Jacques Vergès est mort. Il avait incontestablement du talent, mais était-il un grand avocat ?
Un avocat – qu’il soit grand ou petit – a pour première obligation de s’effacer derrière une cause. Sa mission est de défendre celui qui s’est confié à lui.
Bien entendu, les avocats, comme tout un chacun, plus que d’autres peut-être, ont un ego. Ils veulent plaire, séduire, convaincre, ils aspirent à ce qu’on les admire, c’est pour cela aussi qu’ils ont choisi ce métier. Mais rapidement – et sinon ils ne sont que médiocres – ils évitent le mot de trop, l’attitude outrée, la facilité de la séduction. Ils ne sont pas l’objet de la défense, ce n’est pas sur eux que le regard doit s’attacher, ils doivent privilégier leur tâche et faire constamment un effort d’humilité.
Vergès était avant tout provocateur et narcissique, il n’a d’évidence pas tendu vers l’objectif de l’effacement. Personne ne doit ni ne peut lui reprocher les clients qu’il a défendus, les Barbie, les Carlos, les Georges Ibrahim Abdallah, assassins, meurtriers sans remords : ils avaient le droit d’être défendus et même bien défendus.
Ce qui n’est pas acceptable, cependant, c’est l’empathie que Vergès entretenait avec ces criminels avérés. Un avocat n’est pas un ami, moins encore un complice, c’est celui qui défend, qui tente d’expliquer, qui essaie de rendre à chaque individu sa part d’humanité, mais en gardant la distance. Jacques Vergès ne le faisait pas, en soulevant fréquemment l’indignation des victimes ; il s’en glorifiait d’ailleurs.
Alors, paix à ses cendres ?