L'UMTB Mont-Blanc a forgé son mythe à force de médiatisation. Aujourd'hui, c'est l'événement de trail running le plus réputé et le plus médiatisé de la planète.
Fabrice Perrin est responsable du live UTMB Mont-Blanc. Il nous fait découvrir les coulisses de la compétition d'ultra-endurance la plus suivie sur la planète.
"Notre principal enjeu est la compréhension de ce qui se passe pendant la course, pour Monsieur/Madame Tout-le-Monde."
Lyon Capitale : Comment est-on passé, en 2003, d'un événement de niche, en 2023, à la compétition d'ultra endurance la plus médiatisée au monde ?
Fabrice Perrin : Avant tout, le pays du Mont-Blanc est magique, et le fait de traverser 3 pays en réalisant un exploit sportif est le premier moteur. Ensuite, je suis convaincu que l’attachement de Catherine Poletti, dès la première édition, à partager les images de l’événement avec le monde entier a créé l’engouement. Enfin, la création du Live en 2012, et les évolutions technologiques dans les années 2017-2019 nous ont aidé à atteindre le grand public.
Je suis entré comme bénévole à l’UTMB en 2010, quand l’organisation était en pleine difficulté sur son forum de discussion avec l’annulation de la course. J’étais dirigeant d’une agence digitale, je les ai aidés à gérer la communauté, puis à mettre en place les Facebook, Twitter, Youtube. C’était le début, c’était génial, on voyait le nombre de fans grandir et s’impliquer… et depuis cela ne s’est jamais arrêté !
Il y avait des vidéos aux tous débuts de l'UTMB, non ?
Oui, à l'époque, Catherine avait lancé avec Serac Production et Gilles Sourice, sur chaque événement, des productions de vidéos haute qualité pour les chaînes de télévision. Avec une mise à disposition, très rapide, d’images somptueuses. Ça a permis que, chaque année, on ait des passages sur plusieurs grandes chaînes internationales.
Avec les années, nous nous sommes équipés de drones et avons recruté des coureurs et de vététistes qui nous permettent de suivre les concurrents à peu près sur tous les parcours.
Quelle était l'idée du live aux débuts et qu'est-il devenu aujourd'hui ?
En 2011, il y avait eu le lancement d’une « web-tv » avec des caméras installées sur des points clés du parcours, des journaux en direct à différents moments de la journée, des reportages sous-titrés sur les courses (organisation, bénévoles, infos, etc), le pays du mont Blanc, des portraits de la course, des conseils techniques, santé, etc. Mais le format ne fonctionnait pas très bien, et Catherine Poletti m’a demandé de prendre en charge le projet.
Je me suis demandé comment rendre le spectacle attractif avec une question simple : quand il y a un événement quelque part qui dure dans le temps, comment ça se passe ? Comment les chaînes comme CNN gèrent cet événement ? La réponse est très simple : elles privilégient les images. Des commentateurs interviennent, mais l’élément principal, ce sont les images. J’ai donc décidé de supprimer les plateaux centrés sur les invités, et de limiter les « reportages ».
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A l'époque, on n'avait pas la capacité de suivre les coureurs sur la course. On envoyait des cameramen faire des plans sur les ravitaillements, mais les caméras étaient tellement lourdes qu'on voyait juste passer le coureur, on ne pouvait pas les suivre. On filmait surtout notre attente, ce n’était pas vraiment immersif ! Les équipes se relayaient sur les différents ravitaillements pendant toute la durée de la course.
Mais dès qu’on avait les images, on les prenait, on les montait et on les mettait en boucle, de manière à avoir des images en permanence commentées dans différentes langues.
Autre choix qui s’est avéré payant, d’ailleurs : on n'a pas simplement commenté en français et en anglais, mais aussi en espagnol. Si on voulait attirer un maximum de monde, il fallait aussi, un maximum de langages. On a ensuite ajouté le chinois, le japonais, l'italien, puis le thaïlandais, en gros partout où il y a des communautés de coureurs.
Puis, avec les années nous nous sommes équipés de drones, et avons recruté des coureurs et de vététistes qui nous permettent de suivre les concurrents à peu près sur tous les parcours. Une des sociétés de production avec lesquelles on travaille a même créé un sac spécial pour pouvoir diffuser nos images par 4G et 5G vers la régie.
Lors des pics de retransmission, nous avons plus de 100 000 spectateurs simultanés.
En 2022, le groupe L'Equipe et l'UTMB Group annonçaient un accord de diffusion de l'UTMB Mont-Blanc. Qu'est-ce qu'a changé ce partenariat ?
