François Trillo, le journaliste sportif et commentateur de la chaîne TF1 pour la coupe du monde de rugby, est de passage à Lyon pour le match opposant la Nouvelle-Zélande et l'Italie (21h) ce vendredi 29 octobre. L'occasion de découvrir son regard sur cette grande messe du rugby mondial.
Connaissiez-vous Lyon avant de commenter cette coupe du monde dans la ville ?
Oui, je connais assez bien Lyon. Lorsque je travaillais pour Canal+, je venais régulièrement pour suivre l'OL, faire des reportages quand le club était dominant dans les années 2000-2010. Sinon pour cette coupe du monde de rugby, je fais trois des cinq matchs importants de Lyon. Je ne connaissais pas le Parc OL, et j'ai été agréablement surpris. Je m'attendais de toute façon à avoir une bonne ambiance, mais lors du Pays de Galles-Australie, il y avait une vraiment super bonne ambiance. Beaucoup d'Australiens dans les tribunes notamment. Je m’attendais à voir beaucoup de Gallois, mais pas les Australiens. C’était sympa cette communion par le rugby, cette ferveur très sereine, très conviviale et fraternelle. Ces gens viennent vibrer pour le rugby pendant plusieurs semaines. Je pense retrouver cette même allégresse ce soir pour le Nouvelle-Zélande-Italie, à Lyon, qui est un gros match.
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Qu’est-ce que ça te fait de commenter cet immense rendez-vous du rugby ?
C'est ma troisième Coupe du Monde, mais c'est ma première fois en numéro 1. En 2019, lors de la coupe du monde qui se déroulait au Japon j'étais déjà avec Benjamin Kayser. Nous étions la deuxième paire après Christian Jeanpierre et Dimitri Yachvili. Depuis, j’ai fait la coupe du monde féminine il y a un an. Aujourd’hui, TF1 nous a fait confiance et c’est vrai que c’est une grande exposition. Il y a plus de pression. Après, commenter du très haut niveau est toujours un plaisir.
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Qu'est ce qui caractérise cette coupe du monde pour vous ?
Il y a une ferveur autour de l'équipe de France qui est quand même énorme. Ces quatre dernières années, avec les 80% de victoires sous l'ère de Fabien Galthié, y sont pour quelque chose. Aujourd’hui, il y a une vraie attente de cette équipe de France, et une vraie sympathie pour les joueurs. Il y a avait tout de même plus de 2000 personnes lors de l’entraînement d’Aix-en-Provence. Mais l'engouement concerne toutes les équipes de la coupe du monde. Je crois qu'il y avait 7000 personnes pour l’entraînement des Italiens à Bourgoin-Jallieu, 12 000 à Tours pour les Irlandais. Les All Blacks ont dû délocaliser leur entraînement à Chaban-Delmas pour accueillir plus de 10 000 personnes. C’est tout de même fou.
Aujourd’hui, TF1 nous a fait confiance et c’est vrai que c’est une grande exposition. Il y a plus de pression.
Le rugby est-il enfin devenu grand public ?
Je pense qu’il ne sera jamais totalement grand public car les règles sont compliquées et ça reste une barrière. Néanmoins, c’est sûr qu’il y un engouement impressionnant. Je crois que les gens acceptent de le comprendre à différents niveaux. Certains ne comprennent pas toutes les règles mais ils sont happés tout de même par l'intensité, par le spectacle, par le fait que ce sport ne triche pas en termes d’engagement. Il y a forcément une authenticité qui touche. Les joueurs mettent tout ce qu’ils ont.
Justement, avez-vous des nouvelles sur l’état d’Antoine Dupont ?
