S'estimant trahis par des conseillers financiers qui leur ont vendu des placements immobiliers soi-disant "sans risque".
"Arnaque", "abus de confiance", "négligence"... Ce florilège sans nuance, exprimé par des petits investisseurs donne le ton de ce qui pourrait provoquer des secousses dans le monde de l'immobilier.
Par le nombre de victimes d'abord. Ils sont plus de deux mille à avoir placé leurs économies ces dernières années dans des appartements neufs en montagne, dans le cadre de la loi Demessine (lire Loi Demessine, avantage ou piège fiscal). Des biens acquis pour la plupart à crédit, afin de se constituer une épargne pour leur retraite.
Par l'ampleur des sommes perdues ensuite. Depuis près d'un an, aucun de ces propriétaires n'a touché le moindre loyer, tout en remboursant des échéances de prêt qui s'élèvent à plus de 1000 euros par mois pour certains. Ils risquent de ne pas voir la couleur du moindre chèque avant un certain temps. Pour eux, les fins de mois commencent à être difficiles...
Toutes ces personnes sont victimes des difficultés du groupe Transmontagne qui a en charge la gestion de leurs biens (location, entretien) et qui doit leur reverser un loyer. Insolvable, cette société basée à Villeurbanne a été placée en redressement judicaire cet été, et son sort reste très incertain (lire
Transmontagne dévisse).
"Nous avions achetés un appartement à Super Dévoluy (Hautes-Alpes). Les commerciaux de la société qui nous ont vendu ce placement nous avaient assurés que Transmontagne, l'exploitant, c'était du béton" nous indique l'un de ces propriétaires. "Ils nous disaient que Transmontagne était le plus fiable après Pierre et Vacances (leader des locations de tourisme en France) et que de toute façon, les loyers étaient garantis" ajoute un autre.
Des investisseurs qui s'estiment trahis
C'est donc en toute confiance que plusieurs milliers d'acheteurs alléchés par un dispositif fiscal généreux ont signé pour acquérir un appartement à Chamrousse, Super Dévoluy, Modane, Puy Saint-Vincent, et d'autres stations de ski en moyenne montagne.
La responsabilité des vendeurs, des sociétés de conseil en patrimoine ou agents financiers, est aujourd'hui clairement dénoncée par ces petits investisseurs. Valority, BNP Paribas investissement, Médicis, Selectys, Le Comptoir immobilier, Sud Finance Conseil, Christophe Bauvey*... et de multiples autres sociétés se retrouvent ainsi pointées du doigt.
Même si la plupart ont une solide réputation, elles sont accusées d'avoir très mal analysé la situation financière de Transmontagne, dont les comptes sont pourtant dans le rouge depuis plusieurs années. On leur reproche aussi d'avoir vendu ces placements en encourageant des particuliers à s'endetter auprès des banques. D'avoir, au mieux, fait preuve de négligence tout en encaissant au passage une large commission, qui s'est élevée pour certains lots à plus de 20 000 euros payés cash (12% à 14% du montant de la transaction).
Les lettres recommandées des propriétaires sont restées lettres mortes. Nous avons contacté certaines agences lyonnaises de ces sociétés, visiblement très gênées, qui n'ont pas donné suite aux demandes d'entretien de Lyon Capitale, à l'exception de Valority qui se défend en indiquant : "Nous avons une mission d'intermédiaire. Transmontagne était le gestionnaire le plus rassurant du moment, avec la Caisse des Dépôts et Consignations à son capital" .
Comble de l'ironie, ces mêmes produits de défiscalisation avec la mention "loyers garantis" pullulent sur les sites internet de nombreuses sociétés.
Quand l'Etat "subventionne" les promoteurs
La chaîne des responsabilités risque fort de s'étendre en amont : "Les promoteurs ont vendu au prix fort leurs programmes, sûrs que les ristournes fiscales nous autorisaient par compensation à effectuer un achat supérieur au prix du marché. Du coup ce sont eux qui ont récolté le bénéfice des aides de l'Etat.
Aujourd'hui, la valeur de mon bien est estimée à moins 30% de sa valeur à l'achat" nous confie l'un des acheteurs. Lui, a acheté un 40 m2 au prix de 170 000 euros TTC à Puy-Saint-Vincent (Alpes du sud), rembourse 1200 euros par mois et attend toujours le versement de ces fameux "loyers garantis".
