Il pilote le projet "transport par câble" entre Francheville et Lyon au Sytral. Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué du Sytral, vice-président de la Métropole de Lyon, en charge des Déplacements, intermodalités et logistique urbaine, détaille longuement pour Lyon Capitale LE projet qui fait tant débat actuellement dans la Métropole de Lyon. Une ligne de transport par câble entre Francheville et Lyon, en passant par Sainte-Foy-lès-Lyon et la Mulatière, prévue pour fin 2025. Les réticences ? Les opposants ? Les expropriations ? Le bruit ? Le vent ? La fréquentation espérée ? Le tracé ? La concertation ? La fiabilité ? Jean-Charles Kohlhaas s'exprime longuement. ENTRETIEN.
Dans le plan de mandat 2021-2026 dévoilé par le Sytral fin décembre 2020, il est prévu, pour fin 2025, la réalisation et aussi la mise en service de la première ligne de « transport par câble » dans la Métropole de Lyon, entre Francheville et Lyon en passant par Sainte-Foy-lès-Lyon et la Mulatière. Un projet qui fait débat, et le mot est faible, notamment à Sainte-Foy-lès-Lyon. Nous avions réalisé un long sujet sur ce projet fin décembre : "Ouest de Lyon : bonne ou mauvaise idée, le projet de téléphérique est-il vraiment crédible ? Et pertinent ?" (un décryptage à relire ici). Il pilote le projet "transport par câble" au Sytral. Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué du Sytral, 5e vice-président de la Métropole de Lyon, en charge des Déplacements, intermodalités et logistique urbaine, détaille longuement le projet pour Lyon Capitale. Lyon Capitale : Dans le plan de mandat du Sytral 2021-2026, un nouveau projet fait débat et retient l’attention de beaucoup : la ligne de transport par câble entre Francheville et Lyon. Jean-Charles Kohlhaas : En décembre 2017, plusieurs élus de l’Ouest lyonnais, madame Sarselli (maire de Sainte-Foy), monsieur Rantonnet (maire de Francheville), madame Pouzergue (maire d’Oullins) mais aussi le maire du 2e arrondissement de Lyon (alors monsieur Broliquier), le maire de Craponne (alors monsieur Galliano) écrivent au Sytral pour demander un transport par câble entre Francheville, Sainte-Foy et Lyon en expliquant tout l’intérêt d'un tel système, écologique, peu impactant, pas bruyant. À ce moment-là, le Sytral a lancé une étude sur une petite dizaine de lignes de transports par câble dans un bureau d’études qu’on a rencontré depuis, pour faire une analyse. Manifestement, le Sytral n’y croyait pas en 2017-2018. Et le bureau d’études nous a très clairement dit qu’on lui avait demandé une étude à charge (*Fouziya Bouzerda, la présidente du Sytral entre 2017 et 2020, nous répond en fin d'article). Ils ont un peu minimisé le nombre de voyages potentiels et un peu surestimé les coûts. Malgré tout, il s’avère que sur les lignes étudiées, la plus pertinente était Francheville – Sainte-Foy – Lyon. On l’a su car on a rencontré le bureau d’études avant les élections qui voulait nous voir, il sentait le vent tourner. C’est un gros bureau d’études en matière d’urbanisme et de mobilités, des gens très sérieux. Ils nous ont donné des informations en off à l’époque, confirmées depuis. On leur a demandé simplement de nous redonner les vrais chiffres des études, ce qui donne les vrais chiffres publiés. Nous, on a aucun intérêt à fausser une étude. Si le transport par câble est pertinent, on le fait. Il y a un enjeu de culture. On n’est pas habitué en France. Quand on va dans certains pays qui le font depuis 10 ou 15 ans, c’est considéré comme un miracle. Nous, on a du mal à mettre un œuvre un exemple qui permette de dédramatiser le côté nouveau et inconnu. On s’était dit : “Si une ligne se justifie, on la fera lors du mandat (2020-2026).” Les études ont été très claires. La ligne qui se justifie le plus, c’est celle-ci. Vous comprenez les réticences et même ces peurs qui s’expriment depuis l’annonce du projet ? Oui, parce que quand on ne connaît pas quelque chose, on en a obligatoirement peur. Après, il y a des réponses à toutes les peurs. Ou presque. Certaines sont simples. Non, ça ne fait pas de bruit. Ça fait beaucoup moins de bruit qu’un bus ou qu’un flot de voitures. Ça ne pollue pas, c’est très pratique. C’est capacitaire. On nous dit que ça ne transporte pas grand-monde, c'est faux, cela dépend de la taille des cabines, de la fréquence, de ce qu’on choisit. Il faut l’adapter aux études et aux besoins. Les gens sont également inquiets que l’on puisse voir chez eux. En réalité c’est impossible, les cabines sont faites pour qu’il n’y ait pas de