Thomas Dossus
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Thomas Dossus : "On est face à un gouvernement qui est un des moins légitimes"

Thomas Dossus, sénateur Les Ecologistes du Rhône, est l'invité de 6 minutes chrono et évoque le futur gouvernement de Michel Barnier.

Le gouvernement Barnier se fait encore attendre et la subtilité entre cohabitation et coexistence reste encore floue. Pour Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône, la finalité sera la même : "Le président de la République a tout fait pour qu'on soit dans la continuité malgré les résultats des urnes. On est face à un gouvernement aujourd'hui qui est un des moins légitimes qu'on ait eu à son entrée au pouvoir depuis le début de la Ve République. On a des élections qui ont eu lieu en juillet et des résultats qui ont été détournés par le président de la République pour continuer sa politique, pour surtout ne pas revenir sur les réformes injustes qu'il a menées. Et donc, on arrive avec un gouvernement effectivement conduit par la force qui est arrivée quatrième ou cinquième des élections législatives, avec une base démocratique très faible".

Pour lui, la nomination de Michel Barnier a au moins le mérite de la clarté : "la droite sort d'une forme d'hypocrisie. On avait vu Laurent Wauquiez qui a dit non, jamais on rentre au gouvernement, on ne rentrera pas, on ne veut pas s'associer à Emmanuel Macron. La réalité, c'est que la droite sénatoriale faisait passer les textes du gouvernement, était déjà concrètement complice du gouvernement Macron depuis quelques années. Et aujourd'hui, on sort d'une forme d'hypocrisie. Mais le Sénat pourra présenter des textes, faire voter des textes, mais c'est toujours l'Assemblée qui aura le dernier mot. On voit bien que l'Assemblée est fracturée et que les conditions de gouvernement qu'a mis Emmanuel Macron ne permettront pas à l'Assemblée de voter les textes. Et on va rentrer dans une zone de turbulence".

La retranscription intégrale de l'entretien avec Thomas Dossus

Bonjour à tous et bienvenue. Vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, nous sommes avec le sénateur écologiste du Rhone, Thomas Dossus. On voulait revenir avec vous sur la politique nationale, la formation d'un gouvernement qui ne saurait tarder, d'un gouvernement qui devrait être de droite et peut-être macroniste. Pour vous, est-ce qu'on est entré dans une phase de cohabitation ou finalement on est dans une continuité de la politique telle qu'elle était menée ?


Le président de la République a tout fait pour qu'on soit dans la continuité malgré les résultats des urnes. On est face à un gouvernement aujourd'hui qui est un des moins légitimes qu'on ait eu à son entrée au pouvoir depuis le début de la Ve République. On a des élections qui ont eu lieu en juillet et des résultats qui ont été détournés par le président de la République pour continuer sa politique, pour surtout ne pas revenir sur les réformes injustes qu'il a menées. Et donc, on arrive avec un gouvernement effectivement conduit par la force qui est arrivée quatrième ou cinquième des élections législatives, avec une base démocratique très faible.


Les Républicains, comme la Macronie, disent que c'est la faute de la gauche. Si vous aviez soutenu la candidature de Bernard Cazeneuve, c'est Bernard Cazeneuve qui serait Premier ministre. Est-ce que vous avez des regrets, vous, quand vous voyez finalement le résultat de cet été de tractation ?


Non, je pense que le responsable de ces situations, c'est Emmanuel Macron. Cazeneuve, c'est un écran de fumée. La réalité, c'est que la gauche est arrivée en tête à proposer une candidate au poste de Premier ministre. Le président de la République, en respectant les institutions, aurait dû la nommer et la censure, si elle devait avoir lieu, aurait eu lieu à l'Assemblée, pas dans son bureau. On a eu un président qui a décrété que cette première ministre aurait été censurée parce que Gabriel Attal, dans le bureau du président de la République, a dit nous, on la censure. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Ça fonctionne. La censure, c'est une censure parlementaire. Donc, c'est au Parlement de décider qui est censuré, qui ne l'est pas. Mais concrètement, le président de la République, s'il avait suivi les logiques de la Vème République, aurait dû nommer Lucie Castets en première ministre.

Est-ce que vous pensez que la situation, elle est tenable, que le budget pourrait être voté, que le gouvernement pourra tenir au moins jusqu'à la prochaine dissolution dans neuf mois maintenant ?


