Le Festival international du film sur les handicaps se tient à Lyon du 9 au 13 février. Quand la différence crève l'écran.
Au qualificatif de "handicap", il préfère celui de "singularité". Philippe Lefait, ancien présentateur du JT de France 2 (1987-1991) et producteur-animateur des mots de minuit (1997-2013), aujourd'hui écrivain, est le père de Lou, atteinte d'un handicap rare affectant le langage. Il parraine le très beau Festival du film international sur les handicaps, qui se tient à Lyon, du vendredi 9 au mardi 13 février (et dont Lyon Capitale est partenaire média).
"En France, 12 millions de personnes sont en situation de handicap, 9 millions sont des aidants. 20 millions de personnes sur 70 millions d'habitants, ça signifie, quand même par la mathématique, que la singularité est beaucoup moins singulière qu'on l'imagine."
"Il s'agit toujours de cinéma, et le handicap n'est qu'une considération parmi d'autres de ces films."
Ce festival, imaginé par la réalisatrice Katia Martin-Maresco, avant tout un festival de cinéma. "Il ne s'agit pas de faire un catalogue ou un florilège de handicaps, type "le handicap sous tous les angles" ou "les handicapés sont parmi nous" ) - pardon, j'ai dit "handicapés" et non "personnes en situation de handicap". Mais ces gens – parce que ce sont avant tout des gens – ont-ils besoin de politically correct ou de prothèses, d'aides, de fauteuils tout-terrains ?… Ou de musiques, de livres, de musées… de films ?)".
Philippe Lefait poursuit : "Il s'agit toujours de cinéma, et le handicap n'est qu'une considération parmi d'autres de ces films."
Et d'insister sur la sensibilisation. "Ce festival est une manière de sensibiliser, une manière d'offrir au plus grand nombre la possibilité de regarder la singularité dans ce qu'elle suppose d'intelligence de rapport au monde."
La retranscription intégrale de l'entretien avec Philippe Lefait
Bonjour à tout le monde et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 Minutes Chrono. Nous accueillons aujourd'hui Philippe Lefait. Passé par le JT de France 2, vous êtes auteur, écrivain. Si on vous invite aujourd'hui, c'est parce que vous êtes le parrain du Festival International du film sur les handicaps qui se déroule du 9 au 13 février prochain à l'Institut Lumière, qui incarne le cinéma l'histoire du cinéma. Peut-être un petit mot avant de parler du festival en lui-même, un mot sur le vocable, le qualificatif "handicapé". Je crois que vous lui préférez vous le terme de singularité.
Oui, j'ai toujours dit "singularité", parce que si on estime que tout le monde est singulier, ça donne une chance à tout le monde. Alors, il est évident qu'après, pour des questions de nomenclature, dans une société française qui est très marquée par l'administration et ses pesanteurs, le handicap permet de catégoriser un certain nombre de gens, de leur donner éventuellement des aides le mieux possible et le plus possible. Mais imaginons que nous avons tous une singularité et ce sera sans doute plus acceptable dans l'idée de vivre ensemble.
Comment fait-on, justement, pour ne pas essentialiser ?
On essaye d'être le plus inclusif possible. Mais il me semble qu'une simple mathématique peut répondre à la question de l'essentialisation. Il y a, en France, 12 millions de personnes qui sont singulières, tel que l'on a précédemment défini, qui sont en situation de handicap. Et il y a 9 millions de personnes, qui sont les aidants ou les aidantes, de ces personnes. Cela fait quand même une population de près de 20 millions de personnes. 20 millions de personnes sur 70 millions d'habitants. Ça signifie, quand même par la mathématique, que la singularité est beaucoup moins singulière qu'on l'imagine.
2 000 films ont été présentés au festival international du film sur les handicaps, dont vous êtes le parrain. Documentaires, fiction, films d'animation, court-métrage. Combien ont été sélectionnés ?
On en a sélectionné une vingtaine, tous formats confondus. Katia Martin-Maresco, la présidente et la fondatrice de ce festival, insiste beaucoup pour dire que c'est un festival festif - mais festival, évidemment, c'est festif - et, par ailleurs, que c'est du cinéma. C'est avant tout du cinéma consacré aux handicaps, en tout cas qui est consacré aux handicaps, on met le mot au pluriel. Et ce passage par le handicap concerne à la fois les sujets des films, mais aussi leur auteur, leur réalisateur ou leur réalisatrice, évidemment il y a beaucoup de femmes et de plus en plus de femmes réalisatrices pour des films qui sont, avant tout, des films de cinéma. Il s'agit toujours de cinéma, et le handicap n'est qu'une considération parmi d'autres de ces films avec des acteurs, des actrices etc.
Jean-Baptiste Richardier, cofondateur de Handicap International, et membre du jury disait que le festival invitait à "lutter contre la condescendance", il parlait d' "alibi de l'inclusion". Comment, aujourd'hui, on fait en sorte que le handicap ne suscite pas l'apitoiement systématique ?
En créant ce genre de festival. C'est une manière de sensibiliser, une manière d'offrir au plus grand nombre la possibilité de regarder la singularité dans ce qu'elle suppose d'intelligence de rapport au monde. Ce qui est intéressant sur le festival international du film sur les handicaps, c'est qu'il y a vraiment une grande partie de sensibilisation avec des partenariats, avec des écoles et avec l'Université de Lyon, par exemple. C'est important. Par ailleurs, le public est de plus en plus divers et varié, ce n'est pas un public qui serait, comment dirais-je "essentialisé" comme vous disiez tout à l'heure.
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal, a évoqué quelques mesures axées sur le handicap, notammentpour simplifier l'avis des citoyens concernés. Il y avait notamment le remboursement total des fauteuils roulants. Certaines associations, comme Collectif Handicap ou AFP France Handicap, ont exprimé leur déception et leur mécontentement en parlant d'un discours qui était un petit peu vide. Ils s'attendaient à plus. Comment vous voyez les choses vous en tant qu'aussi aidant ?
Ce que je vois, comme aidant, c'est que ça reste à ce jour à ce jour très compliqué. Et, par ailleurs, par rapport à un discours du Premier ministre qui a dit beaucoup de choses, j'ai l'impression que nous ne sommes pas les seuls concernés à avoir été un peu déçus par ce qui, en l'état, s'apparente à de la communication. Nous sommes nombreux, pas seulement les personnes aidantes ou les personnes en situation de handicap, à attendre que tout cela se concrétise rapidement. Entre les mots et l'action il y a encore une distance qui est à parcourir.
Ce sera le dernier mot de cette émission. Je le rappelle, le Festival international du film sur les handicaps, c'est du 9 au 13 février à l'Institut Lumière de Lyon. Merci Philippe Lefait d'avoir accepté notre invitation.
Merci à vous.