Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, reprend les discussions avec l'administration Trump ce mardi à Djeddah, en Arabie-Saoudite, en vue d'un éventuel accord de paix avec la Russie. Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33, ne décolère toujours pas après la précédente réunion houleuse à la Maison blanche : "quand on voit la célérité avec laquelle non seulement il a renversé la table, une alliance, l'OTAN, on ne sait pas ce que ça deviendra, il y aura sans doute nécessité d'une profonde refonte et en plus le virage à 180 degrés sur l'aide apportée à l'Ukraine, le partage des images, satellites, etc. Oui, c'est effectivement, il y a eu beaucoup de mal fait en très peu de temps".
"On est un petit peu entre le marteau et l'enclume, les dés sont pipés, comme vous l'avez vu, Trump joue un autre jeu, nous on a l'impression que c'est finalement un chef de gang qui est en train d'essayer de s'entendre avec un autre chef de gang sur la peau d'une victime expiatoire", déplore-t-il.
La retranscription intégrale de l'entretien avec Mykola Cuzin
Bonjour à tous et bienvenue, vous regardez 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction Lyon Capitale et aujourd'hui nous accueillons Mykola Cuzin. Vous êtes président du Comité Ukraine 33, un des représentants de la diaspora ukrainienne à Lyon. On voulait revenir avec vous sur ce sujet, de ce conflit entre la Russie et l'Ukraine qui va peut-être avancer vers une forme de dénouement avec une première conférence aujourd'hui pour essayer de négocier la paix à Djeddah. La dernière fois que vous avez vu nous, vous participiez à notre soirée américaine. C'était le soir de l'élection, de la réélection de Donald Trump. À l'époque on s'imaginait que l'élection de Donald Trump n'allait pas favoriser les destin de l'Ukraine. Vous n'imaginiez pas que ce serait à ce point-là...
Disons que pas aussi vite, mais on avait toutes les craintes quand même à voir vis-à-vis de cette administration quand on sait que par exemple lors de la dernière campagne électorale que Trump avait perdue, il avait dû se séparer notamment de son directeur de campagne Paul Manafort parce qu'il était vraiment trop impliqué en direction de la Russie, ce n'était pas le seul. On sait qu'il a des intérêts pour le moins économiques croisés avec la Russie. Il avait effectué là-bas à Moscou son premier voyage dès 1987, il avait déjà été repéré. Et donc oui, quand on voit la célérité avec laquelle non seulement il a renversé la table, une alliance, l'OTAN, on ne sait pas ce que ça deviendra, il y aura sans doute nécessité d'une profonde refonte et en plus le virage à 180 degrés sur l'aide apportée à l'Ukraine, le partage des images, satellites, etc. Oui, c'est effectivement, il y a eu beaucoup de mal fait en très peu de temps.
Est-ce que vous vous entrevoyez la fin de ce conflit ou en tout cas est-ce que l'issue vers laquelle on s'achemine pour vous ne marque pas la fin de la guerre mais une forme de défaite sur tapis vert ?
On verra ce qui va se passer, oui c'est vrai que l'on laisse toujours, on va dire, la part belle, la part du lion aux empires, aux puissants. Donc moi ce que je crains effectivement c'est que dans cette histoire on fasse mettre un genou de plus à terre à l'Ukraine alors qu'encore une fois, rappelons-le, ce conflit est totalement asymétrique, il y a un agresseur, un agressé. L'Ukraine n'a jamais représenté aucun risque pour la Russie donc c'était une agression totalement gratuite, néocoloniale et sous-tendue par des ressorts généocidaires comme tout le monde a le pu s'en apercevoir. Donc ce qu'on entrevoit malheureusement ça serait une Ukraine qui serait amputée en tout cas pour quelques années voire plus d'une partie de son territoire et qui n'obtiendrait pas gain de cause sur quoi que ce soit de substantiel, à savoir que ce qui serait normal ce serait une réparation des immenses dégâts matériels qui ont été faits, le retour de tous les prisonniers, le retour des enfants déportés et également la reconnaissance des crimes de guerre, crimes à caractère humanitaire et crimes à caractère génocidaire commis par la Russie en Ukraine et donc des réparations connexes et bien entendu la traduction des responsables politiques et militaires en justice et tout ça malheureusement risque de ne pas advenir.
