La campagne de vaccination contre la grippe A s’est achevé fin janvier. Dans le Rhône, 18 lieux ont été mis à disposition pendant plus de trois mois pour devenir centres de vaccination. A l’heure des comptes, qui sera le grand perdant : les communes rhodaniennes ou l’Etat? Explications.
Deux mois après la fermeture des centres de vaccination, la question était déjà posée : qui va payer la vaccination gratuite de milliers de Français ? Mi-mars, dans une tribune du journal Le Monde, Jean-Paul Bret, maire PS de Villeurbanne, expliquait que les frais liés à la mise en place du centre de vaccination sur sa commune avoisinaient les 100 000 euros et qu’il attendait un geste de l’Etat. Il dénonçait notamment le recours à « un principe de précaution financière ». A la suite de quoi, 22 municipalités françaises, dont la ville de Lyon, avaient haussé le ton, exigeant le remboursement intégral des frais matériels, administratifs et pertes de revenus, occasionnés. Si tous les centres du Rhône avaient déjà reçu une avance forfaitaire allant de 8000 à 21 000 euros, en novembre 2009, date de leur ouverture, la durée de la campagne de vaccination a fait explosé les budgets prévus au départ.
La vaccination a coûté plus d’1 million d’euros dans le Rhône.
Lyon Capitale a donc cherché à savoir quelles étaient les dépenses réelles engagées pour chaque commune, responsable d’un centre de vaccination. La préfecture du Rhône n’étant pas à même de répondre, nous avons donc contacté chaque mairie pour connaître le montant de la facture pour ces communes. Sur les18 concernées, les frais varient de 11 000 à 96 000 euros (voir tableau). Au final, la facture se monte à 610 000 euros. Si on ajoute le prix des doses de vaccins utilisées, doses qui profitent à l’industrie pharmaceutique lyonnaise (voir encadré), on arrive à 1,15 million d’euros. Une somme aberrante ? Pas vraiment. Les 18 communes mobilisées et leurs voisines ont été performantes et efficaces dans cet « exercice grandeur nature ». Caluire, centre de vaccination d’une taille moyenne, se vante même de n’avoir eu besoin que de 5,18 euros par personne vaccinée.
Un coût de fonctionnement difficile à absorber pour les communes
Mais offrir un service 24h/24h n’a pas été simple. Certaines mairies ont dû mobiliser une partie de leur personnel à plein temps, voire recruter en urgence. « On avait des bureaux à tenir, ça a nécessité une quantité phénoménale de gens, nos services techniques ont été sans cesse mobilisés, » indique Charles Robert, élu à Saint Martin d’En Haut.
D’autres ont dû équiper leurs gymnases en matériel de consultation et les rendre disponibles, donc reloger les activités scolaires et associatives. Des réquisitions qui ont entrainé à la fois des dépenses supplémentaires et des pertes de revenus, pesant sur le budget municipal. A Tarare, on considère qu’« il faudrait revoir la méthode, tout cela a été fait de manière dirigiste, sans prendre en compte les difficultés de chacun. »
« L’Etat doit compenser »
Face aux récriminations des maires, l’Etat a donc annoncé fin mars qu’il donnait une enveloppe de 23 millions pour l’équipement et la réquisition des centres et de 68 millions pour le personnel administratif mobilisé. La préfecture du Rhône étudie actuellement les demandes de remboursement et rendra un rapport sur la campagne de vaccination prochainement.
Mais l’argent alloué permettra-t-il aux 18 communes de rentrer dans leurs frais ? Certains ont déjà leur réponse : ils savent qu’ils devront payer, comme à Saint Genis-Laval où la commune garde à sa charge près de 9000 euros. « Une seule partie de notre facture a été retenue, sans qu’on ait de réelles explications », explique un élu. A Bron, la mairie demande que la Préfecture prenne en compte l’investissement de tous : « Nous avons mis en place tout un dispositif, il faut, maintenant qu’on a prouvé qu’on était capables de gérer cette situation, que l’Etat compense. » Les élus sont confiants mais ne manqueront pas de monter au créneau, si la Préfecture les lèse. Pour l’instant, pas de vague. Juste la sensation d’avoir fait beaucoup pour une maigre récompense.
