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Tunisie : pendant la Révolution, Collomb chantait un karaoké

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Les journalistes de Médiapart Mathieu Magnaudeix et Lénaïg Bredoux relatent dans leur livre Tunis Connection la visite du maire de Lyon en Tunisie, le 17 décembre 2010. Alors que le premier révolutionnaire s'immolait, le maire de Lyon chantait un karaoké avec l'ambassadeur de l'époque, Félix Gray et Didier Barbelivien. Récit.

Cruelle concomitance de calendrier ! Le 17 décembre 2010, alors que le premier révolutionnaire tunisien s'immolait (Mohammed Bouazizi), le maire de Lyon improvisait un karaoké avec l'ambassadeur de France, dans son palais. L'anecdote historique est relatée dans le livre "Tunis connection" (ed. Le Seuil), co-écrit par deux journalistes de Mediapart, Mathieu Magnaudeix et Lénaïg Bredoux. Celle-ci a interrogé Gérard Collomb sur le sujet. Tout n'est pas restitué dans le livre, et elle a bien voulu nous relater son échange. "Cet épisode résume l'atmosphère hors du temps, hors des réalités de l'ambassade de France", résume-t-elle.

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© Anis Milli

Un ambassadeur qui ne connaissait pas l'opposition à Ben Ali

Dans leur livre, la figure de Pierre Ménat (en photo en haut à gauche), l'ambassadeur, est centrale. "Il est le symbole de la diplomatie française à la dérive. Il n'avait jamais reçu une seule fois un représentant de l'opposition. Il était déconnecté du pays réel". Ce diplomate avait une passion : le karaoké. Il ne manquait jamais une occasion d'en improviser un avec ses convives. C'est le sort qu'il a réservé à Gérard Collomb quand celui-ci est venu avec une petite délégation de chefs d'entreprises lyonnais.

Ces agapes avaient pour cadre la résidence de l'ambassadeur, nichée dans le quartier chic de la capitale (photo ci-contre). "Un somptueux palais, féérique", précise la journaliste. Ce soir-là, deux invités surprises sont de la partie : les chanteurs Felix Gray et Didier Barbelivien. Les auteurs de "Toutes les filles que j'ai aimées avant" revisitent leur duo devant le sénateur du Rhône. Le feeling était tellement fort que le maire de Lyon déjeunera avec eux le lendemain.

Business ou coopération décentralisée ?

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La journaliste Lénaïg Bredoux

Cette anecdote gêne Gérard Collomb. Car ce voyage n'était pas à son agenda officiel. Il l'avait d'ailleurs repoussé à plusieurs reprises. "Il avait une forme de réticence", raconte Lénaïg Bredoux. Le maire de Lyon affirme d'ailleurs avoir refusé le lendemain l'excursion proposée par les autorités à Tozeur, une palmeraie paradisiaque dans le sud du pays, vitrine de la Tunisie opulente. Le maire de Lyon est resté quatre jours là-bas. Il avait surtout fait le déplacement pour faciliter les affaires d'entrepreneurs lyonnais. Olivier Ginon, PDG de GL Events était de la partie, tout comme Bernard Rivalta, le président du Sytral, consulté alors que Tunis projetait de construire un tramway. Comme nous le révélions à l'époque (lire ici), au cours de ce séjour, le maire de Lyon a rencontré Abdallah Kallel. Il présidait alors la chambre des conseillers et avait été ministre de l'Intérieur et de la Défense de Ben Ali.

Au moment de raconter son voyage, Gérard Collomb invoque un autre point à son agenda : l'instauration d'une coopération décentralisée avec une ville du pays. "C'est la Région Rhône-Alpes (qui dispose déjà d'une coopération décentralisée avec Monastir, ndlr) qui me tannait pour que je rencontre le maire de Tunis", a-t-il lancé aux journalistes. Le contexte est alors celui d'un déclin de cette forme de rapprochement entre collectivités : "le régime paranoïaque craignait n'importe quelle relation susceptible de lui échapper", explique la journaliste de Médiapart. Selon elle, la plupart des coopérations décentralisées "vivotaient". Aujourd'hui, celles-ci sont relancées, notamment avec le centre du pays d'où est partie la révolution de Jasmin.

Les atermoiements du maire de Lyon ne sont rien comparés à ceux de Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Né en Tunisie, celui-ci possède une maison à Bizerte où il se rend plusieurs fois par an. S'il a tissé des liens avec le président de la Ligue des Droits de l'Homme, il est proche d'Abdelaziz Ben Dhia, un des plus célèbres conseillers de Ben Ali. La présidence lui dépêchait régulièrement une voiture avec chauffeur pour l'accueillir à l'aéroport et le conduire jusqu'à sa maison secondaire.

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"Tunis Connection", de Mathieu Magnaudeix et Lénaïg Bredoux, ed. Le Seuil, en vente à partir du 5 janvier.

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