Projet de téléphérique © Antoine Merlet / Simulation Lyon Capitale

Téléphérique à Lyon : des déclarations de travaux qui ne passent pas, nouvelle passe d'armes entre Sainte-Foy et le Sytral, interview

Le torchon brûle depuis six mois - et l'annonce du projet de transport par câble entre Francheville et Lyon - entre le Sytral et la ville de Sainte-Foy-lès-Lyon sur ce projet. Dernier épisode en date, des déclarations d'intention de travaux sur ce projet de téléphérique reçues par la ville de Sainte-Foy. Jean-Charles Kholhaas, vice-président délégué du Sytral et vice-président de la Métropole de Lyon, nous répond. Véronique Sarselli, la maire de Sainte-Foy, aussi. Décryptage.

Le projet de transport par câble entre Francheville et Lyon à l'horizon 2026, en passant possiblement par Sainte-Foy-lès-Lyon et La Mulatière, continue de faire débat. Ce projet déchaîne les passions dans l'ouest lyonnais depuis son annonce, mi-décembre 2020.

LyonCapitale.fr vous a proposé plusieurs longs articles sur le sujet depuis décembre. À retrouver ici :

Six mois après l'annonce détonante et très commentée, le Sytral a annoncé début juin avoir retenu 3 hypothèses de tracés, trois "fuseaux" qui seront soumis à la concertation de mi-novembre 2021 à mi-février 2022.

Le trois "fuseaux" proposés :

  • Gare de Francheville - Gravière/Taffignon - haut de Sainte-Foy-lès-Lyon - Perrache (Lyon 2e, métro A)  ou Jean-Jaurès (Lyon 7e, métro B)
  • Gare de Francheville - Gravière/Taffignon - centre de Sainte-Foy-lès-Lyon - La Mulatière - Gerland (Lyon 7e, métro B)
  • Gare de Francheville - Gravière/Taffignon -  sud de Sainte-Foy-lès-Lyon (pour éviter le centre) - La Mulatière - Gerland (Lyon 7e, métro B)

Qui est pour ? Qui est contre ce projet ? Le projet, les tracés, la concertation... Lyon Capitale a donné la parole à une dizaine d'élus locaux début juin après l'officialisation des fuseaux. A retrouver ici

Ces trois "fuseaux" seront donc soumis à la concertation de mi-novembre 2021 à mi-février 2022. Mi-novembre, c'est encore loin. L'été arrive. Mais pas de trêve estivale sur le projet de téléphérique. Depuis mi-décembre, la mairie de Sainte-Foy-lès-Lyon, farouchement opposée à ce projet, et le Sytral, se rendent coup pour coup.

Dernier épisode en date, des déclarations d'intentions de travaux, quatre, reçues par la ville de Sainte-Foy-lès-Lyon cette semaine. Des travaux dans des possibles lieux d'implantations de pylônes et de stations. Notamment au parc du Brûlet, au chemin des Près ou aux vignes de Montraÿ.


"La "large concertation proposée par le Sytral n'est qu'une plaisanterie"

Véronique Sarselli, maire de Sainte-Foy-lès-Lyon


Jeudi, dans un communiqué, la maire LR de Sainte-Foy-lès-Lyon, Véronique Sarselli, a regretté que "la rétention d'information, l'opacité ainsi que l'inversion de la logique de concertation président là encore ce projet à marche forcée. Comme pour les cartographies de l'avant-projet, il faut l'expertise d'une ville dans la lecture des procédures légales pour obtenir des informations sur le projet Sytral".

Véronique Sarselli poursuit, toujours autant opposée au projet : "La "large concertation" proposée par le Sytral n'est qu'une plaisanterie. C'est la preuve que l'opportunité du projet n'est pas questionnée et ne sera jamais proposée à la population. Je re-demande l'arrêt immédiat de ce projet à marche forcée et de toutes les démarches administratives de travaux. Je vais mettre toutes les compétences de notre ville pour poursuivre notre travail de transparence et soutenir la lutte citoyenne grandissante. La défaillance du Sytral est majeure. Bruno Bernard (le président du Sytral et de la Métropole de Lyon, ndlr) et le Sytral enchaînent les provocations avec un amateurisme déconcertant".

Suite à cette réaction de la maire de Sainte-Foy-lès-Lyon, nous avons contacté le Sytral. Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué du Sytral, par ailleurs également 5e vice-président EELV de la Métropole de Lyon, en charge des déplacements, intermodalités et logistique urbaine, a accepté de donner sa version vendredi. L'écologiste pilote ce projet au Sytral.

Lyon Capitale : Jean-Charles Kohlhaas, pourquoi ces déclarations d'intention de travaux ?

JEAN-CHARLES KOHLHAAS. Pour faire des sondages de sol, pour voir à la fois où sont les réseaux souterrains et pour voir les enjeux géologiques. On ne pose pas un pylône si on n'a pas la possibilité qu'il soit bien stable. C'est tout à fait habituel dans tous les projets. On fait des études de sol avant de définir précisément les tracés possibles. On ne va pas présenter à la concertation un tracé si on ne peut pas passer à un endroit. C'est tout à fait basique, on fait ça dans tous les projets. Si on veut arriver à une concertation honnête, il faut qu'on ait des projets précis, avec des tracés précis, et si on veut des tracés précis, il nous faut ces études.

