ouvriers bâtiment
© PHILIPPE HUGUEN / AFP

Rhône : les artisans du bâtiment dans la douleur

Concurrence déloyale et répercussion de la crise, les artisans du bâtiment sont à bout de souffle. 1200 emplois ont été sacrifiés en 2015 dans le Rhône. Malgré cela, Sylvain Fornès, président de la CAPEB Rhône, est optimiste : il semble qu'une prise de conscience générale soit en marche pour passer d'une vision à court terme à une économie plutôt tournée vers le local.

En 2015, 400 entreprises artisanales du bâtiment ont déposées le bilan dans le Rhône. Sur les 1200 salariés qui ont perdus leur emploi, certains sont au chômage, d'autres ont continué en auto-entreprise. Selon Sylvain Fornès, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du Rhône (CAPEB), ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour les artisans : "on perd des entreprises d'environ trois salariés, tandis que l'auto entrepreneuriat ne concerne souvent qu'une personne qui n’emploie pas. C'est une entreprise au rabais. Ce statut est très bien pour démarrer ou pour une activité complémentaire, mais il ne peut pas être viable très longtemps. A titre d'exemple, un artisan peintre salarié d'une TPE fait un chiffre d'affaire de 70 000 euros par an pour un 35 heures. Le plafond de la micro entreprise est de 32 500 euros de chiffre d'affaire par an."

La CAPEB du Rhône représente 1500 entreprises du département qui emploient environ 6000 salariés. Elle dénonce notamment le statut des travailleurs détachés qui ne permet pas aux artisans d'être à égalité sur le marché, mais aussi le travail non déclarés, de plus en plus présent dans le secteur du bâtiment.

"La fraude est devenue un sport national"

Pour Sylvain Fornès, "la France s'est transformée en une Grèce ou une Italie bis avec la création d'un véritable marché parallèle. La fraude est devenue un sport national, en particulier dans le bâtiment et la rénovation. C'est tout un pan de l'économie qui est en train de mourir." L'année dernière, la CAPEB du Rhône a contacté une entreprise de détectives privés pour détecter les travailleurs non déclarés. Mais selon l'inspection du travail, les signalements étaient erronés. Ils ont depuis mis en place une plate forme de signalement sur leur site internet : "parfois il s'agit de délation gratuite de vengeance, ou bien ce n'est pas correct comme par exemple signaler un homme qui rénove son garage seul le dimanche après midi. Mais grâce à cela on a récolté une trentaine de signalements plus sérieux". Parmi ces derniers, l'entreprise de détective privée a répertorié onze dossiers majeurs qui ont été transmis aux services de l’État . "Ça nous coûte de l'argent mais c'est aussi en vu de protéger nos entreprises" explique Sylvain Fornès.

Engager des travailleurs locaux et non low-cost

Les particuliers font souvent au moins cher, et font donc appel à des travailleurs non déclarés pour effectuer leurs travaux de rénovation. Seulement dans ces cas là, les assurances ne fonctionnent pas. Pour Sylvain Fornés, l'économie est peut être présente au départ mais peut s'avérer plus coûteuse : "s'il y a un soucis sur une installation électrique ou autres, les assurances ne le prendront pas en charge. Alors que lorsqu'on passe par une entreprise, les travaux réalisés sont garanties pendant 10 ans en cas d'accident."

La CAPEB tente de sensibiliser sur l'importance de l'aspect local, que ce soit au niveau des travailleurs, mais aussi des matériaux utilisés : "il faut être conscient que tout cet argent part ailleurs. Aujourd'hui, les travailleurs détachés employés par les grandes entreprises du bâtiment viennent avec leurs matériaux qu'ils n'achètent pas en France. Aussi, quand on voit que ce sont des polonais ou des roumains – je n'ai absolument rien contre eux – qui construisent des logements sociaux français, c'est quand même aberrant. Dans ces cas là, rien n'est cotisé pour le pays, les cotisations sont faites en Pologne ou en Roumanie. Qu'il s'agisse de marchés privées, pourquoi pas, mais pour le service public, cela montre bien que l'économie française tourne à l'envers."

Face a tout cela, Sylvain Fornès se veut optimiste et voit que "les gens commencent à comprendre que cette manière de procéder est une vision à court terme." Il rappelle également qu'à l'heure actuelle, on déplore presque chaque jour le suicide d'un artisan. En 2016, la CAPEB prévoit de mettre en place un service d'accompagnement pour les artisans au bord du burn-out, de plus en plus nombreux dans le département.

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