Un juge refuse l’expulsion d’un bidonville reconnu comme domicile

Bonne nouvelle pour les Roms et les défenseurs au droit du logement. Dans une décision rendue le 19 novembre, le tribunal de grande instance de Lyon a considéré les abris de fortune du terrain de la rue Paul Bert (3e arr.) comme un "domicile”.

A ce titre là, selon le jugement, le bidonville où vivent une centaine de Roms de Roumanie est protégé au titre du respect dû à la vie privée et familiale des personnes (article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme). Conséquence, le juge a débouté le Département du Rhône, propriétaire du terrain de sa demande d’expulsion. Un autre argument appuie la décision du courageux juge Régis Cavelier. “Le droit de propriété, défini comme le droit de jouir et de disposer des choses, ne semble pas remis en question par la présence des personnes occupant le campement puisque le Département du Rhône n’utilise pas ce terrain et ne justifie d’aucun projet immédiat”.

L’occupation de ce terrain jouxtant la voie de chemin de fer est donc une atteinte supportable au droit de propriété. “Certes les conditions de vie dans les bidonvilles sont extrêmement précaires, commente Frédérique Penot, l’avocate des squatters. Mais le juge a estimé qu’une expulsion aggraverait encore leurs conditions de vie. En général ce genre de raisonnement débouche sur une expulsion assortie de délais de plusieurs mois. Là, pour la deuxième fois en France, un juge va beaucoup plus loin”.
Le Département du Rhône, par la voix de son directeur général des services, Pierre Jamet, reconnaît qu’il n’a aucun projet prévu pour ce terrain en instance d’être vendu au Grand Lyon. Il réfléchit toutefois à faire appel de cette décision.

Si c’est le cas, la cour d’appel de Lyon risque fort d’infirmer cette décision pour la moins inhabituelle puisque les tribunaux vont quasi systématiquement dans le sens des propriétaires qui demandent l’expulsion de leur bâtiment ou terrain squatté.
D’où l’empressement des associations à saisir la balle au bond. Dans un communiqué, l’Alpil et la Fondation Abbé Pierre ont souligné que “la décision du tribunal de grande instance marque une étape dans la nécessaire prise en compte de la situation d’une partie des ménages sans-abri de l’agglomération et pointe le retard local pris dans la résolution de ces situations de mal-logement. Nous devons nous en saisir collectivement, Etat, collectivités et associations”.

En 2007, le préfet Lacroix avait tenté une expérience de relogement pour les 450 Roms du bidonville de la Soie à Villeurbanne.Le Grand Lyon avait contractualisé avec l’Alpil, la “recherche de solutions de relogement”. L’association avait notamment proposé l’installation de mobiles homes sur un terrain, à l’image de ce qui se pratique dans d’autres villes (lire par ailleurs).
Mais dès le changement de préfet, Gérard Collomb s’était aligné sur l’avis de la préfecture : surtout ne rien faire pour éradiquer les bidonvilles. Depuis les expulsions succèdent aux expulsions. Et les conditions de vie des 600 à 700 Roms (essentiellement originaires de Roumanie et de Bulgarie) qui tournent sur l’agglomération de squats en bidonvilles, se dégradent encore.

Repère

L’expérience lilloise
Dernière agglomération à s’être lancée dans l’hébergement des Roms, Lille vient de reloger 80 personnes (12 familles) dans des mobiles homes disposés sur trois terrains. Le programme s’inspire de Nantes mais est moins ambitieux en terme numérique (400 personnes contre 100 personnes attendues dans le Nord). Par contre, il est nettement plus abouti en matière d’insertion puisque les personnes retenues par la Ddass pour être relogées pourront avoir accès au travail sans que leur employeur ait à payer la taxe d’embauche. L’État s’est aligné sur la position de Lille Metropole. De quoi faire réfléchir le Grand Lyon mais aussi le Département.

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