Dès le début, nous avons fait un partenariat avec DailyMotion, puis nous nous sommes étendus sur YouTube et Facebook. Lors des pics de retransmission, nous avons plus de 100 000 spectateurs simultanés. Et on est sur 25 millions de vues pendant la semaine de l'événement… cela devient des audiences massives.
En 2022 nous avons pu profiter de la force de l’Equipe, la marque médias de sport n°1 en France avec 42,2 millions de personnes touchées chaque mois. L'Equipe n’est toutefois pas impliqué dans la production vidéo, ils reprennent nos flux qui sont d’une qualité parfaite pour eux. Mais on profite de la notoriété de la marque : lors de la diffusion de la course UTMB, la chaîne L'Equipe c'est 2,9 millions de téléspectateurs.
Avez-vous senti une bascule ?
Je pense que la vraie bascule a été en 2017, avec des audiences qui ont explosé. C'est là où nous avons commencé à dépasser les quinze millions de vidéos vues pendant la semaine. C'était l'année du duel Kilian Jornet/François d'Haene, où il se disait que c'était l'UTMB le plus relevé de l'histoire…
Quels sont les moyens mis en place en 2023 ?
Il y a une vingtaine de coureurs, vététistes, avec leurs accompagnateurs. Souvent, les vététistes savent aussi manier les drones, nous en aurons 3 cette année. Les coureurs, quant à eux, filment avec des GoPro connectées aux sacs dont je parlais plus tôt. Ce sont généralement des anciens coureurs professionnels, comme Sébastien Chaigneau (2e et 3e de l'UTMB en 2009 et 2011, NdlR), accessoirement co-fondateur d'une des sociétés de production avec lesquelles on travaille depuis le début, qui peuvent tenir le choc, notamment sur une OCC, où ça court vraiment vite.
Les coureurs, comme Sébastien Chaigneau (2e et 3e de l'UTMB en 2009 et 2011, NdlR), filment avec des GoPro
Et côté aval ?
Nous travaillons étroitement avec les équipes de Serac Production, plus de 10 personnes, qui font les images « beauté » de la course, notamment les vues du ciel avec l'hélico équipée de la caméra ultra perfectionnée Cineflex, qui offre une stabilité d'image parfaite, en haute définition, et permet de suivre les coureurs depuis le ciel. Au niveau technique, au QG du Majestic à Chamonix, il y a sept à huit personnes pour la réception les images, le mixage, l'ingénierie son, la planification des publicités, etc.
Ensuite, on a une petite équipe de quatre personnes qui récupère en direct les faits de course, les préparent pour en faire de petits montages vidéos pour alimenter les réseaux sociaux, mais aussi les « best of » qui sont diffusés sur ces mêmes réseaux après chaque course.
Parce que, je le redis, c'est aussi ce qui a fait notre succès : dès les débuts, on a mixé le live avec de l'activation sur les réseaux sociaux. On a ainsi touché une très large communauté. Enfin, les flux vidéos sont commentés par les speakers en différentes langues, à raison de deux trois personnes par langues, soit une vingtaine de speakers.
L'UTMB Mont-Blanc touche plus de 5 millions de personnes sur les réseaux sociaux
Combien de personnes sont-elles touchées par toute cette médiatisation, sur tous les réseaux, sur tous les canaux ?
Mon estimation est de 5 millions de personnes. Je suis amené à beaucoup voyager, et je peux dire qu'il n'y a pas beaucoup d'endroits sur la planète où on n'a pas déjà entendu les quatre lettres UTMB. Il n'y a pas une seule course au monde plus médiatisée que l'UTMB.
Quelles sont les ambitions du live UTMB ?
Notre principal enjeu est la compréhension de ce qui se passe pendant la course, pour Monsieur/Madame Tout-le-Monde. Quand les coureurs s’approchent du Grand Col Ferret, ce Monsieur/cette Dame n'a aucune idée de la difficulté de la chose, il se rend pas compte de l'énergie que ça demande, de ce que ça représente en distance et en effort. On va donc développer encore plus les infographies, pour donner le profil du Grand Col Ferret, la pente, le kilométrage, ce que ça représente par rapport à un immeuble, par exemple, les temps des premiers et du peloton, etc. L'idée, c'est de transmettre l'effort, les sacrifices.
Notre enjeu est aussi de couvrir le mieux possible l’entièreté de la course, jusqu’au dernier à Chamonix. Car tous les coureurs méritent d'être sur le live. C'est aussi ça l'UTMB.
ces imbéciles pourraient pas laisser le Mont Blanc tranquille ? entre la pollution des déchets laissés (cannettes et autres objets plastiques), les dégâts environnementaux qui vont avec, la traumatologie associée à ce genre de pratique qui coûte du pognon à la collectivité, on est bien loin de l'image idéalisée que voudraient nous vendre ce genre de pratique !