Enseignants, syndicats et associations de parents d’élèves se sont réunis hier place Bellecour pour manifester de nouveau contre les principaux points de la réforme du collège. La défense des langues était au cœur des revendications.
Au pied de la statue de la place Bellecour, on croit assister à un rassemblement de l’amicale franco-allemande : drapeaux, maquillage et affiches noir, jaune et rouge. Pourtant, les participants sont principalement des enseignants : ils s’opposent à ce qu'ils considèrent comme la dégradation de l’enseignement des langues, entraînée par la réforme du collège. Établie en janvier 2015 par la ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, cette réforme devait être mise en œuvre à la rentrée 2016.
Sauver les classes bilangues
“La suppression de 70 % des classes bilangues dans l’académie de Lyon conduit à la mort de l’allemand”, s’indigne Mme Lismonde. Cette professeure d’allemand au collège Boris-Vian de Saint-Priest manifeste pour la septième fois contre la réforme du collège.
Cette diminution du nombre de classes bilangues contribue à "accroître les inégalités sociales et la concurrence entre les établissements", selon M. Toutain, président de la Peep, association de parents d’élèves, pour l’académie de Lyon (Ain, Loire, Rhône). Il déplore que, après la réforme, seuls les élèves qui auront appris une autre langue que l’anglais en primaire pourront intégrer une classe bilangue. La Peep met aussi en évidence les disparités entre les académies. Paris conserverait 100 % de ses classes bilangues, Lyon 30 % et Caen 5 %. Le taux national s’élève à environ 70 %.
Les enseignants et associations de parents d’élèves craignent également que les classes bilangues ne connaissent, à terme, le même sort que les classes européennes, une suppression complète. “Quand on critique les Français pour leur niveau de langue et que l’on diminue autant les classes bilangues, je ne comprends plus”, s’offusque M. Toutain.
Français + SVT = le régime de Madame Bovary
“On est en train de démembrer mon latin. Ma matière va disparaître en tant que langue et être intégrée dans des cours de cultures et civilisations anciennes”,s’indigne M. Carrara, professeur de latin au collège Sainte-Marie à Lyon. Les cours de civilisation sont l’un des exemples des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), l’une des nouveautés de la réforme. À raison de 2 heures par semaine, ces enseignements visent à établir des projets liant différentes matières. La plupart des professeurs sont favorables à l’interdisciplinarité, mais ce qui les contrarie, c’est la manière de la mettre en place.
“Il n’y a eu aucune consultation avec les professeurs ou les étudiants qui allaient devenir profs”, regrette Benoît Meunier, étudiant en lettres et futur professeur de français. Outre leur mode d'élaboration, les EPI sont critiqués parce qu’ils contraignent les enseignants à créer des projets interdisciplinaires contre leur propre chef. “Je le vois en formation, les gens nous disent : Faites comme avant et remplissez les cases”, explique Mme Lismonde.
À propos des formations obligatoires auxquelles les enseignants doivent assister, Benoît Meunier se souvient d’un exemple frappant : “On nous a suggéré d’étudier le régime alimentaire de Madame Bovary pour lier le français et la SVT. C’est complètement absurde !”
Les filières professionnelles oubliées ?
Certes, une réforme du collège apparaît indispensable pour ces enseignants. Mais elle passe, selon eux, par une valorisation des filières professionnelles. “La réforme a supprimé tout dispositif en dehors du tronc commun, comme la DP3”, explique M. Test. Ce professeur d’histoire, syndiqué au Snes, dénonce la suppression d’une option qui permettait aux élèves de 4e et 3e de découvrir le monde de l’entreprise.
M. Test est favorable à une orientation dès la 4e, qui permettrait de valoriser les lycées professionnels : “La réforme du collège entraîne une primarisation du collège, où les objectifs sont d’atteindre un socle commun, mais de ne pas approfondir les matières.” M. Carrara, le prof de latin, abonde : “Chaque élève doit bénéficier d’un enseignement qui lui convient, l’idée du collège unique est absurde.”