“Tu me niques ma vie, je t'oublierai jamais“

(Article actualisé à 19h15). La cour d'assises du Rhône avait la lourde tâche de juger ces mercredi et jeudi un jeune homme de vingt sept ans accusé de viol, il y a huit ans, sur une jeune femme vulnérable et psychologiquement défaillante dans le quartier Mermoz. Sans preuve formelle et alors que l'accusé a nié le viol, la cour d'assises la condamné jeudi soir à 9 ans de prison. Son avocat, Me Metaxas a fait appel. Le jeune homme est le seul des trois auteurs présumés du viol en réunion à avoir été identifié.

C'est l'histoire glauque d'une pauvre fille qui débarque le 2 octobre 2001 à la station Mermoz après s'être fait voler son sac à dos dans le métro. En rupture totale avec sa famille, et avec de gros problèmes psychologiques, “à la limite de l'hystérie et de la psychose“ selon le portrait des experts psychiatriques, la jeune femme de dix neuf ans erre alors depuis plusieurs jours dans la ville. Elle n'a pas de domicile fixe, dort parfois dans la rue et fume du haschich régulièrement. Son casier judiciaire présente une douzaine de citations, les plus graves pour “usurpation et falsification de chèques“ et “usurpation d'Etat civil“. Au procès, la défense la présente d'ailleurs comme une mythomane et une folle.

Son esprit s'est séparé de son corps

Mais le 3 octobre 2001, la jeune fille raconte à la police avoir été violée après sa sortie du métro. Quatre jeunes à qui elle demande de l'aide pour retrouver son sac à dos, dans lequel elle avait “toute sa vie“, selon son avocate, Maître Gallapont, la conduisent chez un copain. Pendant que celui-ci sort faire une course, les trois autres procèdent au viol, les uns après les autres dans la salle de bains. Elle racontera plus tard à la police, que le premier, le chef de la bande, l'a forcée à lui faire une fellation. Il voulait la violer, mais elle a dit non, alors il l'a retourné contre le lavabo, lui a baissé son pantalon et l'a sodomisée, lui promettant ainsi d'épargner sa virginité, qu'elle lui avait expliqué vouloir conserver jusqu'au mariage.

La jeune femme négocie donc avant d'être violée, sans succès, son agresseur ne veut rien savoir. A partir de là, son esprit quitte son corps, dit-elle. Il monte dans les airs au-dessus d'elle et elle se voit en train d'être violée par trois hommes. Le premier se retire et deux autres suivent. Elle ne voit pas leurs visages, reste face au lavabo, le pantalon baissé. Incapable de se retourner, incapable du moindre geste, du moindre cri, s'étonnent même les avocats de l'accusé, selon lesquels la jeune femme devait être consentante et troquer son corps contre du "shit".

Mais la jeune femme dépose plainte le lendemain au commissariat. Ni une, ni deux les policiers la conduisent alors à l'hôpital où une analyse gynécologique est pratiquée qui démontre deux lésions anales. La preuve pour la cour que le viol a eu lieu. Les prélèvements effectués révèlent également deux traces de spermes différents sur les vêtements de la victime, mais celui de l'accusé n'est pas retrouvé. Normal, répond la victime, le premier violeur a utilisé un préservatif et l'a noué à l'issue du viol. Les deux autres n'ont pas utilisés de capote, eux. Deux ans après les faits, ils n'ont toujours pas été retrouvés, mais leur ADN est fiché, s'ils récidivent, ils seront confondus, rappelle à juste titre un magistrat.

Huit ans de galère

Après les faits, la jeune femme abandonne bizarrement la procédure contre ses agresseurs. Elle ne se présente pas aux convocations des juges et reprend sa vie d'errance, jusqu'au jour où elle fini par être victime d'une nouvelle tentative de viol dans une voiture, quelques mois après les faits. Nouvelle tentative qui la décide à retourner au commissariat pour reprendre ses démarches précédentes. Son médecin traitant, par ailleurs, lui aurait dit qu'elle ne pouvait pas passer à autre chose dans sa tête, si elle ne réglait pas cette affaire. Quelques mois plus tard, suite au témoignage d'une ancienne petite amie du violeur de Mermoz, elle retourne au commissariat et l'identifie formellement sur un fichier de la police. Elle sera même confrontée à lui lors d'une audition, il lui dira alors “tu me niques ma vie, je t 'oublierai jamais“. Mais la jeune fille instable et défaillante psychologiquement, les experts l'ont montré, ne se présente pas une nouvelle fois aux convocations suivantes, elle n'est pas là non plus au procès.

Le violeur présumé lui, reconnaît une partie des faits. La fellation a bien eu lieu, mais le viol s'est arrêté là selon lui et la jeune fille était consentante. Le mobile ? Elle aurait troqué son corps contre du cannabis, selon l'avocat de l'accusé. Au contraire, selon la jeune fille, le violeur lui aurait proposé du cannabis en échange d'une fellation. Face aux déclarations “fluctuantes et indécises“ de la plaignante, le juge décide de porter l'affaire en correctionnel (la fellation en droit français n'est pas un crime, mais une simple agression qui relève du tribunal correctionnel, ndlr). Tant pis pour les déchirures anales constatées par le gynécologue. Le tribunal ne juge pas le viol. Le jour du procès, la jeune femme ne vient pas et l'agresseur présumé est relaxé. Mais le parquet fait appel. Huit ans après, la cour d'assises juge enfin le viol.

Le jeune homme passe alors d'agresseur a violeur présumé. Jeudi 5 novembre, il comparaissait détenu dans le box des accusés et comble du hasard, le jour de ses 27 ans. L'avocat général a demandé à que l'on reconnaisse enfin son statut de victime à la jeune femme qui lutte depuis huit ans pour l'obtenir. Sans preuve formelle de son implication, il a requis dix ans de prison à l'encontre du violeur. L'un des avocats de l'accusé, Me Metaxas, demandait lui l'acquittement. Les jurés ont suivi leurs intimes convictions et condamné le jeune homme à neuf ans de prison ferme.

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