Près d’une semaine après l’incendie mortel qui a fait 10 victimes à Vaulx-en-Velin, dont quatre enfants, proches et habitants se sont réunis ce jeudi matin pour rendre hommage aux disparus en se rendant sur les lieux du drame.
Six jours après l’incendie du 12 chemin des Barques, au Mas du Taureau l’émotion était encore très forte ce jeudi matin au moment de la marche blanche organisée en mémoire des dix personnes disparues dans la nuit du 15 au 16 décembre. Sur les coups de 10 heures, près de 200 personnes se sont rendues, depuis la mairie de Vaulx-en-Velin, sur les lieux du drame.
En tête de cortège, une dizaine d’habitantes de la ville, bras entrelacés, mènent la marche en silence. Parfois quelques phrases sont lâchées, comme ce "on est solidaire et on le restera" prononcé par la soeur d’une habitante du 5e, qui a échappé aux flammes. "Solidarité", "solidaires", des mots qui étaient sur de nombreuses lèvres ce matin dans le cortège et qui apparaissent aujourd’hui comme un marqueur de l’identité des habitants de Vaulx-en-Velin.
"Vaulx c’est mon berceau"
"Cela fait 54 ans que je suis à Vaulx et les habitants sont toujours là les uns pour les autres. Je suis là pour rendre hommage aux victimes. On est tous unis. À Vaulx-en-Velin il y a plus de cent communautés on est tous solidaires entre nous. Vaulx c’est mon berceau", répète Babethe, une habitante qui est aussi ASVP pour la municipalité. À côté d’elle, Sadim n’en dit pas moins sur l’esprit qui unit les Vaudais, "aujourd’hui ce qui me fait rester ce sont les amis, la solidarité", confie celui qui s’est installé ici en 1972 après avoir quitté Lyon.
"À Vaulx-en-Velin il y a plus de cent communautés on est tous solidaires entre nous. Vaulx c’est mon berceau", Babethe, une habitante de Vaulx-en-Velin
Au moment d’apporter leur soutien aux victimes de l’incendie, nombreux sont ceux qui défendent leur ville, pour éviter que son image ne soit ternie. Les souvenirs des émeutes des années 1990 ne sont pas loin dans les esprits, mais pour Babethe il "faut tourner la page". "La délinquance est partout, c’est national, pas seulement à Vaulx-en-Velin", insiste-t-elle alors que l’enquête se poursuit pour comprendre les causes de l’incendie, qui serait parti du rez-de-chaussée de l’immeuble où était installé un point de deal, selon plusieurs témoins.
En approchant de l’immeuble, où les traces de l’incendie sont encore bien visibles, certains s’arrêtent, lèvent les yeux en direction des fenêtres noircies, pointent du doigt un élément qui attire leur attention. L’émotion est forte alors que tour à tour plusieurs petites filles viennent déposer des roses blanches au pied de l’arrière du bâtiment. La voix d’une enfant brise alors le silence, "ça a touché ce bâtiment ?", demande-t-elle. Difficile pour les plus jeunes de saisir la portée du drame, mais ils sont là aux côtés des adultes pour ce moment de recueillement.
"Aujourd’hui Vaulx-en-Velin est en deuil"
"Aujourd’hui Vaulx-en-Velin est en deuil. C’est une catastrophe, une tragédie qui est arrivée. Le 16 décembre ce sera une date marquée à vie", souffle Nora. Âgée de 64 ans, cette femme de Vaulx-en-Velin n’habite pas le quartier, mais avec son association "Tous ensemble on se rencontre" elle est venue soutenir les familles des victimes, "on sera avec eux jusqu’au bout", assure-t-elle. Encore cette fameuse solidarité si chère aux habitants de la commune et qui "réchauffe le coeur" de Fatiha, dont la soeur a survécu à l’incendie. "Depuis le 1er jour, la solidarité est très importante, c’est une identité de Vaulx-en-Velin. Les dons collectés sont impressionnants, on se demande comment cela a pu arriver aussi vite. Ma sœur restera toujours meurtrie, mais quand elle voit ça elle est touchée", explique-t-elle devant la porte noircie du 12 chemin des Barques.
"Depuis le 1er jour, la solidarité est très importante, c’est une identité de Vaulx-en-Velin. [...] Ma sœur restera toujours meurtrie, mais quand elle voit ça elle est touchée", Fatiha la soeur d'une habitante du 5e
À côté d’elle, Noria, sa soeur qui vivait au 5e étage, replonge dans ses souvenirs du drame. "Ce soir-là, mon fils était venu dormir chez moi. Il ne dormait pas, car il a des problèmes de sommeil, heureusement dans le fond parce que c’est lui qui m’a réveillé. Je dormais profondément, je n’ai rien entendu, rien sentit … Depuis le 5e, on voyait la fumée et les flammes qui montaient, montaient. À un moment, mon fils m’a dit « On saute si ça ne va vraiment pas ? » Je lui ai dit « Non je ne pourrai pas sauter du 5e étage ». C’est traumatisant", confie-t-elle. Eddy, son voisin de pallier, lui n’a pas les mots, saisi par l’émotion il se fond dans la foule réunie devant l’immeuble après avoir confié avoir "une grosse pensée pour les victimes". Des victimes dont certains "voient encore le visage".
Pour l’heure, le recueillement est encore fort, mais d’ores et déjà le besoin d’explications affleure. "La colère, l’abattement, le besoin d’explications, il y’a tout en même temps. Et j’espère sincèrement que les familles auront des réponses, appuie Fathia. Cela n’effacera pas tout, mais cela leur permettra d’avancer un peu mieux".