À Lyon, les fêtes de fin d'année ont pris une tournure politique avec le débat sur l'interdiction du foie gras. Mais les Lyonnais font-ils une place à l'écologie au pied du sapin ? Reportage sur le marché de Noël.
À Lyon, l'avant-Noël a été agité. L'incertitude a longtemps plané autour de l'organisation du traditionnel marché de Noël de la place Carnot dans le 2e arrondissement. Avant que la Ville ne concède finalement l'organisation de l'événement à une nouvelle entreprise fin octobre. "Est-ce que c’est par dogmatisme et idéologie que vous bloquez le marché de Noël ?", avait attaqué le maire LR du 2e arrondissement, Pierre Oliver, avant que la situation ne se débloque. Camille Augey, l'adjointe au maire de Lyon en charge de l’emploi et de l’économie durables, avait expliqué ce retard à l'allumage par le coût financier concernant la sécurisation de l’événement.
Début décembre, c'est le maire écologiste Grégory Doucet qui a déclenché une vive polémique en annonçant bannir le foie gras des réceptions officielles. Une annonce qui a fait des mécontents. Les Toques Blanches Lyonnaises, comme treize autres associations de chefs français, sont montées au créneau pour soutenir la filière française. Son vice-président, Joseph Viola s'est confié dans l'émission 6 minutes chrono de Lyon Capitale. "Si la Ville de Lyon veut faire du tourisme de proximité, ne nous mettons pas certaines régions à dos parce qu'on interdit de produire du foie gras. Ça ne va pas dans le bon sens." Il y a un an, c'était le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic qui avait fait du bruit en supprimant le sapin de Noël géant de la place de la mairie.
Mais que pensent les commerçants et leurs clients des marchés de Noël lyonnais de ces polémiques autour d'un "Noël écolo" ?
"J'ai l'impression que la polémique du foie gras a été balancée exprès juste avant Noël"
Sur la place Carnot, environ 90 commerçants et artisans vendent vin chaud, marrons grillés, bijoux, fromage, charcuterie ou encore sapins sur le marché de Noël. Ce mardi 14 décembre en milieu de journée, le brouillard enveloppe les petits chalets et la silhouette de la gare Perrache voisine. Après un week-end de grosse affluence, la foule est éparse. Sur son stand, au milieu de sapins de toutes tailles venus exclusivement du Morvan, Julien attend les clients. La trentaine bien avancée, ce vendeur, qui habite lui-même dans le Morvan, a parfois les oreilles qui sifflent.
"Il y a des gens qui disent que nos sapins sont des arbres morts. Mais, ce n'est tout à fait vrai. La ville va récupérer nos invendus et les recycler en copeaux de bois". Il reconnaît simplement que faire venir des sapins du Morvan n'est pas la démarche la plus écologique. "Dans notre pépinière dans le Morvan, on coupe les arbres à la demande des clients. À Lyon, c'est différent. On a un stock et les arbres qui ne sont pas vendus au bout de 15 jours perdent leurs aiguilles et plus personne n'en veut. S'il y avait une pépinière à Lyon, ça serait plus simple". Selon Julien, les clients sont peu nombreux à demander la provenance exacte des sapins. "Ce sont surtout les anciens, les personnes de plus de 50-60 ans qui nous posent des questions".
"Les gens nous demandent si nos produits viennent de France. Ils ne veulent plus de Nutella, ni d'huile de palme"
Adrien, vendeur de pâte à tartiner sur le marché de Noël
Dans une petite cabane, à quelques dizaines de mètres de là, Laurent Tisseront sert son vin chaud. Ce traiteur installé depuis 30 ans à Caluire tient pour la première fois un chalet au marché de Noël. Une façon pour lui de combler sa perte de trésorerie causée par les annulations de commandes pour Noël en raison de la cinquième vague de Covid-19. Ce commerçant n'a pas sa langue dans la poche. Il peste contre la mairie qui a traîné à organiser la tenue du marché. Il s'affirme plus généralement comme un anti-Doucet. "Ce qui se passe sur le foie gras, ce n'est pas possible. Je comprends le mal-être des producteurs. Ils ont déjà été touché par la grippe aviaire et maintenant ils se prennent ça. J'ai l'impression que la polémique du foie gras a été balancée exprès juste avant Noël. Cela n'aurait pas eu la même résonance en février", glisse le patron de l'établissement La Table en mouvement.
D'autres sont moins politiques. Adrien, vendeur sur un stand de pâte à tartiner artisanale, se dit très loin de ces débats. En revanche, il observe que les clients se préoccupent de plus en plus de la provenance des produits. "On ne fait pas de bio, mais on essaye de faire la meilleure tarte à tartiner possible avec des ingrédients de qualité. Les gens nous demandent si nos produits viennent de France. Ils ne veulent plus de Nutella, ni d'huile de palme". Deux jeunes clientes acquiescent. "Ce qui compte le plus pour nous sur le marché de Noël, c'est de pouvoir acheter des produits de qualité".
Des sapins de Chartreuse et de l'UE
Plus que la question du bio, le sourçage des marchandises en vente est une exigence qui monte sur les marchés de Noël. Sur les quais du Rhône, rive gauche au niveau du pont Lafayette, un marché de sapins tient le pavé depuis de longues années. C'est l'entreprise Sapins en Chartreuse qui vend les conifères aux aiguilles bien vertes. Mais les Nordmann ne viennent pas tous du massif préalpin de la Chartreuse. "C'est vrai qu'on a quelques sapins qui viennent de l'Union européenne. On a fait le choix de l'indiquer cette année pour être transparent, car le nom de notre entreprise laisse entendre que tous nos sapins viennent de Chartreuse. C'était ambigu", révèle Florent, salarié de cette entreprise spécialisée dans la production mais aussi le négoce de sapins.
Si la majeure partie des arbres viennent de Savoie, sur les pentes du Granier au-dessus de Chambéry, Sapins en Chartreuse n'a en fait pas assez de plantations pour répondre à la demande. "Par contre, les sapins que nous élevons sont traités sans produits phytosanitaires. Mais ça, les gens n'y accordent pas d'importance. On ne nous demande pas si nos sapins sont bio". Les employés de Sapins en Chartreuse font chaque jour l'aller-retour en Lyon et les Alpes. Une proximité qui leur permet de couper les sapins selon la demande et ainsi de limiter les pertes de conifères.
À la question de savoir s'il existe une alternative écologique au sapin de Noël, Florent hausse les épaules. "Les maquettes de sapin en bois sont présentées comme quelque chose d'écolo, mais il faut bien que des arbres soient coupés pour fournir le bois à ces faux sapins. Moi, je ne vois pas d'alternative écologique au sapin".
"Les employés de Sapins en Chartreuse font chaque jour l'aller-retour en Lyon et les Alpes. "
ça va alourdir considérablement le bilan "écologique" ! 😀
On s'en fout de l'écologie, c'est Noël on gaspille, on mange trop, on boit trop, on fait la fête, il faut se lâcher!