Je n’ai pas de sources cachées. Je crois qu’il fera ce qu’il sentira. Il a fait le maximum pour accélérer le processus. Peut-être qu'en temps normal, il ne se serait pas fait opérer aussi vite. Lui, son objectif, c'est de jouer le quart de finale. Bien sûr qu'il faut qu'il le fasse, si jamais il a l'accord du chirurgien et s'il ne met pas sa santé en jeu. C'est quand même ça la priorité. Il sait ce qu'il veut. Il est assez responsable dans tout ce qu'il fait pour savoir prendre la bonne décision. Je pense qu'il le fera en concertation avec ses médecins, ses entraîneurs et puis surtout avec lui-même. Si ça se trouve, ça sera déterminant. Parce que le fait qu'il soit touché à au visage, si jamais il devient une cible, si un Sud-Africain le touche, ça pourrait faire basculer le match, avec un carton. Donc, si ça se trouve, ça sera déterminant, on ne sait pas. Ça a été dur de le voir sortir comme ça. C'était une souffrance et l'impression que le monde s'écroulait sur le rêve et le rugby français. Et à la fois, il y a eu un engouement derrière à partir du moment où il s'est fait opérer. En France, il s'est passé quelque chose. Il y a un “story telling” autour qui est assez incroyable. Ça a permis de maintenir un haut niveau d'intérêt pour l'équipe de France même pendant ces deux semaines sans match. Je ne m'en réjouis pas, mais c'est le revers de la médaille médiatique.
Je me prépare sans me soucier du nombre de spectateurs qui regarderont. Moi, je suis là essentiellement pour informer les gens, faire passer une émotion et surtout être un trait d'union entre le jeu et les téléspectateurs.
Comment vous préparez-vous pour ces matchs ? Il y a tout de même eu 17 millions de téléspectateurs pour le match d’ouverture.
Je me prépare sans me soucier du nombre de spectateurs qui regarderont. Moi, je suis là essentiellement pour informer les gens, faire passer une émotion et surtout être un trait d'union entre le jeu et les téléspectateurs. D’abord, ce sont les joueurs qui sont importants. Ce sont eux qui offrent le spectacle. Ensuite, c'est du travail que je fais tout au long de l'année parce que ma collaboration avec Sud Radio fait que je suis rugby tout le temps. Je ne bâchote pas. Je travaille fort les jours précédents un match, mais j'ai une culture rugby qui ne se limite pas non plus à mon parcours professionnel. J’ai par exemple mon père qui a été joueur et entraîneur. Moi même, j'ai joué un peu en première division. Je vois donc à peu près ce que l’on peut faire avec un ballon ovale, même si ça a beaucoup changé depuis. Grâce à mes cheveux blancs, j'ai vu toutes les coupes du monde et je pense que c'est aussi un atout. Sur ce point, nous sommes complémentaires avec Benjamin Kayser, qui est plus jeune que moi, qui est retraité du rugby depuis quatre ans, et qui est très en phase avec les détails du rugby d'aujourd'hui. On essaie de satisfaire les aficionados qui sont très pointilleux, très exigeants, et puis aussi le public plus large pour essayer d'expliquer la complexité des règles et des décisions d'arbitre. Mon enjeu, c'est faire ce grand écart et de le faire avec Benjamin.
Comment s’est passé le match d’ouverture entre la France et les All Blacks pour vous ?
C’était un match légendaire puisque la Nouvelle-Zélande n’avait jamais perdu en phase de poule. Après de notre côté, la chaleur nous a un peu gêné pour se sentir complètement libéré. Les joueurs m'ont impressionné en livrant une telle prestation dans les conditions de chaleur, d'humidité qu'il y avait. C'était irrespirable. Mais à part ça, ce n'était que du plaisir.
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On a du plaisir quand on commente un match ?
Oui, et c’est même le vrai baromètre. Il se passe toujours quelque chose dans un match de Coupe du Monde. Hier soir, il y avait Japon-Samoa, je l'ai regardé comme téléspectateur normal, et j’ai passé un super moment. Pareil pour le match opposant le Pays de Galle à l'Australie : c'était un grand match de poule. Après il y a les matchs qui entrent dans la légende comme l'Afrique du Sud-Irlande le week-end dernier. Il y avait plus de 7 millions de téléspectateurs. Cela veut dire que les gens comprennent même quand il n’y a pas beaucoup d’essais, quand le jeu est fermé. Pour moi, c'est l'enseignement principal de cette coupe du monde. Je suis impressionné des audiences, quelles que soient les chaînes d’ailleurs. Il y a une régularité du public.
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