Plusieurs centrales nucléaires ont été touchées par des tirs depuis le début de la guerre en Ukraine. Quelle conséquence pourrait avoir un accident nucléaire pour les habitants de Lyon ? On a posé la question à Roland Desbordes, porte-parole de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) basée à Valence.
Ce sont des images qui ravivent une peur que les Européens avaient enfouie profondément dans les entrailles de la terre. Mais comme les déchets nucléaires, la menace d'un accident majeur refera toujours surface un jour, du moins tant qu'il y aura des réacteurs et des armes fonctionnant à l'uranium sur notre planète.
L'incendie qui s'est déclaré sur la centrale nucléaire de Zaporijia en Ukraine dans la nuit du 3 au 4 mars suite à des combats entre les armées russes et ukrainiennes a provoqué un vent de panique et fait craindre un accident nucléaire majeur. Quelques jours avant, l'armée russe avait déjà pris le contrôle de la funeste centrale de Tchernobyl dans le nord de l'Ukraine, faisant craindre une hausse des émissions de radioactivité. Si l'Agence internationale de l'énergie atomique a indiqué qu'aucune hausse de la radioactivité n'avait été enregistrée autour de ces deux sites pour le moment, le risque d'une catastrophe grandit.
Lyon Capitale a demandé à Roland Desbordes, porte-parole de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) basée à Valence dans la Drôme, si les Lyonnais doivent s'inquiéter d'un accident nucléaire.
Quel type d'accident nucléaire peut toucher Lyon ?
La réponse est facile à trouver. Le nuage radioactif qui s'était échappé de la centrale ukrainienne de Tchernobyl en 1986 avait atteint l'est de la France. "Tchernobyl est à 2 000 km de Lyon. Un accident, là-bas, ne pouvait donc arriver dans la vallée du Rhône que par les airs et c'est ce qui est arrivé. Ce qui s'est passé à Tchernobyl, c'est un incendie d'un des réacteurs. La colonne de fumée est montée jusqu'à 2 000 mètres d'altitude et au bout de trois jours les vents ont tourné vers l'ouest, alors qu'ils soufflaient d'abord vers le nord. C'est la Suède qui avait d'ailleurs donné en premier l'alerte", analyse Roland Desbordes. Selon cet expert, en cas de vent "favorables", un nuage radioactif pourrait arriver en 24 à 48 heures sur Lyon si un incendie se déclarait dans une centrale ukrainienne.
Une explosion nucléaire, comme ça a été le cas lors de l'accident de Fukushima au Japon, projette moins haut dans le ciel des particules radioactives. Si un réacteur de l'une des centrales ukrainiennes explosait, la diffusion de la radioactivité sera donc moins large et Lyon pas (ou moins) touché. "L'explosion de Fukushima est montée à une altitude de 500 mètres", pointe Roland Desbordes.
Quel est le risque le plus probable d'accident ?
Les enceintes bétonnées des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijia doivent, en théorie, résister à des tirs d'armes légères. Mais, "un projectile un peu plus puissant peut toucher une partie sensible de la centrale. Je n'avais jamais imaginé qu'on pouvait faire la guerre au milieu de centrales nucléaires", dit le porte-parole de la Criirad.
Selon cet expert, la cause la plus probable d'accident en Ukraine est pourtant ailleurs. "Pour moi, le risque le plus fort n'est pas un tir de missile. Il faut quand même tirer un gros projectile pour attaquer le dôme d'un réacteur. Mais il peut y avoir un manque d'électricité si la centrale se met en arrêt et qu'il n'y a plus de courant dans la région". Dans ce cas de figure, les piscines qui stockent les combustibles usés peuvent ne plus refroidir les déchets. "Dans ce cas, au bout de 2 ou trois jours ça pète. C'est ce qui s'est passé à Fukushima. Ce n'est pas l'arrêt de la centrale qui a entraîné l'accident", poursuit Roland Desbordes.
Quel conseil pour les Lyonnais en cas d'accident ?
Selon le porte-parole de la Criirad, la région lyonnaise n'est pas du tout préparée à un accident majeur. "J'ai eu connaissance de certains plans départementaux. Pour moi, ce sont des coquilles vides. On est très très loin de ce que pourrait être la réalité dans ce cas. Il faudra pouvoir mettre en place des évacuations de grande ampleur. Il y a aussi un truc tout simple : l'iode radioactive qui sortirait d'un accident nucléaire se déplacerait vite et loin. Que la population ait des comprimés d'iode, ça semble être la base", explique Roland Desbordes.
Mais selon lui, seule la moitié des populations situées dans les zones à risque des centrales de la vallée du Rhône se sont déjà fournies en comprimés d'iode. En dehors de ces périmètres, la proportion d'habitants à avoir les fameuses pastilles est très faible. "Le risque ne vient pas forcément des centrales voisines de chez nous. Au moment où l'accident se produira, ça sera la panique et il y aura d'autres choses à gérer que de se fournir en comprimés d'iode. Aujourd'hui, il n'y a pas de stocks d'iode chez les grossistes. Les rares stocks ont disparu suite à la hausse de la demande. Je connais le grossiste qui couvre le nord de la Drôme. Il avait 38 boîtes. En deux jours, il n'avait plus rien".
Pour aller plus loin
Axel Marin, coprésident du groupe Les Ecologistes au conseil régional, est l'invité de 6 minutes chrono. Il revenu à la mi-février sur les annonces d'Emmanuel Macron sur la filière nucléaire avec la possibilité de construction de deux EPR dans la région.