Coût de fonctionnement des centres de vaccination du Rhône
Centres de vaccination | Nombre de personnes vaccinées | Coût de fonctionnement | Coût estimé des vaccins (dose à 6€x nb de vaccinés) | Coût total de la vaccination anti Grippe A | ||
Lyon* | 33647 | 140 000 € | 201 882€ | 341 882€ | ||
Villeurbanne | 12 003 | 96 000 € | 72 018€ | 168 018€ | ||
Saint Symphorien d’Ozon | 4522 | 47 000 € | 27 132€ | 74 132€ | ||
Oullins | 4329 | 41 700 € | 25 974 € | 67 674 € | ||
Vénissieux | 5736 | 39 000 € | 34 416 € | 73 416 € | ||
Caluire | 9'313 | 38 495 € | 55 878 € | 94 373 € | ||
Saint Genis Laval | 4630 | 28 500 € | 27 780 € | 56 280 € | ||
Bron | 10 003 | 25 031 € | 60 018 € | 85 049 € | ||
Villefranche sur sâone | 9786 | 25 000 €** | 58 716€ | 83 716€ | ||
Givors | 3636 | 22 100 € | 21 816 € | 43 916 € | ||
Tassin la demi-lune | 11698 | 20 500 € | 70 188 € | 90 688 € | ||
Tarare | 3020 | 20 431 € | 18 120 € | 38 551 € | ||
Neuville sur Saône | 4770 | 19 200 € | 28 620 € | 47 820 € | ||
Saint Jean D’ardières/ Belleville | 2828 | 18 000 €** | 16 968 € | 34 968 € | ||
Saint Martin d’En Haut | 2697 | 18 000 € | 16 182 € | 34 182 € | ||
Cours la Ville | 1080 | 11 020 € | 6480 € | 17 500 € | ||
FACTURE TOTALE | 123'698 | = 609 977 € | = 540 306€ | =1 150 283€ | ||
* Lyon avait trois centres de vaccination (2e arr., 4e arr., 7e arr.)
** estimation de Lyon Capitale, fonction de la taille des centres. Chiffres pas disponibles dans les mairies concernées.
Sanofi pasteur a vendu plus de 100 millions de doses du vaccin
Le laboratoire lyonnais Sanofi Pasteur était un des premiers à mettre sur le marché ses doses du nouveau vaccin contre la grippe H1N1. Dès juillet 2009, tous les chercheurs étaient mobilisés pour mettre au point ce nouveau produit. En septembre, Sanofi commence par fournir les Etats-Unis, puis la France en novembre 2009. Le laboratoire avait reçu de l’Etat une commande au départ de 28 millions de doses du vaccin anti-grippe A. Après le revirement de stratégie de la ministre Roselyne Bachelot, il n’aura finalement livré que 17 millions de doses pour un chiffre d’affaire estimé à 106,25 millions d’euros (estimation basée sur une dose au coût de 6, 25 euros TTC). Quid des 11 millions de doses produites mais décommandées ? Sanofi Pasteur a dû les revendre. A qui ? Sanofi ne le dira pas. En tout, le labo lyonnais a produit en 2009 100 millions de doses, vendues dans le monde entier. Son chiffre d’affaire, de 3,5 milliards d’euros en 2008, devrait monter en flèche avec ces nouveaux vaccins vendus en 2009.
ERRATUM: Contrairement à ce que nous avions dit dans le mensuel de mai, Sanofi pasteur avait proactivement proposé au Ministère français de réduire de 9 millions de doses la commande que celui-ci lui avait passée. Cette démarche correspondait à la prise en compte des nouvelles données d'environnement (une dose suffisante au lieu des deux initialement prévues). Le Ministère a accepté et a notifié une réduction de deux millions de doses de vaccins, mais il n'y a pas eu deux étapes dans la démarche du Ministère contrairement à ce qui est mentionné. Sanofi a dû gérer le différentiel entre ce qui était proposé et ce que le Ministère a décidé.