Jean-Charles Kohlhaas ©PHOTOPQR/LE PROGRES/Joël PHILIPPON /MaxPPP

Des tracés précis des trois fuseaux seront-ils dévoilés avant le début de la concertation ?

Oui, l'objectif est de fournir à la concertation les emplacements précis, à quelques mètres près, des pylônes et des stations. Car c'est cela qui impacte le plus la population. Pour que la population puisse dire "là on pourrait le déplacer là, le faire là". Dans une concertation, ce qui est intéressant, c'est d'avoir une analyse multicritères. Pour avoir une analyse multicritères, il faut avoir tous les impacts. Si on obligés de déplacer un réseau d'eau ou un réseau d'assainissement, ça coûte un peu plus cher. Si on est obligés d'implanter un pylône à tel endroit car tout autour ce n'est pas stable, ça peut avoir un impact environnemental. Il faut que tout soit transparent.

Comme pour le T6 nord à Villeurbanne, entre le tracé rouge et le tracé vert, est-ce qu'une analyse multicritères entre les trois fuseaux sera proposée en amont de la concertation ?

Dans tous les projets du Sytral, on fait une analyse multicritère avec les impacts pour la population, pour l'environnement, le coût, les enjeux d'expropriation etc... Oui, il y en aura une.

Depuis 6 mois, et l'annonce du projet, le Sytral et la mairie de Sainte-Foy s'opposent sur ce projet. Regrettez-vous la manière dont se passent les choses, avec cette sorte de ping-pong permanent ?

Je le regrette profondément. J'en ai longuement discuté jeudi soir avec la garante de la CNDP (commission nationale de débat public) comme on a saisi la CNDP pour avoir deux garants, même si on n'y était pas obligé, pour que la concertation soit la plus transparente et objective possible. Et c'est le rôle des garants de la CNDP.

Je suis assez inquiet. Un projet, ça ne se construit pas comme ça, par un ping-pong comme vous dites. La concertation, ça nécessite un climat apaisé et serein. On peut avoir des désaccords, il n'y a pas de problème là-dessus, mais quand on raconte des fake news, et qu'on fait du populisme, ça n'aide pas à la concertation et au débat serein.

J'en pilote plusieurs de projets, notamment de trams. Avant que les informations soient diffusées dans la population, on discute en comité de pilotage avec les élus concernés des options, des enjeux. On les écoute. Sur ce projet-là, on ne peut pas. Quand on fait un comité de pilotage, qu'on présente l'état d'avancement des études, rien ne nous ait dit en réunion. En revanche, le lendemain ou sur le surlendemain, on a des documents dans la presse avec des mensonges pour essayer d'instrumentaliser le débat. Je ne trouve pas ça très républicain, au sens noble du terme - pas au sens politicien - et ça nous empêche d'avancer sereinement.


"On a le sentiment que la mairie de Sainte-Foy veut nous empêcher de fournir tous les éléments de manière transparente pour la concertation"

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué du Sytral, qui pilote le projet "transport par câble au Sytral


Il y a un manque de sérénité dans ce dossier ?

C'est le moins que l'on puisse dire. Pour faire une concertation transparente et objective, on a besoin de terminer les études. Pour qu'on puisse des choses très précises, y compris dans l'analyse multicritère. Je ne sais pas comment travaille la mairie de Sainte-Foy mais nous au Sytral, on a vraiment des analyses très pointues, environnementales, maison par maison, propriété par propriété. On doit être capable de fournir à la concertation le nombre de personnes impactées par tel type de nuisances. Car il y a toujours des impacts sur tous les projets et il y a beaucoup plus d'impacts sur les projets de tram ou de BHNS (bus à haut niveau de service) que sur les projets de transports par câble.

On doit pouvoir fournir tout ça pour la concertation. On a le sentiment que la mairie de Sainte-Foy veut nous empêcher de fournir tous ces éléments de manière transparente pour la concertation. C'est un peu regrettable. Je n'ai aucun problème avec Madame Sarselli. Je suis le président du Sagyrc (Syndicat intercommunal du bassin de l'Yzeron), Madame Sarselli, elle est vice-présidente. On se voit régulièrement en réunion. Mais son attitude sur ce projet-là, à travers sa communication, est déconcertante.

Moi je suis pour l'apaisement. On l'a déjà dit : ce projet, s'il n'est absolument pas accepté, il ne se fera pas. Donc l'opportunité même du projet est mise en question dans la concertation, on ne fait pas une concertation juste pour choisir un tracé ou pour choisir la couleur des pylônes. On fait une concertation qui parlera aussi de l'opportunité de faire ce type de projet. Tout est ouvert. On a saisi la CNDP, on a montré notre volonté de faire les choses très sereinement. J'espère qu'un tracé satisfera un grand monde de personnes. Et qu'il sera accepté. C'est mon souhait. Si ce n'est pas le cas, tampis. Mais pour que cela le soit, il faut que la concertation se fasse sereinement.

