Les réseaux sociaux sont le premier moyen d’information des jeunes, loin devant la télévision, les sites de vidéo en ligne, la radio ou encore la presse. 71 % des 15-34 ans les utiliseraient quotidiennement pour s’informer*. Ce qui présente certains intérêts, mais aussi beaucoup de risques. Comment aider son enfant à ne pas croire, ni partager, tout ce qu’il lit ?
Il est bien loin le temps du rendez-vous familial devant le journal télévisé. Avec leur smartphone, les jeunes ont accès à l’information où ils veulent, quand ils veulent. C’est donc bien souvent seuls, pendant les trajets, en attendant un rendez-vous, le matin au petit-déjeuner ou le soir avant de se coucher qu’ils suivent l’actualité, sur Facebook, Instagram, Twitter… L’atout indéniable de cette information nomade et immédiate via les réseaux sociaux est d’être à la portée de tous, gratuitement. “D’autant que cette information peut être de qualité. Bon nombre de grands médias sont présents sur les réseaux sociaux, par exemple The Economist, Le Monde…, souligne Jacques Henno, spécialiste de l’usage des outils de communication par les enfants. Mais il y a aussi de nombreuses informations qui circulent sans que l’on sache d’où elles viennent.” Et, malgré leur maîtrise des outils numériques, les jeunes ne sont pas forcément armés pour faire face au flot d’informations pas toujours fiables déversé chaque jour sur les réseaux sociaux.
Une information parfois douteuse
Fake news, deep fake ou encore théorie du complot pullulent sur la Toile. Pourtant, selon Jacques Henno, l’impact des fausses informations reste assez faible. “D’après le sociologue Dominique Cardon, rapporte-t-il, 80 % des fake news ont été vues par 1 % des utilisateurs de Facebook. Les fake news circulent, certes, mais essentiellement au sein d’un cercle restreint, constitué d’utilisateurs friands d’informations sensationnelles.” L’objet du complotisme est d’amener à ne pas croire les informations officielles, à se méfier de tout ce qui pourrait représenter une élite, comme les politiques… ou les journalistes. En y adhérant, les jeunes ont l’impression de manifester leur indépendance d’esprit. Si les collégiens y sont parfois sensibles, les lycéens ont davantage de recul. “Les jeunes issus de milieux défavorisés sont les plus touchés, car ils n’ont pas toujours accès à d’autres sources d’information, payantes. Les théories du complot viennent parfois légitimer la situation difficile dans laquelle ils se trouvent”, remarque Jacques Henno.
Quant aux deep fake, elles sont particulièrement difficiles à déceler. Réalisées avec des outils d’intelligence artificielle, ces vraies-fausses nouvelles échangent par exemple les visages dans une vidéo ou mettent n’importe quels mots dans la bouche de quelqu’un d’autre. “Pendant les élections présidentielles, je m’étais abonnée à un groupe sur Facebook pour recevoir une revue de presse régulière, se rappelle Léa, 22 ans. En fait, je me suis rendu compte que l’information diffusée sur ce groupe n’était pas du tout objective, qu’elle était hyper orientée et que les contenus étaient triés sur le volet, voire biaisés. Ils ont diffusé par exemple une vidéo d’un homme politique qui laissait croire que tout avait été tourné en une fois. Alors qu’en fait il s’agissait d’un montage de vidéos filmées dans des endroits différents. On voyait des gens qui manifestaient, alors que ces manifestations n’avaient rien à voir avec le politique qui s’exprimait.”
Une ouverture d’esprit toute relative
Lorsqu’un adolescent s’informe uniquement via les réseaux sociaux, il risque d’avoir en outre une vision limitée de l’actualité. L’information qu’il reçoit dépend de ses abonnements, des partages de ses “amis”, “abonnés” ou autres – ce qui éloigne déjà toute notion d’objectivité –, mais aussi de ce que propose le réseau social. “Comme l’objectif des réseaux sociaux est que leurs utilisateurs soient connectés le plus longtemps possible afin qu’ils voient le plus de publicités possible, leur algorithme est programmé pour leur envoyer des contenus qui les intéressent, autrement dit qui correspondent à ce qu’ils ont l’habitude de “liker”, de commenter, de partager… Cela a un véritable effet entonnoir”, prévient Jacques Henno. Dès lors, les nouvelles que l’on reçoit via les réseaux sociaux n’offrent pas une représentation exhaustive de l’actualité. On est bien loin d’une fenêtre ouverte sur le monde ! “Avec ce système, ajoute Jacques Henno, le jeune reste enfermé dans son petit monde, alors que l’information est censée ouvrir à d’autres perspectives. L’effet entonnoir des algorithmes restreint son champ de vision. Lorsqu’on lit un journal ou un magazine, c’est complètement différent. On tourne les pages, on voit toutes les rubriques, on peut tomber par hasard sur des articles qu’on ne cherchait pas précisément. Cela procure une véritable ouverture d’esprit.”
