Stéphane Bern
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Stéphane Bern : “Renoncer à protéger l’héritage du passé serait un hara-kiri culturel”

D’abord journaliste à Jours de France, magazine spécialisé dans l’actualité des familles royales européennes, puis sur Europe 1 où il a narré pendant plusieurs années les destinées des grands de ce monde, Stéphane Bern s’est véritablement fait connaître du grand public le 31 août 1997, sur le plateau du journal télévisé de TF1, pour évoquer la mort de la “superstar” Lady Di. Dès lors, le chroniqueur royal lyonno-luxembourgeois est propulsé sur le devant de la scène. Depuis trois ans, il est au chevet du patrimoine français en péril, après avoi été nommé “Monsieur Patrimoine” par le président de la République. Rencontre avec un “raconteur d’histoires”, “profondément attaché à Lyon”, qui publie son 42e livre Les Records de l’histoire (Albin Michel) et un cahier de vacances spécial Secrets d’Histoire.

Lyon Capitale : Êtes-vous une grande gueule ?

Stéphane Bern : Je ne suis ni un râleur ni une grande gueule par nature ou par posture. Je crois l’être, en revanche, quand c’est nécessaire, particulièrement sur les questions touchant au patrimoine, parce que j’y mets toute ma sincérité. Mais je sais dire fortement ce que je pense lorsque j’ai le sentiment que ça n’avance pas. Cela arrive très peu mais lorsque c’est le cas, je peux vous assurer que ça fait mal (rires).

Comme à l’automne 2019, lorsque vous avez rué dans les brancards après l’annulation par le gouvernement de 25 millions d’euros de crédits pour le patrimoine...

Soyons clairs, ces taxes sur les jeux d’argent sont tout à fait légales – vous imaginez bien que la CSG, la TVA et les autres taxes ne vont pas être supprimées pour mes beaux yeux. Si j’ai manifesté à ce moment-là mon agacement, c’est qu’on m’avait fait la promesse que les taxes sur le Loto du patrimoine [permettant de financer la rénovation de monuments en péril, NdlR] seraient compensées. En effet, comment expliquer aux Français que la part qui revient à l’État n’est pas intégralement reversée au patrimoine car il s’agit d’un jeu philanthropique qui n’a aucune vocation à alimenter telle caisse ou telle autre ?. Au détour d’une nuit de débats, 15 millions d’euros de taxes compensées ont été annulés d’un trait de plume. J’ai donc dû repartir au combat mais je peux vous annoncer avec soulagement et satisfaction que, désormais, l’intégralité du montant des taxes prélevées sur le Loto du Patrimoine sera compensée à l’euro près dans la loi de finances. Mon coup de sang aura finalement été bénéfique pour le patrimoine.

Déploie-t-on suffisamment de moyens pour sauvegarder notre patrimoine ?

Les moyens investis sont importants, il faut le reconnaître, puisque le patrimoine c’est 326 millions d’euros dans le budget du ministère de la Culture, mais assurément pas assez au regard des besoins qui nécessiteraient un investissement de 2 milliards d’euros pour tout remettre en état. Je considère le patrimoine comme une grande cause nationale car il s’agit de l’unique et dernier facteur d’égalité entre les villes et les zones rurales. La seule richesse qui reste dans nos campagnes, d’où nos usines ont souvent été délocalisées, c’est le patrimoine, qui attire les touristes et crée du pouvoir d’achat. 52 % de notre patrimoine se trouve dans les communes de moins de 2 000 habitants, si ça n’est pas un facteur d’égalité entre les villes et les campagnes, alors je n’y connais rien !

On entend parfois, ici et là, que le patrimoine, ce n’est en définitive que de vieilles pierres...

Je sais bien qu’il y a des critiques car le patrimoine c’est effectivement des vieilles pierres. On a tort d’opposer les pierres et les hommes. On n’a pas un cœur pour les uns ou un cœur pour les autres, on a du cœur ou on n’en a pas ! Et on oublie trop souvent que ces vieilles pierres nourrissent les hommes : c’est 35 000 emplois directs, 500 000 indirects avec le tourisme patrimonial. C’est aussi 7 % du PIB. Nos hommes politiques ont du mal à considérer que ce qui vient du passé, ce qui est un héritage de l’histoire est aussi un trésor pour l’avenir. Le patrimoine n’est rien moins que le pétrole de la France. Nous avons cette richesse mais nous ne savons pas l’exploiter. Abandonner ces trésors architecturaux à l’outrage du temps ? Renoncer à protéger cet héritage du passé et ces savoir-faire qui sont un conservatoire des métiers d’art français ? Ce serait assurément une faillite intellectuelle, une faute morale, une erreur politique, un non-sens économique et un hara-kiri culturel ! Le patrimoine doit rester une cause nationale et l’affaire de tous, qu’il soit public ou privé, archéologique ou du XXe siècle, castral ou religieux, paysager ou vernaculaire, industriel ou ouvrier.

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