Séisme : les centrales nucléaires autour de Lyon peuvent-elles résister ?

Suite au séisme du 11 novembre qui a très fortement secoué la région Drôme-Ardèche, Lyon Capitale fait le point du risque sismique centrale nucléaire par centrale nucléaire.

Si, selon la préfecture et EDF, aucun dégât n'a été constaté sur les installations nucléaires de la région, des vérifications sont en cours dans la centrale de Cruas, en Ardèche. Cette dernière a été provisoirement arrêtée pour "audit approfondi" à la suite du séisme survenu lundi dans la vallée du Rhône.

Le questionnement légitime qui est sur toutes les lèvres : comment les centrales d'Auvergne-Rhône-Alpes se comportent-elles face au risque sismique, inhérent à la géologie du territoire régional ? A quel type de séisme elles résister ? Jusqu'à quelle magnitude ?

L'épicentre du séisme enregistré lundi se situait à environ 13 kilomètres de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche) et à 28,5 kilomètres de celle du Tricastin (Drôme).

Le principe de base de prise en compte du risque sismique

La prise en compte du risque sismique dans l’industrie nucléaire se base sur le plus gros séisme qui a eu lieu dans la région d’implantation des centrales, à la magnitude duquel on rajoute 0,5. Ainsi, la centrale du Tricastin peut résister à un tremblement de terre de magnitude 5,2 alors que le séisme référent (1873) était de magnitude 4,7.

Centrale du Bugey (Ain)

bugeySituation : 45 km de Lyon
Commune d’implantation :Saint-Vulbas
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 2 et 3 : 1978
Démarrage des réacteurs 4 et 5 : 1979
Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française.
Un réacteur à uranium naturel graphite gaz, mis en service en 1972 et arrêté en 1994, est actuellement en cours de démantèlement.
Nombre de personnes employées : 1.200

Séisme de référence : 1822 (Bugey-Chautagne) – Magnitude 5,5

La commune de Saint-Vulbas, où est implantée la centrale du Bugey, se trouve en zone sismique modérée. Le dernier séisme a été enregistré le 11 janvier 2006, à 35 km du site nucléaire. Le tremblement de terre, de magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter, a produit quelques dégâts très limités (chute d’une cheminée et de tuiles, fissuration du dallage de l’église) dans le village de Conand, sous lequel se situait l’épicentre (940 m de profondeur). Selon l’Autorité de sûreté nucléaire, la centrale est dimensionnée pour résister à un séisme de magnitude 6. François Thouvenot, sismologue responsable du réseau Sismalp, une zone de failles "assez peu active" pourrait se situer sur le coude du Rhône, près de la centrale.

Centrale du Tricastin (Drôme)

Vue aérienne site Tricastin
© Areva

Situation : 175 km de Lyon
Implantation : Saint-Paul-Trois-Châteaux
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 1 et 2 : 1980
Démarrage des réacteurs 3 et 4 : 1981
Le réacteur n°1 est le premier réacteur français à avoir été prolongé de 10 ans.
Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française. Nombre de personnes employées : 1.500

Séisme de référence : 1873 (Tricastin) – Magnitude 4,7

Les 630 hectares du site nucléaire du Tricastin (1 centrale, 5 usines permettant de transformer l’uranium issu des mines en combustible pour les réacteurs, 1 usine de décontamination) sont à cheval sur deux départements (Drôme, Vaucluse) et trois communes (Pierrelatte, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Bollène). La zone est classée en aléa sismique modéré. Le Tricastin serait sur un segment nord de la faille des Cévennes. Pour Olivier Bellier, chercheur au Cerege, "la centrale se situe entre deux accidents majeurs français, la faille des Cévennes et la faille de Nîmes, non considérées comme des failles actives par la grande majorité des experts". Ce qui n’exclut pas de futurs séismes, les derniers de forte intensité (VII à VIII) datant de 1773 et 1873 – dégâts massifs avec destruction des habitations les plus vulnérables. Le dernier séisme enregistré par Sismalp remonte au 25 novembre 2008 : une magnitude de 2,1 à 10 km de Pierrelatte. Selon EDF, le Tricastin peut résister à un séisme de magnitude 5,2. Lors de la troisième visite décennale de l’ASN, EDF a investi 5 millions d’euros pour mieux se protéger en cas de séisme (renforcement de la structure de la salle des machines, supports de plancher en acier). Quant à l’usine d’enrichissement d’uranium Georges-Besse II, dont les travaux sont actuellement en cours, elle repose sur des appuis antisismiques.