Dans son communiqué jeudi, Mme Sarselli déclare sur l'opportunité du projet : "La "large concertation" proposée par le Sytral n'est qu'une plaisanterie. C'est la preuve que l'opportunité du projet n'est pas questionnée et ne sera jamais proposée à la population". Vous vous inscrivez en faux ?

Je l'ai redit à la garante de la CNDP hier soir (jeudi soir). Lors de la concertation, on va faire des ateliers sur l'opportunité du projet et ensuite on fera des ateliers plus techniques secteur par secteur pour voir les impacts et voir ce qu'on peut faire évoluer. Il y aura un premier temps, lors de la concertation, de discussion et de débat sur l'opportunité.

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Après les déclarations de Monsieur Kohlhaas, nous avons donné la parole à Madame Sarselli, en guise de droit de réponse.

Réponse de Véronique Sarselli :

"Monsieur Kohlhaas inverse la logique. Il faut dans un premier temps interroger l’opportunité puis dans un second temps une éventuelle mise œuvre technique. Nul besoin d’un seul euro du contribuable pour faire des études complémentaires si la question de lintérêt de ce transport est évacuée ab initio. Oui, la procédure est classique. Classique dès lors où les projets sont actés et que le porteur de projet raisonne dans laménagement dun transport et non pas dans lopportunité de ce transport. Le SYTRAL impose ce qui est rejeté depuis les études de de la mandature précédente. Le SYTRAL impose ce quil qualifiait lui-même en 2019 d«inadapté» sur ce territoire. Nous avons fait réception de «seulement»4DT/DICT et la Mulatière «seulement» de 2. Si l’ambition du SYTRAL est de faire une cartographie complète du techniquement possible et du techniquement impossible pourquoi se fermer à étudier d’autres possibilités? Pourquoi ne pas échanger en amont avec les propriétaires et les villes supports?

Véronique Sarselli, la maire de Sainte-Foy-lès-Lyon

Les tracés de janvier sont abandonnés par le SYTRAL au profit de «fuseaux», d’une part pour laisser penser à des marges de manœuvre dans la prochaine concertation, mais surtout pour éviter que les citoyens ne contextualisent comme en janvier les impacts précis d’un tracé. Aux côtés de ses habitants, la Mairie a souhaité rendre publique et contextualiser une cartographie prévisionnelle. Une démarche de transparence et d’accès à l’information que le SYTRAL refuse encore aujourd’hui en proposant début juin une carte approximative et illisible. Depuis 6mois, ce sont les villes et les acteurs associatifs qui donnent accès à des documents que garde jalousement le SYTRAL. Il ne communique rien et avance à marche forcée pour tenir son calendrier et son inauguration annoncée pour 2025.


"Le SYTRAL doit prendre de la hauteur, oublier son calendrier électoral, arrêter une communication anxiogène, faire preuve de transparence, recevoir les élus et écouter les populations locales"

Véronique Sarselli, maire de Sainte-Foy-lès-Lyon


Depuis janvier le SYTRAL fait preuve dune naïveté fautive en imaginant que les pièces légales d’un marché public (notamment les cartes précises du tracé médian de l’avant-projet EGIS) ne se retrouveront pas sur la table des débats. Elles étaient sur son site internet. C’est la même chose pour les DT/DICT. Le SYTRAL ne prépare rien en amont et s’étonne des bombes de communication qu’il lâche.

Le SYTRAL représente au mieux le cynisme administratif du plus froid des monstres froids. Au pire il n’a aucune compassion pour des habitants quil juge comme trop privilégiés.Une chose est certaine cest quil ne comprend pas lidentité fidésienne, de Fourvière et de lOuest et les attentes de sa population. Il ne faut pas sous-évaluer le rapport charnel des habitants à leur environnement et à leur ville.

Nous appelons à un climat apaisé et serein. Pour ce faire, le SYTRAL doit prendre de la hauteur, oublier son calendrier électoral, arrêter une communication anxiogène, faire preuve de transparence, recevoir les élus et écouter les populations locales. Le STRMTG (Service Technique des Remontées Mécaniques et des Transports Guidés) souligne lui-même que le transport par câble ne peut se faire qu’avec l’assentiment des populations survolées. Ici, le SYTRAL refuse de voir le réel. La population ne souhaite pas se voir imposer un transport aux externalités négatives très fortes alors que des solutions alternatives existent et ont même été actées et concertées. Il y a une rupture de confiance dans les concertations du SYTRAL. N’oublions pas que le métro E faisait l’unanimité en 2019. Sa concertation était aussi une concertation CNDP et nous devions avoir 500 millions d’euros sur ce mandat. Depuis la politique de Bruno Bernard (le président du Sytral et de la Métropole de Lyon, ndlr), je cherche la ligne budgétaire... ZÉRO. Les chiffres parlent". 

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A regarder aussi notre émission 6 minutes chrono avec Bruno Bernard sur les mobilités (tram, téléphérique, métro) datant du 12 juin 2021 : "Le téléphérique ? Ma conviction, c'est que c'est la bonne solution. Mais ma conviction ne fait pas décision"

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