Place Varlin, dans le 3e arrondissement de Lyon
Place Varlin, dans le 3e arrondissement

Travaux d'été à Lyon : des restaurateurs perdent leur terrasse et leur chiffre d'affaires

Les travaux de la Métropole de Lyon sur la "promenade Moncey" contraint des restaurateurs à plier leurs terrasses cet été.

"Voila l'été, enfin l'été" chantaient les Négresses Vertes. Place Eugène Varlin, au pied de la Bourse du travail (3e), les restaurateurs sont eux aussi verts... de rage. La raison ? Ils ne travailleront pas cet été. Ou "si peu". "La Métropole de Lyon nous impose des travaux en plein été, nous empêchant d'installer nos terrasses. Et les terrasses en été , c'est 95% de notre chiffre d'affaires, certains jours, c'est même 100%." se désole Rachid Aksoum, propriétaire de plusieurs établissements - dont l'un, pour la petite histoire, était le QG de campagne des écologistes lors de la présidentielle.

"Date mortelle"

Place Varlin, dans le 3e arrondissement de LyonUn détail qui fait moyennement rire le collectif de sept restaurateurs de la place Varlin, créé en avril dernier, pour protester contre la date choisie par la Métropole de Lyon pour réaménager la place. "Commencer des travaux en plein été, c'est quand même incroyable ! La date est mortelle pour nous." explique en choeur plusieurs membres du collectif, qui ont tous pignon sur rue. "Pour moi, c'est simple, déplore Alexandre Boitier, patron de la "Brasserie de la Bourse du Travail", je ferme début juillet histoire de finir les stocks, après ce n'est même pas la peine que je continue d'ouvrir, je travaillerai à perte."

Les travaux en question ? La "promenade Moncey", une diagonale d'un kilomètre entre la Guillotière et la Part-Dieu. Pour l'heure, c'est une mosaïque d'aménagements de différentes époques plutôt vieillissants. L'idée est un réaménagement complet de cette grande artère et un traitement plus cohérent, plus paysager et plus "apaisé" pour reprendre la sémantique de la Ville de Lyon.

Portion de cette "promenade Moncey", la place Varlin (coincée entre la rue de la Part-Dieu, coté place Guichard, et la rue Servient, côté nouveau palais de justice). Elle doit être "remise au même niveau que les espaces publics qui l’entourent" détaille le Grand Lyon.  "Les terrasses des cafés qui s’y trouvent seront réorganisées et la fontaine du Buisson Ardent sera mise en valeur."


"Le risque selon moi c'est que GRDF se retrouve bouc émissaire entre la métropole et les commerçants."
Mail interne de GRDF


Si tous les riverains se réjouissent du projet, le moment choisi, en revanche, les met en rogne.
Petit retour en arrière. Le 3 mai dernier, les commerçants demandent un report des travaux en octobre, pour profiter de la saison estivale "particulièrement bénéfique". La Métropole de Lyon refuse. "Ils ont avancé que GrDF avait affirmé l'urgence de travaux de canalisation de gaz." Dans un mail interne du distributeur de gaz daté du 17 mai dernier, on peut pourtant lire : "La Métropole de Lyon me demande un courrier de GRDF pour les soutenir face aux commerçants qui ne veulent pas démonter leurs terrasses. Je ne peux pas prendre cette responsabilité sans soutient (sic). Le risque selon moi c'est que GRDF se retrouve bouc émissaire entre la métropole et les commerçants (...)"

Plutôt que gaspacho, soupe à la grimace

Place Varlin, dans le 3e arrondissement de LyonLa Métropole de Lyon argue d'un impératif sécuritaire (non confirmé par GrDF), et GrDF profite de l'opportunité des travaux de la Métropole pour refaire ses canalisations (ce que rapportent les commerçants). En définitive, chacun se renvoie la patate chaude. Les commerçants, eux, n'ont même plus leurs parasols pour pleurer. Les 600 places en terrasse ont fondu comme chantilly sur pavlova.

Le 30 mai dernier, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur référé-liberté, tendant à ce qu’il soit enjoint à la Métropole de Lyon de reporter au 1er octobre 2022 les travaux de réfection de la promenade Moncey, pour sa portion située Place Eugène Varlin. Le juge a considéré que  "les éléments relatifs aux chiffres d’affaires réalisés au cours de l’été 2019 produits à l’instance ne permettent pas de déterminer la part des revenus résultant de l’exploitation des emplacements en extérieur et par conséquent, le montant probable de pertes liées à la privation de cette part de l’activité", et de conclure : "les requérants ne démontrent pas que leurs commerces se trouveraient à très bref délai, en péril économique".

"La juge ne nous a pas accordé de délai"

Me Edouard Raffin, l'avocat du collectif de commerçants de la place Varlin, a fait appel de la décision du tribunal administratif devant le Conseil d'Etat. Dans l'intervalle, la Métropole de Lyon a saisi le tribunal judiciaire en référé d'heure à heure, une procédure en justice ultra rapide qui permet d'obtenir une décision provisoire dans un délai de 48h à une semaine. "La juge ne nous a pas accordé de délai, ce qui ne nous a pas permis d'obtenir à temps une audience devant le Conseil d'Etat."

Les commerçants, sous le coup d'un commandement de quitter les lieux, ont donc été contraints de plier tables, chaises et parasols pour l'été. "La Métropole de Lyon dit qu'il y a eu de la concertation, elle en fait la pub à tour de bras, explique Rabah Aksoum, l'un des commerçants de la place Varlin. En réalité, les commerçants n'ont jamais été associés ni au séquençage des travaux, ni à rien d 'ailleurs. Eux, ce sont les profs, nous les élèves."

Pas sûr que, comme pendant la campagne présidentielle, les élus écologistes soient de nouveau accueillis à bras ouverts place Eugène Varlin.


"Le soutien à la désobéissance civile c’est quand cela vous arrange
M. Bernard ?"
Les groupes Progressistes et Républicains de la Ville et de la Métropole de Lyon


Dans un communiqué, les groupes Progressistes et Républicains de la Ville et de la Métropole de Lyon s'en prennent à boulets rouges contre le président écologiste du Grand Lyon. "Si nous nous réjouissions de voir ce projet que nous avons initié, poursuivi par le nouvel exécutif, nous déplorons le traitement particulièrement méprisant et choquant du président de la Métropole et de sa vice-présidente à l’urbanisme à l’égard des commerçants et acteurs de la place." Les élus d'opposition poursuivent : "la Métropole qui subventionne pourtant certaines associations chantre de la résistance par la désobéissance civile, en a appelé à la force publique pour menacer de saisir l'outil de travail de commerçants dont elle ignore depuis des semaines les demandes et les difficultés légitimes."

Aucune force de police n'était sur place, l'huissier de justice présent n'ayant pas eu à faire appel à elle, les commerçants ayant de leur plein gré, et dépités, plier les gaules.

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