La loi sur la séparation et la régulation des activités bancaires a été votée au Parlement en première lecture le 19 février par une large majorité. Elle devrait entrer en vigueur en 2014. Pierre-Alain Muet, député de la 2ème circonscription du Rhône, explique les contours de cette loi.
Lyoncapitale.fr : Quelles sont les propositions phares de ce texte de loi ?
Pierre-Alain Muet : Premièrement, une séparation entre les activités de banques : d’une part, les activités qui concernent leurs clients et d’autre part, les opérations spéculatives, qui seront traitées par une filiale. Il y aura donc un principe d’étanchéité entre ces activités. Une banque ne pourra plus spéculer avec des fonds qui ne lui appartiennent pas ou qu’elle n’a pas. Elle devra aussi présenter une liste de ses filiales à l’étranger, ses effectifs et le chiffre net d’affaires. Aussi, nous avons proposé un plafonnement des commissions d’interventions (ndlr : les frais bancaires sur les découverts par exemple) pour tous les clients de banques. Elles ne pourront dépasser 8 euros par commission. Il n’y a pas que la séparation des activités mais aussi des propositions de résolutions en cas de faillite d’une banque, gérées par l’Autorité de Contrôle et de Résolution (ACPR).
C’est pourtant un gouvernement socialiste qui permet, en 1984, aux banques françaises de devenir des banques universelles et leur donne le pouvoir de spéculer.
Oui absolument. Mais tous les pays ont graduellement adopté le système de banques universelles, qui n’ont plus uniquement une fonction de dépôts et de gestion de ces dépôts. Mais le contexte est aujourd’hui différent, et j’ai été l’un des premiers à proposer que l’on revienne à cette séparation entre banques d’affaires et banques de dépôts. Les marchés financiers ont pris une importance conséquente et cela a poussé les banquiers à y entrer tout en oubliant leur métier de banquier.
L’Europe porte un projet similaire sur les banques. Pourquoi avoir choisi de faire un texte de loi avant qu’ils ne le fassent ?
La meilleure façon de faire avancer l’Europe, c’est que nous commencions déjà, nous, à avancer. Nous avons d’ailleurs repris les grandes lignes du très bon rapport Liikanen sur la réforme bancaire en Europe. Nous ne l’avons pas seulement fait avant l’Europe, nous sommes aussi le premier pays Européen à le faire. L’Allemagne commence elle aussi à mettre en place une loi similaire, mais qui ne sera pas mis en œuvre avant 2015. D’ailleurs, c’est parce que la France le fait que l’Allemagne le fait. Nous espérons l’appliquer en 2014. N’oublions pas non plus que c’était un engagement du Président de la République.
Il existe un flou sur des termes du texte tels que « pertinence économique » ou encore « activités spéculatives trop risquées » N’est-ce pas là un vide juridique dans lequel les banques pourraient se glisser ?
Il est très difficile de définir précisément ces termes et d’ailleurs, les autres pays qui légifèrent actuellement sur la question ont aussi beaucoup de difficulté à les définir. Il ne faut surtout pas oublier le rôle des banques en France. Elles se voient confier de l’argent par les grandes entreprises pour le faire fructifier sur les marchés. Elles jouent donc un rôle important pour les grandes entreprises, mais aussi plus largement pour l’économie française. Car il ne faudrait surtout pas que les banques ne financent l’économie par les crédits qu’elles accordent. L’économie française se portera bien si ses grandes entreprises se portent bien. Mais aujourd’hui, ce texte de loi implique qu’ils ne pourront plus spéculer avec les dépôts, donc avec l’argent de leurs clients, sans que ceux-ci le sachent.
Quels seront les nouveaux pouvoirs de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ?
Elle aura de nouveaux pouvoirs de résolution. Dans un premier temps, les banques qui ont une certaine dimension devront désormais donner un plan préventif de rétablissement. Ce plan les obligera à donner les détails de ce qu’elles feront en cas de difficultés financières ou de faillite. L’ACPR aura le pouvoir d’intervenir très rapidement, pendant le weekend, alors que les marchés financiers sont fermés. Elle pourra même changer l’équipe de direction et décider comment résoudre la crise. Ce comité de résolution, composé de 5 personnes, présidé par le gouverneur de la Banque Centrale, définira les modalités d’intervention en cas de faillite de l’établissement.
Y a-t-il des mesures contre les paradis fiscaux ?
Le groupe socialiste a déposé un amendement qui oblige les banques à déposer la liste de toutes les filiales qu’elle possède à l’étranger, paradis fiscaux inclus. L’amendement implique que les établissements donnent aussi des détails sur les effectifs de ces filiales et leurs chiffres d’affaires. Les banques nous ont interpellés sur ce sujet car cette législation n’existe pas dans d’autres pays. Ils avaient peur de donner trop d’informations à leurs concurrents, sans en recevoir eux-mêmes. Mais cette mesure de transparence aidera les Français à voir plus clair dans les activités de leurs banques, et surtout les banques feront désormais plus attention. Que penseront leurs clients quand ils verront qu’ils ont des filiales dans les Iles Caïman ?
Concrètement, qu’est-ce que cette loi va rapporter à la France ?
Elle va protéger les banques contre elles-mêmes. Une banque qui est étroitement régulée ne peut pas faire faillite. La France n’aura plus à creuser dans sa caisse pour venir au secours de ces établissements. Le plus important est surtout que nous allons protéger les contribuables qui font confiance à leurs banques et qui y déposent leurs économies. Nos citoyens ne se retrouveront pas dans la même situation que ces Américains qui ont tout perdu du jour au lendemain.
Si cette réforme bancaire est aussi bonne, pourquoi les représentants du lobby financier se montrent-ils aussi peu embarrassés par cette loi ? Il faut couper les banques en deux, strictement, et pas simplement filialiser certaines activités. Pierre-Alain Muet, fervent défenseur de Roosevelt, devrait le savoir : le principe de filialisation exclut toute étanchéité...