Trois surveillants poursuivis pour des violences sur un détenu

Trois surveillants de la prison de Lyon-Corbas comparaîtront début juin devant le tribunal correctionnel. Ils sont accusés d’avoir “corrigé” un détenu dans la nuit du 16 mars.

Il est rarissime que des affaires telles que celle révélée par le Progrès arrivent jusque devant un tribunal. C’est pourquoi elle fait grand bruit dans le milieu pénitentiaire. Le mardi 16 mars, vers 20 heures, un détenu du quartier disciplinaire de la prison de Corbas déclenche une alarme incendie en fumant dans sa cellule. Six surveillants interviennent. Le lendemain, alors qu’il doit passer en commission de discipline pour d’autres faits, il se plaint auprès de son avocat d’avoir reçu des coups. Celui-ci porte plainte. Selon une source judiciaire Le médecin qui l’a examiné constate qu’il a été “corrigé”. Il a les yeux “tuméfiés”, porte des “traces de coups” sur le visage, dans le cou et sur les jambes. Mais il n’a aucun jour d’interruption temporaire de travail (ITT). L’enregistement des caméras de vidéosurveillance montre également que les surveillants se sont anormalement attardés dans la cellule du détenu.Ces éléments ont amené le parquet de Lyon à ouvrir une enquête. Elle a conduit, cinq jours après les faits, à l’interpellation de six surveillants dont certains à leur domicile. Leur garde-à-vue a duré 36 heures.

Pour les syndicats policiers, “calomnie” et “diffamation

A leur sortie, le 24 mars, le syndicat pénitentiaire Force Ouvrière publie sur son site Internet un “communiqué de soutien aux personnels” de la maison d’arrêt de Corbas. FO qualifie de “dénonciation calominieuse” les allégations du détenu que le syndicat décrit comme “connu des services pénitentiaires pour insultes et multiples agressions envers les personnels de cet établissement”. Le syndicat justifie ainsi les agissements des surveillants : “l’équipe présente n’a eu d’autres solutions que de maîtriser tant bien que mal ce “sauvageon” qui a insulté et a refusé d’obtempérer”. Sur le même registre, Emmanuel Chambaud, délégué du syndicat UFAP, parle de “diffamation” et dénonce “l’arsenal judiciaire déployé”: “Habituellement quand il y a un incident, la police convoque le surveillant et transmet au parquet qui décide de poursuivre ou non. Mais en quinze ans de service, je n’ai jamais vu de gardes-à-vue de 36 heures pour un incident qui n’en est pas un, déclare-t-il. Il s’agit de la maîtrise d’un détenu dans le cadre légal de l’utilisation de la force. Si le procureur était sûr de lui, les collègues auraient immédiatement été jugés en comparution immédiate”.

Pour l'OIP, "l’omerta des violences sur détenus”

Pour l’Observatoire International des Prisons (OIP) cet événement renvoie à la recrudescence de la violence en prison pointée par l’administration pénitentiaire dans son bilan annuel 2009 présenté récemment à la presse. “L’administration pénitentiaire tente de masquer la réalité de la nature de la violence en prison. D’une part le nombre d’agressions entre détenus est beaucoup plus important que chiffre officiel. Il est plus élevé que le nombre des violences exercées à l'encontre des surveillants, déclare Céline Reimeringer, coordinatrice Rhône-Alpes. Surtout, l'événement survenu à Corbas nous rappelle que la violence peut être aussi le fait des surveillants eux-mêmes. Ce qui est totalement occulté”. Trois des six surveillants gardés à vue sont poursuivis pour “violence par personne ayant autorité”. Il comparaîtront devant le tribunal correctionnel dans deux mois et demi. “S’ils sont vérifiés, ces faits sont graves, poursuit un magistrat. On peut comprendre pour un délinquant qu’il se comporte comme un délinquant. Mais pas pour un surveillant dont la mission est autant de surveiller que de protéger les détenus”.
De son côté, l’inspection des services pénitentiaires a ouvert une enquête administrative. Selon nos informations, un des trois surveillants aurait été suspendu de ses fonctions.

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