Un investissement vachement rentable

Une idée ras les pâquerettes mais peut-être pas si bête.

La finance revient sur le plancher des vaches. Finis les investissements immatériels, finies les bulles spéculatives. Le produit qui intéresse dorénavant les investisseurs, c'est les vaches.
" C'est simple comme bonjour " explique Pierre Marguerit, le directeur d'Elevage et Patrimoine, une entreprise de conseil en investissement bovin basé à Meyzieu. " N'importe qui peut acheter autant de vaches laitières qu'il veut. Achetées à 1250 euros, elles sont ensuite louées à l'éleveur." Puis, au fur et à mesure que le troupeau s'agrandit, l'investisseur retire son profit des veaux " produits " par ses génisses. Chaque année, il a le choix entre les vendre, ou les conserver pour étoffer son troupeau. Economiquement parlant, cela représente un rendement de 4 ou 5 % net par an. Pas si mal en comparaison avec les maigres taux d'intérêts que proposent actuellement les banques... D'autant plus que les risques sont limités. En effet, les bovins sont assurés contre les épidémies, les accidents et " même contre le vol ", précise Pierre Marguerit. Et, " grâce à un système de mutualisation des naissances, les propriétaires sont assurés de toucher leur profit ".
Paradoxalement, alors que les éleveurs sont fragilisés par la crise du lait (voir ci dessous), des investisseurs misent sur le secteur agricole. Et si l'effondrement des prix affaiblit les éleveurs, il ne devrait pas mettre en péril le principe de l'investissement bovin. Quoi qu'il en soit, les propriétaires prennent un risque : celui de rester tributaires de l'évolution du prix du bétail. Si le prix de la vache sur le marché baisse, le rendement de l'investissement aussi. " C'est difficilement envisageable, car chaque année, il y a 70 millions de personnes en plus dans le monde. Et pour arriver à nourrir la population mondiale dans 25 ans, il faudra doubler la production agricole " affirme-t-on chez Elevage et Patrimoine. Naturellement, aucun investissement pris isolément n'est une panacée. Mais la vache offre une possibilité originale de diversifier son patrimoine.

L'investissement dans la prairie plaît aux Français

Et les Français semblent de plus en plus nombreux à être séduits. La société Gestel, qui met en relation les investisseurs et les éleveurs, a reçu pas moins de 1 000 demandes de renseignements ces derniers mois. Depuis 2007, le nombre d'investisseurs a augmenté de 10 % jusqu' à 1100 clients. " Les origines de nos propriétaires sont multiples : on a aussi bien des commerçants, des artisans, que des cadres ou des fonctionnaires. On a même eu un ancien ambassadeur de France parmi nos clients. Ils ont tous en commun un souci de l'avenir " explique le directeur de la société. En effet, les propriétaires envisagent l'investissement avant tout comme un placement sur le long terme -plus de 5 ans-. Idéal pour se préparer une retraite complémentaire. Avec la crise économique, la vache est devenue un placement attractif. " Quand on entre dans une période incertaine, les gens ont tendance à rechercher les choses concrètes. Et qu'y a t il de plus concret qu'une vache ? ".
Plus de 30 000 vaches en location dans 880 fermes

Pierrick Charvin a choisi d'élever des vaches qui appartiennent à d'autres. Sur son troupeau de 60 vaches, un tiers appartient à des investisseurs. " A l'origine, l'investissement s'est fait par hasard. J'avais besoin de rentrer des bêtes rapidement et on a eu vent de ce dispositif ". Grâce à ce système, l'éleveur est sûr d'avoir des animaux de qualité. Et surtout, il peut utiliser l'argent qu'il n'investit pas dans les bêtes pour la modernisation de son exploitation. " Mon principal investissement a été l'achat d'une machine à traire. Cela m'a libéré sept heures de travail par jour. Ce n'est pas négligeable ", explique l'éleveur. Selon l'Association Française d'Investissement en Cheptel (AFIC), il y aurait plus de 30 000 vaches sous contrat en France dans 880 fermes. Et le potentiel est énorme, souligne Pierre Marguerit. " Il y a 4 millions de vaches laitières en France, et je ne parle même pas de l'Europe ! ". Si la vache, écologique, rentable et fiable, est en train de devenir tendance, elle est en réalité loin d'être une nouveauté. En 1259 déjà, des bourgeois de toutes professions investissaient leurs économies dans des troupeaux. Aujourd'hui, les investisseurs ne font que revenir à cette valeur d'autant plus sûre en période de vaches maigres.

Cécile Mivière

Crise du lait : " On va tous vers le dépôt de bilan "

Alors que des investisseurs placent leur argent dans des vaches laitières, les producteurs de lait défendent leur survie. Blocage de laiteries, occupations de supermarchés, les éleveurs multiplient les actions pour dénoncer l'effondrement du prix du lait.
Jean Vial, président de la section laitière du Rhône est mécontent : " le prix du lait a baissé de 30 % en un an. En avril 2008, la tonne de lait était à 310 euros, aujourd'hui, le prix dépasse à peine les 200 euros. " Les industriels achètent le litre aux éleveurs à environ 20 centimes, soit 10 centimes de moins qu'en 2008. " Les agriculteurs ne peuvent plus faire face, on va vers le dépôt de bilan. "
En cause, les intermédiaires et la grande distribution qui " cassent les prix ". " On nous achète le lait toujours moins cher, mais les prix restent identiques dans les supermarchés. La différence passe bien quelque part " analyse Jean Vial. Les revendications des producteurs de lait sont claires : " il faut revaloriser le prix du lait ". Mais les syndicats s'en prennent également à la Commission Européenne, qui en décidant d'augmenter les quotas, favoriserait une plus grande production de lait, et par conséquent, une chute des prix. Le 19 mai dernier, deux médiateurs ont été nommés pour tenter de désamorcer la crise. " Si nous n'avons pas d'avancées rapidement, la mobilisation sera d'autant plus forte, " préviennent les producteurs de lait.

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