DSK

"Tu as vu si DSK a une cravate ?"

Avec plus de 200 médias présents devant les marches de la cour criminelle de justice de Manhattan, les journalistes se sont livrés à une course à l'information pour une audience qui n'aura finalement duré que quatre minutes. Lyon Capitale y était.

De notre correspondant à New York.

6h30 du matin, une quarantaine de journalistes, café dans une main, New York Times dans l'autre, attendent déjà l'ouverture des portes du tribunal. Depuis bientôt un mois, c'est au 100 Centre Street, à quelques pas de Chinatown, que se trouve la plus forte densité de journalistes au monde. L'audience ne doit débuter que dans trois heures, mais déjà les télévisions et les radios multiplient les directs. À huit heures et demi, les journalistes sont enfin autorisés à entrer dans le tribunal. S'entame alors une course effrénée vers les portiques de sécurité. Après une rapide fouille, direction le 13e étage et la salle 51. Le porte-parole du palais de justice annonce qu'il y a que 80 places assises pour la presse.

Au grand dam des 200 journalistes, stressés, qui sont amassés devant la porte. La presse américaine est la première à entrer dans la salle d'audience, un passe-droit pas au goût de tout le monde. "Tu m'étonnes qu'on dise que les médias français se comportent mal au tribunal, ils ne nous laissent pas faire notre travail" peste une journaliste d'une grande radio française. Puis l'attaché de presse à la difficile tâche de choisir quels médias français peuvent à leur tour pénétrer dans l'enceinte. Sans doute mal briefé, il annonce à voix haute "TF1, TF2, TF3" et obtient enfin quelques sourires de certains journalistes.

"Vous avez plutôt intérêt à sourire"

Au moins cinquante places sont déjà prises dans la salle. Ceux encore à l'extérieur crient le nom de leur média espérant être l'élu de l'attaché de presse. Prise de bec entre RFI et France Inter pour savoir qui a la priorité sur l'information. Visiblement agacé par ce capharnaüm, l'attaché de presse s'enorgueillit d'un sarcasme dont il a coutume depuis le premier jour des audiences de DSK "Je sais que vous voulez tous me tuer, mais pour le moment, vous avez plutôt intérêt à sourire..."

Les principaux médias bien installés, c'est désormais la loi du premier servi, premier assis. À ce jeu là, Lyon Capitale a la chance d'être parmi les 30 médias invités à s'asseoir dans la salle d'audience. Quelques radios françaises et télévisions du câbles devront elles attendre à l'extérieur, une oreille sur la porte d'entrée et les yeux rivés sur les tweets des journalistes présents à l'intérieur. Ravi d'être entré, un journaliste espagnol pense que tout s'est joué aux ascenseurs. "J'étais derrière une vingtaine d'autres à l'entrée du tribunal, mais j'ai réussi à me faufiler dans un ascenseur avec les avocats de l'accusation avant tout le monde". La course à l'information n'a jamais aussi bien porté son nom.

"Shame on you"

Dans la salle, une policière semble ravie de son pouvoir face à des journalistes dociles qui ne veulent surtout pas être renvoyés dehors. "Les téléphones sont sur les genoux, si j'en vois un plus haut que les épaules, je le confisque". Et elle n'hésite pas à réprimander dès qu'un smartphone entre dans son champ de vision. Plus un bruit dans la salle d'audience. On n'entend plus que les touches des claviers des journalistes qui twittent minutes par minutes. Par intermittence, on discerne des "shame on you" (honte à vous), scandés par un syndicat de femmes de ménages présent devant la cour criminelle de justice.

Le silence est alors rompu par un journaliste français qui demande à aller aux toilettes. Réponse cinglante de l'attaché de presse. "Si j'étais vous, je ne sortirai pas de la salle..."

Arrive alors Anne Sinclair, puis quelques minutes plus tard Dominique Strauss Kahn. Se satisfaisant de la moindre information, les journalistes vont jusqu'à tweeter les tenues vestimentaires. "Tu as vu si DSK a une cravate ? Je ne l'ai aperçu que de dos, j'arrive pas à savoir". L'audience débute. Et termine quatre minutes plus tard devant des médias frustrés. Le temps pour Dominique Strauss Kahn de plaider non-coupable et d'ouvrir la voie à un procès. La prochaine audience a été fixée au 18 juillet. C'est à ce moment-là que la date du procès devrait être fixée. D'ici là, Dominique Strauss Kahn continuera son séjour dans sa prison dorée.

"La prochaine fois, je reste chez moi"

Quand aux détails des discours des avocats, à peine audible malgré des micros, aucun des journalistes français n'est sûr. Mais les quelques bribes entendues ici et là forment une information. Après la rivalité, c'est l'entraide entre les journalistes pour savoir ce qui a été dit. Les journalistes coincés à l'extérieur de la salle se satisferont des bruits de couloirs pour envoyer l'information à leur rédaction. La deuxième course débute alors. Treize étages plus bas, devant l'entrée sud de la cour criminelle de justice, les avocats vont s'adresser à la presse.

"La prochaine fois, je reste chez moi pour couvrir l'événement. À quoi ça sert de venir si on n'entend rien et qu'on est obligé de demander aux autres", soupire une journaliste exaspérée. Les marches du tribunal commencent à se vider. Seules les télévisions sont restées, sous l'œil curieux des passants. Un touriste français, maillot de l'OM sur le dos, interpelle alors plusieurs journalistes. "Il est où DSK ? Je voudrais le prendre en photo". Deux caméras de chaînes américaines se jettent alors sur lui pour lui poser des questions. La course à l'information est bel et bien finie. Celle aux réactions ne fait que débuter.

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