Pire, il risque de se voir réclamer par l'administration fiscale une somme de 30 000 euros cash correspondant à l'économie de TVA réalisée sur l'opération si la résidence perd son agrément suite aux départ du bailleur ou s'il le vend. Un véritable piège !
Et là où l'affaire devient encore plus kafkaïenne, c'est qu'il est impossible pour ces propriétaires de louer par eux-mêmes ou de résider dans leurs propres appartements... le bail eleur interdisant !
Aujourd'hui, ils sont étonnés que la presse ne s'intéresse pas à leurs sort alors que sur internet, ça "buzze" sur de nombreux forums.
Dans l'attente de repreneurs pour Transmontagne, les propriétaires dans l'impasse se sont constitués en associations dans la majorité des résidences. Ils savent néammoins que les candidats à la reprise de la société ont exigé comme préalable une baisse des loyers, donc de leurs revenus. Certains ont d'ores et déjà décidé de faire appel à des avocats afin de se retourner contre les vendeurs. Leur longue bataille ne fait que commencer.
* Les noms des ces sociétés sont publiés à titre d'information car elles sont citées fréquemment dans les différents témoignages d‘investisseurs contactés par Lyon Capitale. La liste est loin d'être exhaustive.
Lâché par la neige, les banques et les collectivités,Transmontagne dévisse
Le groupe Transmontagne, dont le siège est basé à Villeurbanne, gère des remontées mécaniques ainsi que des résidences de tourisme dans de nombreuses stations de ski en France et à l'étranger. Depuis le 10 juillet dernier, la société est en règlement judiciaire pour une période d'observation de six mois
D'après Philippe Gausset, PDG, Transmontagne a été victime du manque de neige la saison dernière. Mais le principe consistant à demander aux banques une avance de trésorerie pour la saison à venir risque fort d'apparaître comme une gestion hautement risquée. Les banques, inquiètes, ont d'ailleurs refusé cette année de financer, redoutant la qualification de "soutien abusif" ce qui a provoqué l'insolvabilité du groupe.
Le tribunal de commerce de Lyon aurait reçu quatre propositions à ce jour pour la reprise de Transmontagne et devrait donner sa réponse dans les jours à venir.
Selon nos informations, le projet de continuation présenté tel quel par Philippe Gausset aurait peu de chance d'aboutir. D'autant plus que la Caisse de Dépôts et Consignation (CDC), actionnaire de Transmontagne à hauteur de 28% (et qui a réinjecté plus de 2 millions d'euros en juillet) semble le "lâcher" en soutenant un dossier déposé par Georges Vial, directeur général adjoint du groupe. Le projet de celui-ci est de racheter en priorité les activités de remontées mécaniques. Le problème est que certaines collectivités locales, échaudées, comme Chamrousse, Modane ou Saint-Etienne de Dévoluy ont clairement affirmé par voie de presse leurs intentions de remettre en cause leur délégation de service public (DSP) auprès de l'opérateur privé,. Elles privilégieraient désormais le retour à une régie municipale de leurs installations. Dans cette hypothèse, Transmontagne pourrait devenir une coquille vide, ce qui compliquerait encore la situation.
Une autre proposition, émanant d'un tout petit groupe spécialisé dans la résidence de tourisme, s'intéresserait uniquement à l'activité de location d'appartements. Toutefois, la condition serait de renégocier les baux, c'est- à-dire réviser à la baisse les loyers reversés aux propriétaires.
Quoiqu'il en soit, aucun des candidats à la reprise n'aurait proposé une reprise de l'ensemble des activités.
Loi Demessine,avantage ou piège fiscal ?
Lié au développement des zones rurales (ZRR), ce dispositif créé par l'Etat permet aux particuliers de bénéficier d'une exonération de TVA et d'un crédit d'impôt annuel pour l'achat d'un appartement neuf (destiné exclusivement à la location touristique) dans certaines communes, notamment en montagne. Elle permet ainsi aux investisseurs de se constituer un patrimoine pour la retraite, de recevoir des "loyers garantis" et d'assurer un rendement global de 4 à 5%. Faible, mais supposé sûr...
Or, rien n'est prévu par le législateur quand le bailleur est insolvable. D'autant plus que le total des crédits d'impôt est à rembourser si l'on revend le bien avant 9 ans. La TVA, elle, doit être reversée à l'Etat si la vente intervient avant 20 ans. Pour certains, il s'agit d'un véritable piège. Ils vont demander à l'Etat, qui a donné sa caution au système, de les protéger.
Mathieu Thaï
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