La 19e édition du Sirha, un salon dédié à l'alimentation "sans aucun équivalent dans le monde" se tiendra la dernière semaine de janvier, un an après la disparition de Paul Bocuse.
C'est l'un des plus importants salons de la restauration de la planète. Cinq jours et deux fois et demi la place Bellecour dédiés à la cuisine. Plus de 200 000 visiteurs, 25 000 chefs et 24 concours aux shows pour certains spectaculaires. Depuis 1983, il se tient tous les deux ans à Lyon. La prochaine édition aura lieu du 26 au 30 janvier prochain, après la trève des confiseurs. Paul Bocuse aurait eu 92 ans. Quasi jour pour jour. Si le Sirha est aujourd'hui réputé pour être une référence internationale, il le doit en bonne partie à l'aura planétaire du "pape de la gastronomie française" qui lui greffa dare-dare des olympiades de la gastronomie, promptement glorifiées sous le nom plus porteur de "Bocuse d'Or".
L'année prochaine, c'est donc un Sirha "un peu spécial que nous allons vivre car c'est le premier sans Paul Bocuse" relève Marie-Odile Fondeur, directrice de la divison Food Service de GL Events Exhibitions, ordonnateur du Sirha. Mais l'ombre du héraut de la cuisine tricolore, du "cuisinier du siècle" également sacré "chef du siècle" planera plus que jamais sur le salon, notamment à travers deux hommages qui lui seront rendus : d'abord, lors du Bocuse d'Or au cours duquel les vingt-quatre duo de chefs devront rôtir un carré de veau cinq côtes premières, cuit entier et sur l'os, "un véritable retour aux bases de la cuisine" défend Jérôme Bocuse ; ensuite, à l'occasion de la distribution aux Lyonnais de la fameuse "soupe de Monsieur Paul" sur certains marchés, écoles et hôpitaux de la ville.
Tendance "green" et Davos de la gastronomie
Présenté par ses organisateurs comme "le salon qui dessine l'alimentation de demain" et dans un contexte où le marché du food service (l'alimentation hors domicile) est en croissance continue (+2,5% dans le monde, +2% en France), le Sirha fera la part belle au bio, au free-form*, au véganisme, au végétarisme, aux circuits courts, aux technologies économes, à la foodtech, à la responsabilité sociale et environnementale. Des nouvelles tendances de consommation qui bouleversent déjà le food service de demain. "Les consommateurs ont conscience de leur impact sur l'environnement mais aussi de ce qui est bon pour leur bien-être, explique Marie-Odile Fondeur. Tout en désirant vivre des expériences au sein d'établissements devenus de véritables lieux d'émotions."
Des thématiques qui seront abordées lors du World Cuisine Summit (le fameux "Davos de la gastronomie" voulu par Paul Bocuse), où quelques leaders d'opinion aussi rares qu'attendus seront du voyage à Lyon : le microbiologiste américain Dickson Despommier, professeur de santé publique et environnementale à l'université de Columbia qui théorisa à partir de 1999 la notion d'agriculture urbaine verticale, Olaf Koch, pdg de Metro AG, l'autoproclamé et stupéfiant "Demon chef" Alvin Leung, le Français Paul Pairet et son restaurant expérimental Ultraviolet, à Shanghaï, l'économiste et universitaire Raj Patel, le CEO monde de Danone Emmanuel Faber ou encore Amir Nahai, directeur général food d'AccorHotels.
Clap de fin pour "le Tunnel du goût"
Si le Sirha n'est ouvert qu'aux professionnels (avec une retransmission en direct pour le Bocuse d'Or sur Facebook), GL Events remet le couvert avec son "off" public, BIG (pour Biennale internationale du goût), histoire de donner un retentissement populaire à un salon exclusivement pro. Mais sans "le Tunnel du goût". Qui s'arrête donc au bout de seulement deux éditions. À Lyon Capitale – du moins l'auteur de ces lignes –, on n'avait jamais été convaincu de la pertinence du concept, créé sous l'impulsion (pour ne pas dire l'insistance) du maire de Lyon, Gérard Collomb, qui voulait inaugurer son tunnel mode doux en grandes pompes. D'ailleurs, le ministre des affaires étrangères de l'époque, Laurent Fabius, avait fait le déplacement dans le souterrain, en émissaire de la "gastrono diplomatie". C'est donc un aveu d'échec, bien que les architectes du projet s'en défendent becs et ongles. "Ça fonctionnait bien mais, aujourd'hui, c'est trop contraignant en termes de sécurité, justifie Marie-Odile Fondeur, directrice générale du Sirha. Mieux vaut rester sur une bonne note." De l'avis des Lyonnais, la note avait plutôt été salée (rapport qualité-prix) et très en-dessous de la moyenne. Le tunnel du goût (un nom avant-coureur...?) sera donc remplacé par un dîner préparé par des "chefs étoilés en devenir" de la région et servi à l'hôtel de ville pour 50 euros. D'un point de vue grand public, on repassera. Comme pour le "Big Festiv'Halles", une soirée dégustation nocturne aux Halles de Lyon pour 99 euros. De quoi rester sur sa faim...
* de plus en plus d’ingrédients ne sont pas tolérés et non essentiels pour des formulations alimentaires, ce qui donne naissance à une nouvelle tendance : le "free from".
Lire aussi : les restaurants et les tendances de la gastronomie de demain.