Manifestants pont de la Guillotière manif anti-FN
© Alice Patalacci

Une lettre pour justifier les violences urbaines

Suite à notre article Manifestation anti-FN à Lyon, 11 policiers blessés, nous avons reçu une lettre de militants qui ont participé à la manifestation du 29 novembre. Dans ce courrier, ils justifient les dégradations et les violences dont ils ont été les auteurs. Des incidents qui ont heurté la majorité des participants et des organisateurs (du PCF à la CFDT en passant par EELV), qui ont fermement condamné ces débordements dans leurs communiqués des derniers jours.

Parce que pour la majorité d’entre nous ces actes sont totalement incompréhensibles, il nous paraissait instructif de rendre compte à nos lecteurs des motivations de ces militants qui se qualifient eux-mêmes d’“offensifs” et de leur “tactique” dans cette tribune libre.

“Nous détruisons pour passer un message”

“Les 900 militant-e-s que vous appelez “casseurs”, “ultra”, “black bloc” ne sont pas venus pour “rien d’autre que pour casser” à Lyon ce samedi 29 novembre, ni ne se sont “infiltrés”. Pour une grande partie, nous sommes des militant-e-s du quotidien. Nous qui vous écrivons n’allons pas nous exprimer au nom de tous et toutes puisque nous sommes nombreux et que chaque action est individuelle même si de mêmes convictions nous rassemblent. Malgré le “nous” que nous allons employer, il est bien clair que le choix tactique appartient à chacun(e)et l’envie de s’exprimer là-dessus aussi. Il n’est donc nullement cas ici de porte-parole et nous ne souhaitons pas voler la voix des autres militants. Nous avons été des centaines de voix, cette lettre en exprime quelques-unes.
“Les 900 militant-e-s sont venus pour un appel différent de celui lancé par la Conex et le CV69. En effet, nous sommes venus parce que nous voulons lutter contre le racisme d’État qu’il soit de droite ou de gauche, contre la venue du FN dans la ville de Lyon déjà vitrine de l’extrême droite, et dont la montée de ce parti n’étonne plus personne jusqu’à le considérer même comme un parti républicain, pourtant très dangereux pour l’Europe qui subit la montée de l’extrême droite de façon très importante en ce moment.
“Nous sommes aussi venus pour lutter contre les violences policières, qui sont exercées le plus souvent dans les quartiers populaires, mais aussi contre les militant-e-s.
“Nous prenons le droit de défendre nos idées, sans attendre l’autorisation d’un parti ou d’un syndicat pour descendre dans la rue, sans attendre que la préfecture nous dicte le parcours idéal afin de mieux pouvoir nous contrôler. Nous faisons entendre notre voix sans participer à une manifestation de manière festive, chantante ou calme, car nous savons après tout ce temps qu’il n’y a plus espoir au changement de cette manière. Nous n’y croyons plus.
“Aujourd’hui en affirmant qu’il n’y a eu aucune bavure à Sivens pour le meurtre de Rémi Fraisse, l’État, la justice et la police viennent de justifier notre violence contre leur institution. Comment croire en un État qui enferme six mois un militant pour avoir lancé une pierre, et qui laisse libre un gendarme pour le meurtre d’un militant. (Ni prison, ni sursis, ni suspension, ni avertissement.) Le cas de Rémi n’est pas isolé. Si seulement vous aviez une idée du nombre de blessés, de morts, suite à des bavures policières ou à une dure répression policière, vous nous croiriez pas, puisque de toute façon ni les médias ni la justice ne les prend en compte.
“Nous détruisons pour passer un message. Oui, les cibles avaient une signification politique ce samedi à Lyon et même les journaux de droite ou de gauche s’en étonnent.
“Aucun pillage n’a eu lieu et aucun commerçant “ordinaire” n’a été touché. Non. Seulement les banques, les panneaux publicitaires, les abris-bus, les agences d’intérim, les agences immobilières et McDo ont été touchés. Aucun journal ou groupe ne s’est posé la question de pourquoi ces cibles ? Sans aucune réflexion, ce fut un raccourci ridicule que de nous appeler “casseurs”. Un résistant est un résistant. Qu’est-ce qui a fait que 70 années plus tard, nous sommes des “énergumènes” selon Alliance ou des casseurs pour vous ?
“Pour nous, le capitalisme et les banques sont beaucoup plus destructeurs que les vitres que l’on a fait voler en éclats. Ils ont plongé des millions de personnes dans la misère et la crise, tout ça pour que les plus riches puissent continuer à vivre tranquillement en exploitant les peuples, et quand ces derniers se révoltent, on leur envoie la police. Résultat ? Des centaines de personnes mutilées ou tuées par la police. Nous ne croyons donc plus en cette institution, ni en ces États qui autorisent des armes de guerre contre des jeunes balançant des canettes de bière et en ne condamnant jamais les crimes de la police.
“Ainsi ce sont eux qui finalement fixent le degré de violence que l’on doit avoir.
“Samedi notre tactique et le degré de stratégie violente que nous avons employés ont été fixés par la police en nous contrôlant massivement avant la manifestation avec des fouilles basées en partie sur le faciès, en arrêtant plusieurs d’entre nous (toujours avant la manifestation) pour “non-présentation des papiers d’identité”, en réprimant violemment les manifestations des dernières semaines suite à la mort de Rémi Fraisse, mais aussi par la ville de Lyon en acceptant d’accueillir le parti raciste et xénophobe du Front national (FN) dans sa ville, en faisant depuis plusieurs années une politique d’acceptation de l’extrême droite comme l’implantation d’un local identitaire dans le quartier Saint-Jean (la Traboule), en interdisant les manifestations antiracistes de passer dans ce même quartier, et en laissant plusieurs rassemblements fascistes s’y dérouler.
“Voilà, cette lettre va se terminer ici bien que nous puissions encore écrire de nombreuses pages sur le sujet. Nous ne souhaitons pas, par cette lettre, nous justifier. Nous savons ce que l’on fait et pourquoi. Nous souhaitons seulement pouvoir remettre les choses à leur place. Ou du moins, vous faire réfléchir plus loin que les termes employés pour nous citer, vous faire comprendre, si vous le pouvez, sinon tant pis, que nous avons été dans cette manifestation pour les mêmes raisons (voire plus) que toutes les personnes présentes. Nous n’avons juste pas utilisé les mêmes moyens.”

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