possibilités de regarder vers le sol. Elles sont opaques jusqu’à 1 m 50. Vous “touchez” (distinguez) le sol quand vous êtes à 40 mètres de haut à une distance de 200 ou 300 mètres. Vous ne distinguez rien, sauf si vous avez des jumelles. On peut même, dans une zone très dense où il y aurait une possibilité de visibilité, imaginer un immeuble aussi haut qu’une télécabine et que de fait on puisse regarder à l’horizontal, dans ce cas-là on pourrait rendre opaques les vitres ponctuellement. La cabine passe à un endroit où il faut que personne ne puisse voir, à ce moment-là, les vitres se foncent automatiquement. C’est un coût en plus ça… Tout à fait. Mais c’est possible. C’est un coût relativement supportable par rapport à l’enjeu. Le montant de cette infrastructure est de l’ordre d’une vingtaine de millions d’euros du kilomètre, rendre opaques des vitres représente un coût infime à côté. Donc pour être précis, prenons un cas pratique : une personne est dans son jardin, la télécabine passe au-dessus de chez elle… Ils ne pourront pas la voir. Il n’y a aucune visibilité possible. Un drone avec une caméra vous espionne beaucoup plus facilement qu’un transport par câble. Et les drones avec des caméras, aujourd’hui, sont en vente libre partout et n’importe qui peut les utiliser. Le tracé qui tient la corde, extrait de l'étude de pré-faisabilité commandée par le Sytral en novembre 2020 Quid des expropriations ? Si les pylônes doivent être posés sur le terrain d’un particulier… Dans toutes les lignes fortes de transport mises en œuvre, il y a des expropriations. Pour les lignes de tram ou le bus à haut niveau de service parce qu’on est obligé d’avoir des largeurs pour les stations. Mais qu’est-ce qu’on appelle des expropriations ? La plupart du temps, ce sont de petits bouts de terrain. On a besoin de gagner 1 mètre de plus en largeur sur telle rue pour pouvoir faire passer le tram et on rachète avec une expropriation le mètre de terrain concerné. Quelquefois, ça arrive avec les projets de tram, notamment à Villeurbanne où l’habitat est assez dense, on est obligé de détruire des maisons, des habitations, des commerces. Dans le cadre du transport par câble, on a un impact 100 fois inférieur. Il n’y a que les pylônes qui peuvent nécessiter une expropriation puisque les stations sont positionnées à des endroits où il y a de la place. Une station, c’est obligatoirement un pôle multimodal d’échanges, il faut que les gens puissent venir en voiture, en vélo, à pied ou avec d’autres modes de transports collectifs, donc il faut de l’espace. Ce ne sont pas les stations qui vont nécessiter des expropriations mais les pylônes. On les implante globalement aussi à l’endroit où il y a le moindre impact. Très souvent, un transport par câble, quand ce n’est pas en pleine nature, suit des rues. On n’implante pas les pylônes sur une maison, mais sur une place, un trottoir, un parking et parfois on a besoin de “gratter” un mètre de bande de jardin pour mettre le pylône car le trottoir n’est pas assez large. On est dans cet ordre d’idée-là. Il ne va pas y avoir de destructions de maisons ? Non. Pour l’instant, on n’est que dans la pré-faisabilité. On n’a pas un tracé précis. Mais sur le tracé entre Francheville – le Plan du Loup – le centre de Sainte-Foy – la Mulatière – Gerland, il y a très peu d’endroits où on manque de place pour implanter les pylônes. On doit avoir une vingtaine de bouts de terrains à acquérir. Après, ça va dépendre de la technologie que l’on choisit. Il y a plusieurs technologies de transport par câble dont une de transport avec trois câbles où il y a très peu de pylônes. Ils sont plus gros mais il y a plus de distance entre eux, donc il y en a beaucoup moins. Une étude en 2019 tablait sur une fréquentation d’environ 4 000 voyageurs/jour pour cette ligne, vous avancez des chiffres beaucoup plus élevés. Où est la vérité ? Il y a une double explication. En transport, on parle de voyages. En général, une personne fait deux voyages dans la journée. Elle descend à Lyon et remonte le soir. Si on parle de voyageurs, on divise par deux. C’est de la communication politique. On passe donc de 4 000 voyageurs, donc 8 000 voyages à 20 000 voyages (20 000, c'est le nombre de voyages attendus par le Sytral). La différence est d’abord là. Nous, on parle de voyages. Ce sont 20 000 voyages. On parle toujours en voyages en transports, quand on parle en voyageurs, c’est qu’on veut fausser les choses.Il vous reste 65 % de l'article à lire.
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