Souvenez-vous. Décembre 1983. Ils étaient 100 000 à défiler à Paris 'pour l'égalité et contre le racisme' au terme d'une marche de trois mois à travers la France. A l'origine, ils étaient 32, partis de Marseille en réaction à une énième bavure policière dont Toumi Djaïdja avait été la victime, dans son quartier des Minguettes à Vénissieux. François Mitterrand les avaient reçus.
Dans les mois qui ont suivi, ce que l'on a appelé la "Marche des beurs" est rapidement tombé dans l'oubli. Et les marcheurs ont retrouvé l'anonymat de leur quartier.
C'est pour les faire 'sortir de l'ombre', que dix jeunes lyonnais de 17 à 32 ans s'élancent le 1er juillet de Marseille. De ville en ville, ils doivent rallier Paris le 13 juillet, à pied et en voiture.
A l'initiative de cette nouvelle marche, Fouad Chergui, 34 ans, documentariste de Villeurbanne. "C'est un pélerinage, indique le réalisateur, une façon de passer l'histoire aux générations d'aujourd'hui en repartant sur les traces des marcheurs".
Lui aussi a connu par hasard la Marche de 1983. Lors de son précédent film 'la Valise' sur le quartier rasé d'Olivier-de-Serre à Villeurbanne, une personne a déposé un livre. Il s'agissait d'un album photo sur la marche. Ça a fait tilt.
De réalisateur, il s'est fait passeur de mémoire, en montrant son film à des jeunes. Ils ont découvert alors cette histoire.
'J'étais doublement choqué, confie Tahra, une nouvelle marcheuse. Parce que, d'origine algérienne, je n'étais pas aux courant et parce que j'ai appris l'ampleur des crimes racistes de l'époque".
Tous ces marcheurs de 2009 veulent "rendre hommage" à ceux qui, en 1983, avaient arpenté la France. "Leur travail n'est pas terminé, explique Asma. Notre devoir est de prendre la relève. On veut être considéré pleinement français comme Pierre et Paul".
A 19 ans, cette jeune de L'Arbresle estime que 'ça a évolué en mieux car, aujourd'hui, il y a beaucoup moins de crimes racistes'.
'Les attentes sont les mêmes, analyse Fatima Mehallel, marcheuse de 1983. On se battait pour l'emploi, le logement et l'égalité. Aujourd'hui, la discrimination est quotidienne".
Très investie dans cette nouvelle marche, elle fait partie de la vingtaine de marcheurs, qu'a, pour le moment, retrouvé l'initiateur de la marche. 'On les a fait sortir de l'ombre. C'est déjà une preuve de succès de notre iniative', s'enthousiasme Fouad Chergui. A chaque étape, ou presque, les nouveaux marcheurs devraient rencontrer des anciens, le long des chemins ou le soir au cours de débats.
A Lyon notamment, les 7 et 8 juillet, tout le monde est invité à se joindre à la marche et à participer au débat soir (voir le site de la marche 2009). Une rencontre a déjà été organisée entre anciens et nouveaux marcheurs il y a dix jours. Pour la première fois, des anciens marcheurs se sont revus. Ils ont parlé de leur marche sans oublier de transmettre des conseils pratiques aux nouveaux : "pensez à prendre de la pomade. Car marcher trente kilomètres, ça fait mal au pied". Le lien qui commence à se tisser entre les deux générations de marcheurs, est certainement une première étape dans la reconnaissance de cette marche oubliée. A suivre sur lyoncapitale.fr.
Photo des anciens et nouveaux marcheurs
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