La tour UAP est murée dans son silence, refermée sur son lourd secret* : ses planchers sont floqués à l'amiante. Tout le monde le sait, ou presque. Personne ne fait rien. Ou presque.
Construite en 1972 cette tour de 71mètres de haut abrite d'abord les bureaux de la compagnie d'assurance. Très vite elle se révèle malcommode. Dans les années 80 elle est abandonnée. On découvre de l'amiante dans les sols. Du coup, on ne sait plus quoi faire de l'immeuble. Désamianter ? Trop long, trop cher. A Jussieu les travaux auront duré de 1996 à 2011 et coûté le prix de bâtiments neufs : 1300 euros du mètre carré. Détruire ? A cause de la rénovation des halles, c'est devenu aujourd'hui impossible. Cela supposerait la mise en sécurité du site pour éviter les retombées nocives sur tout le quartier et sur le temple de la gastronomie : Les Halles. Elles viennent d'être relookées. Certains pensent qu'il aurait fallu les détruire. Comme Henry Chabert, l'ancien adjoint de Michel Noir chargé de l'urbanisme : "on a fait un beau bricolage, mais c'est du bricolage". Il aurait fallu, selon lui, détruire la tour en même temps que les halles et la station service pour repenser complètement l'urbanisation du quartier. Et construire des halles neuves. "C'est une bombe à retardement, qui va payer ?" s'inquiète Guy Vanderaa, ex-architecte de l'agence de l'urbanisme. Pour lui les locaux conçus en 1972 sont inadaptés de toutes façons, l'UAP n'en voulait plus. Et leur destruction ferait courir un danger sanitaire. De mandant en mandat les différentes municipalités se refilent le mistigri.
Tout le monde est au courant, ou presque
Depuis le temps sur le dossier "tourne", tout le monde est au courant, nous avait-on assuré.
A la DRIRE (Direction de l'Environnement), on se défausse : "ce n'est pas un risque industriel; il faudrait voir avec la DDASS". A la DDASS on s'étonne : "Pas du tout, les propriétaires privés n'ont aucune obligation d'informer le préfet en cas d'amiante, il faudrait voir l'inspection du travail". A l'inspection du travail, il n'y a personne de disponible "les inspecteurs sont sur le terrain".
Des projets plus ou moins discrets
Du temps de Raymond Barre, la Société Sogelym voulait détruire la tour UAP pour édifier une tour nommée Crystal, de 102 mètres de haut. Ce gratte-ciel dit "écologique" entrait en concurrence avec le projet "Oxygène" qui l'emportera. Sogelym tentera un recours mais sans succès. En 2006 on parle de Nexity dans la course pour reprendre la tour UAP. Puis plus rien. A nouveau ces jours-ci, le Landerneau s'agite. Nexity, contacté, assure qu'elle n'est pas dans le coup. Sogelym refuse absolument de s'exprimer sur cette question mais finit par reconnaître qu'il y a bien un projet en cours. On parle d'une vente**, on cite le nom de la Caisse d'Epargne. Tout cela dans le plus grand secret.
* C'est Jean-Claude Chuzeville, photographe et chroniqueur à Lyon TV qui a soulevé le lièvre au détour d'une pastille qui sera diffusée dans le cadre de la série "On vous cache tout"
** AXA a racheté la tour en 1995.
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