Je pense que quand Emmanuel Macron se présente comme le garant de la stabilité, est en fait un agent du chaos actuellement, puisque comme vous le dites, personne ne sait si le budget pourrait être voté. Moi, j'ai du mal à voir. Je siège à la Commission des finances au Sénat. J'ai du mal à voir comment à l'Assemblée, on va pouvoir voter un budget d'ici la fin de l'année. L'Assemblée n'a jamais été aussi fragmentée. Et en attisant la division de ce Parlement, le président enfonce la Ve République dans le chaos. Et donc, franchement, on arrive dans une zone de turbulences très dangereuse pour nos institutions, avec une extrême droite aux portes du pouvoir qui va tirer les marrons du feu si jamais on ne se ressaisit pas.


L'extrême droite qui pourra faire, avec peut-être d'ailleurs le nouveau Front populaire, faire ou défaire les majorités. C'est eux qui vont proposer le prochain train de loi dans leur niche parlementaire. Il y aura notamment, ils annoncent qu'ils voudront abroger la réforme des retraites. Est-ce que vous, le nouveau Front populaire, vous pourriez voter l'abrogation de la réforme des retraites si elle est présentée par le Rassemblement national ?


Moi, je pense qu'on est dans la confusion politique la plus totale. C'est-à-dire qu'on a un Rassemblement national qui s'est allié avec Éric Ciotti, qui lui présente, qui veut que les Français travaillent jusqu'à 65, voire 67 ans. Et le Rassemblement national derrière nous, par opportunisme politique, nous présente une réforme d'abrogation. Moi, je pense qu'il faut maintenir un cordon sanitaire très net avec l'extrême droite, quelles que soient les propositions. On ne vote pas les propositions de l'extrême droite. Et il y aura d'autres niches parlementaires pour pouvoir présenter l'abrogation de la réforme des retraites et présenter d'autres projets.


Un des éléments qui a permis la nomination de Michel Barnier, c'est que le Rassemblement national ne le censurait pas, mais c'est aussi finalement que la droite a la majorité au Sénat où vous siégez. Vous, est-ce que le Sénat peut finalement devenir le pôle de stabilité des institutions démocratiques ? Est-ce que ça peut être le nouveau rôle du Sénat ?


C'est déjà son rôle. Je pense que les débats au Sénat sont d'un autre niveau que ceux de l'Assemblée. Mais en revanche, nous, ce qu'on constate au Sénat en tant que force de gauche, c'est une radicalisation de la droite. C'est-à-dire que la droite, au Sénat, est dans une bulle où elle a l'impression d'avoir des marges de manoeuvre, alors que dans la société, on voit qu'elle recule, que jamais elle n'a été aussi faible dans les urnes. Et donc, ce qui est dangereux, c'est qu'on ait une droite extrêmement radicalisée au Sénat qui va pouvoir présenter des réformes très dures. On l'a vu sous la loi immigration ou la réforme des retraites. Ces deux réformes ont été présentées d'abord au Sénat et ont été construites au Sénat par une droite qui n'est plus en prise avec la société. Et donc, le danger, c'est qu'on ait une droite sénatoriale majoritaire, certes, dans la mouvance du gouvernement, mais qui présente des réformes très dures qu'elle ne pourra pas faire voter à l'Assemblée. Et donc, qui seront aussi des réformes brutales avec le corps social. Et donc, c'est là le danger qui vient par rapport à la droite sénatoriale.


Mais est-ce que le Sénat va pouvoir permettre à Emmanuel Macron et Michel Barnier de contourner l'absence de Est-ce que ça peut être finalement ça, la solution miracle pour faire passer des lois sans recourir en permanence au 49.3 ou sans que le gouvernement tombe à chaque projet de loi ?


Moi, je pense que la droite sort d'une forme d'hypocrisie. On avait vu Laurent Wauquiez qui a dit non, jamais on rentre au gouvernement, on ne rentrera pas, on ne veut pas s'associer à Emmanuel Macron. La réalité, c'est que la droite sénatoriale faisait passer les textes du gouvernement, était déjà concrètement complice du gouvernement Macron depuis quelques années. Et aujourd'hui, on sort d'une forme d'hypocrisie. Mais le Sénat pourra présenter des textes, faire voter des textes, mais c'est toujours l'Assemblée qui aura le dernier mot. On voit bien que l'Assemblée est fracturée et que les conditions de gouvernement qu'a mis Emmanuel Macron ne permettront pas à l'Assemblée de voter les textes. Et on va rentrer dans une zone de turbulence.

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