Emmanuel Macron applaudi par Philippe Petitcolin, directeur général de Safran, lors de la visite du chef de l’Etat à Villeurbanne en juillet, dans une usine du groupe aéronautique français © AFP
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Safran à Feyzin, la réindustrialisation au prix fort à Lyon

C’est officiel, Safran a choisi Feyzin pour implanter sa prochaine usine, aidé dans sa décision par le tapis rouge que l’État et les collectivités locales ont déroulé. Au terme d’une route pavée de rivalités politiques, de concurrence internationale et de bonnes intentions, 25 millions d’euros de deniers publics ont été débloqués pour attirer l’industriel. Un effort considérable qui pose la question suivante : jusqu’où les pouvoirs publics sont-ils prêts à aller pour réindustrialiser la région ?

Il aura fallu trois ans de négociations avant que le spécialiste de l’aéronautique Safran choisisse Feyzin pour sa nouvelle usine de production de freins carbone. Trois ans, bien trop long pour le dirigeant Philippe Petitcolin qui a perdu patience début 2019 et n’a pas hésité à lancer un appel pour le moins incisif à destination des pouvoirs publics. “Ce n’est pas facile d’ouvrir une usine en France, il faut vraiment en avoir envie […] La solution de facilité serait d’investir à l’étranger, où on me proposerait des aides et où je serais accueilli à bras ouverts [...]. Rien n’est fait pour aider l’industriel à investir en France”, s’était-il ému lors d’une présentation des résultats annuels du groupe, en rappelant que la Malaisie et le Kentucky étaient dans les starting-blocks pour accueillir son usine, et que la balance pencherait en leur faveur si rien de plus n’était fait dans l’Hexagone pour lui faciliter la tâche.  

Feyzin, le Kentucky ou la Malaisie : Safran marionnettiste de la concurrence

De l’aveu même de Philippe Petitcolin, l’annonce était maladroite, sachant que la Métropole de Lyon travaillait d’arrache-pied sur le sujet depuis plusieurs années et proposait déjà des conditions avantageuses. Mais surtout, cette sortie aurait pu mettre le feu aux poudres entre le gouvernement et le dirigeant qui, en pratiquant ouvertement le jeu de la concurrence, semblait oublier la proximité historique entre l’État français et son entreprise, stratégique à plus d’un titre. Une proximité qui s’est d’ailleurs souvent matérialisée par des subventions, comme en 2015 lorsque la Métropole de Lyon avait mis 5 millions d’euros sur la table pour la mise en œuvre d’un centre d’essai de freinage à Villeurbanne pour Safran Landing Systems (ancien Messier-Bugatti-Dowty). Alors que la presse spécialisée s’attendait à un remontage de bretelles en règle de la part du ministère de l’Économie, c’est tout le contraire qui s’est produit. Après ce coup de gueule, Bruno Le Maire décrochait immédiatement son téléphone pour rassurer Philippe Petitcolin et annonçait dans la foulée “faire tout le nécessaire pour que l’usine s’installe en France et pas ailleurs”. Selon un proche du dossier, “à partir de février, Safran a mis la pression sur les différents pays pour obtenir le montage financier le plus avantageux. Cela fait partie d’une stratégie, et ils n’ont pas eu fondamentalement tort”. Stratégie payante pour l’industriel, qui s’est vu dérouler le tapis rouge par la Métropole de Lyon, la Région et l’État. Ceux qui ont travaillé sur le dossier à la Métropole, les premiers à avoir été dans le projet, parlent même de la mise en place d’une véritable “équipe de France” pour attirer Safran à Feyzin.

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