprendre les paroles de Robert Badinter pour faire passer un message à la communauté juive sur les positions du maire et plus largement de la Nupes vis à vis d'Israël est une insulte à la mémoire de Robert Badinter". La militante reproche notamment à la municipalité sa proximité avec Salah Hamouri, qui avait été invité par Grégory Doucet l'an dernier lors d'une conférence, finalement annulée.
La cérémonie s'est achevée avec le salut des porte-drapeaux par les autorités.