Centrale de Saint-Alban (Isère)

Situation : 50 km de Lyon
Commune d’implantation : Saint-Alban-du-Rhône
Puissance : 2 réacteurs de 1.300 MW
Démarrage du réacteur 1 : 1985
Démarrage du réacteur 2 : 1986
Production : Fournit l’équivalent de 13 % de la consommation électrique de Rhône-Alpes.
Nombre de personnes employées : 670

Séismes de référence : 24 juin 1878 (Villefranche-Lyon) et 9 septembre 1879 (Lagnieu) – Magnitude 4,7 et 5,1/
Saint-Alban est en zone d’aléa sismique modéré, comme les trois quarts du territoire régional. Un séisme de magnitude 2,1 a été enregistré le 24 juin 2010 tout près de Grenoble. La centrale iséroise peut, selon son concepteur, résister à un séisme de 5,5 sur l’échelle de Richter.

Centrale de Cruas (Drôme)

CruasSituation : 140 km de Lyon
Communes d’implantation : Cruas et Meysse
Puissance : 4 réacteurs de 900 MW
Démarrage des réacteurs 1 et 2 : 1984
Démarrage des réacteurs 3 et 4 : 1985
Production : Fournit l’équivalent de 40 % de la consommation annuelle électrique de Rhône-Alpes, soit 5 % de la consommation française.
Nombre de personnes employées : 1.100

Séisme de référence : 8 août 1873 (Châteauneuf-du-Rhône) – Magnitude 4,7

La centrale de Cruas-Meysse est la seule centrale nucléaire française à avoir été construite sur des appuis antisismiques. La géologie locale y est pour beaucoup : les terrains durs propagent plus vite les ondes sismiques, alors que sur des terrains meubles les vibrations sont piégées. La centrale de Cruas se trouve non loin d’un segment au nord de la grande faille des Cévennes, pour laquelle certains experts suggèrent une activité possible. EDF a dimensionné cette centrale pour résister à un séisme de magnitude 5,2.

"1 séisme de magnitude 5 en Rhône-Alpes tous les 30 ans"

Selon Éric Debayle, sismologue à l’ENS Lyon, interrogé par Lyon Capitale en 2013 à l'occasion d'un dossier spécial sur les risques nucléaires en Rhône-Alpes, l'une des régions les plus nucléarisées du monde, "en Rhône-Alpes, on s’attend à un séisme de magnitude 5 tous les trente ans et à un séisme de magnitude 6 tous les trois cents ans."

Olivier Bellier, du Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (Cerege), explique le contexte local par le fait que les failles du sud-est de la France, dont certaines remontent en région, se déplacent "à des vitesses très lentes, de l’ordre de 0,1 mm par an" (au Japon les plaques bougent de 8,3 cm par an).

"Mais rien ne dit qu’un jour de plus gros séismes ne pourront pas se produire, tempère François Thouvenot, sismologue pour le réseau de mesures sismiques Sismalp, compte tenu du peu de recul que nous avons."

En témoigne ce qui s'est passé lundi, dans la région de Montélimar, avec un séisme de magnitude 5,1 sur l'échelle de Richter, dont l'épicentre se situait à environ 13 kilomètres de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche) et à 28,5 kilomètres de celle du Tricastin (Drôme).

Pourquoi les centrales sont-elles dans des zones sismiques ?

Dans l’émission C dans l’air du 7 avril 2009, le géophysicien Vincent Courtillot, directeur de l’Institut du globe, est même allé jusqu'à dire qu' "il y a quelques décennies, les organismes qui étaient chargés d’installer les centrales nucléaires étaient ceux qui payaient les géologues qui devaient leur dire s’il y avait des risques ou pas. Les géologues ont eu tendance à ne pas bien voir les failles".

"La vallée du Rhône (le couloir rhodanien) est une immense faille, très ancienne. Si le Rhône coule à cet endroit, c’est justement parce qu’il s’est "glissé" dans cette zone de faille, explique le sismologue François Thouvenot. Or, les centrales ont besoin d’énormes quantités d’eau pour refroidir leurs réacteurs. D’où leur proximité des fleuves."

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