Vérifier l’information
Les parents ont un véritable travail éducatif à faire pour aider leur enfant à prendre du recul face à l’information qu’il reçoit et à faire le tri. Il ne doit pas prendre pour argent comptant ce qu’il lit sur les réseaux sociaux. Et apprendre à repérer l’information truquée, la fausse rumeur, la théorie fantaisiste… La première des choses à faire est de vérifier la source, ce qui est loin d’être un réflexe chez un adolescent, qui a tendance à croire que l’info envoyée par un “ami” est forcément fiable. Un sujet sur lequel Jacques Henno insiste lors de ses conférences auprès des jeunes : “Je leur recommande de se mettre dans la peau d’un journaliste, afin qu’ils se posent les bonnes questions. Quelle est la date de la publication ? Quel est le profil de celui qui publie cette info ? S’agit-il d’une personne, d’une entreprise ? Y a-t-il une dimension religieuse ou politique ? Ont-ils un intérêt à manipuler ? Ils doivent aussi vérifier l’information, c’est-à-dire trouver d’autres sources qui corroborent – ou infirment – ce qui est dit. Il ne faut pas hésiter à creuser : bon nombre de jeunes se contentent de la première page sur un moteur de recherche, voire de Wikipédia…”
“Je ne recherche pas de manière active l’actualité, je consulte celle que je reçois sur les réseaux sociaux, explique Aglaé, 15 ans. Par contre, si je tombe sur un extrait de vidéo qui m’intéresse, je vais chercher la vidéo sur Internet pour la visionner en entier, d’une part pour en savoir plus, mais surtout pour vérifier que l’information n’a pas été manipulée.”
Développer leur esprit critique
Il est plus facile de faire la part des choses et d’avoir une opinion éclairée quand on a accès à d’autres sources d’information. C’est pourquoi il faut inciter son enfant à aller voir ailleurs. Comme Camille, 18 ans, qui multiplie les sources d’information pour compléter ce qu’elle reçoit sur les réseaux sociaux : “J’adore l’actualité ! Le matin, pendant mon petit-déjeuner, j’écoute la matinale de France Inter, c’est devenu un vrai rituel. Je reçois les alertes de certains grands médias sur mon téléphone. Et je regarde les récapitulatifs de l’actualité sur la chaîne YouTube HugoDécrypte. C’est un jeune qui fait des récapitulatifs courts et très accessibles de l’actualité.” Autant de supports faciles d’accès, compatibles avec le mode de vie des jeunes. Si votre enfant est partant pour s’abonner à un magazine d’actualité, c’est encore mieux ! En famille, tout est bon pour l’aider à se forger un esprit critique : l’aider à faire ses recherches pour un exposé, regarder les infos ensemble, partager, débattre, commenter, écouter les avis opposés…
“Il faut aussi informer les jeunes sur le fonctionnement des réseaux sociaux et leur expliquer l’effet entonnoir que subissent les informations qu’ils reçoivent, rappelle Jacques Henno. Pour illustrer ce propos, il suffit de demander à deux jeunes de lancer la même requête sur le même moteur de recherche. Ils obtiendront des résultats différents, car là aussi les algorithmes proposent des informations selon ce qu’ils ont déjà vu. Il faut attirer leur attention sur les stratégies des marques et leur apprendre à distinguer les publicités des contenus informatifs. S’ils sont abonnés à des influenceurs, ils doivent apprendre à repérer les placements de produit.” Certains sites (voir ci-dessous) traquent les fausses nouvelles et aident à y voir plus clair dans cet univers de la désinformation, n’hésitez pas à le leur rappeler. C’est une aide supplémentaire pour apprécier en conscience et avec clairvoyance les nouvelles qui leur viennent de toutes parts.
* Selon une étude réalisée à la demande du ministère de la Culture, de septembre 2017 à mars 2018.
3 SITES QUI TRAQUENT LES FAUSSES NOUVELLES