Quelle est la perception en ce moment de la communauté ukrainienne de Lyon sur ce qui se passe puisque on a vu les Américains cibler la personnalité de Volodymyr Zelensky l'accusant presque d'empêcher la paix. Est-ce que Volodymyr Zelensky est un président qui a toujours le soutien de la communauté ukrainienne ? Bien entendu. Est-ce que finalement les Américains n'ont pas galvanisé le soutien autour de Zelensky en tout cas de figer les positions ?
Tout à fait, l'institut Levada côté entre guillemets le président Zelensky n'en vient 67 % d'opinion favorable bien entendu que la réunion C'est 10 points de plus qu'avant la réunion de l'Ukraine. La réunion dans le bureau Oval y était pour quelque chose. Il faut bien distinguer le fait que dans la société ukrainienne on dit pour faire un comparatif entre la Russie et l'Ukraine que la Russie a depuis toujours un état fort et une société civile faible malheureusement et que l'Ukraine a toujours eu au sortir de l'effondrement de l'URSS un état faible et une société civile très forte. L'Etat est en train de se restructurer, il a aussi beaucoup de choses à se faire pardonner aux années de sortie de l'URSS avec notamment les oligarques. Malgré tout, Zelensky a eu depuis le début de la guerre un soutien conditionnel de sa population bien entendu qui s'est effrité au fil de ces trois années de conflits, beaucoup de destructions, beaucoup de morts. Mais on ne peut pas être un président avec 100 % d'opinion favorable dans une situation de guerre et surtout dans une situation politique, on ne peut pas renouveler le personnel politique. Mais c'est vrai que cette réunion du bureau oval a remonté l'opinion qui était déjà favorable de la population ukrainienne et de la diaspora ukrainienne pour le président Zelensky.
Mais vous sentez que la paix à tout prix, ou en tout cas à un prix trop coûteux, ce n'est pas forcément ce que souhaitent tous les ukrainiens ou en tout cas ce n'est pas le souhait que vous pouvez entendre autour de vousdans la diaspora ?
Il y a eu énormément de sacrifices donc là on est un petit peu entre le marteau et l'enclume, les dés sont pipés, comme vous l'avez vu, Trump joue un autre jeu, nous on a l'impression que c'est finalement un chef de gang qui est en train d'essayer de s'entendre avec un autre chef de gang sur la peau d'une victime expiatoire. Voilà, on retrouve un peu une situation qu'on avait eu dans les deux premières guerres mondiales, une volonté de se partager ou de s'arracher les richesses entre et la Russie. Et là, on a ces fameuses terres rares, la Russie lorgne bien entendu déjà sur d'autres territoires qu'elle voudrait avoir et s'il y a une paix, quelle qu'elle soit, il ne faudra pas s'attendre à ce qu'elle dure longtemps, ça permettra juste à Poutine, tant que son régime sera en place, de se réarmer et d'aller plus loin. Donc, dans les terres occupées, les terres rares sont déjà en cours d'exploitation, des licences ont été données, attribuées à des entreprises chinoises, on les retrouve et on ne sait pas ce qu'on pourrait attendre de cet accord forcé de 500 milliards, je rappelle au passage que seules 130 milliards de dollars ont effectivement été attribués à l'Ukraine sous la forme de subventions, donc Trump veut clairement se payer sur la peau de la bête et il a très clairement aussi dit qu'il n'y aurait pas de garantie spécifique en échange, donc on est en train d'essayer, en tout cas le clan Trump, en s'entendant par-dessus l'Europe et par-dessus l'Ukraine, est en train d'essayer de forcer la main à l'Ukraine sans aucune garantie, si ce n'est d'avoir encore un nouveau conflit dans quelques années.