EXCLUSIF - La police a mené dans le milieu romani une difficile opération en différents lieux de l’agglomération lyonnaise ce vendredi 5 août. Objectif : interpeller un roumain de dix-sept ans et demi, auteur d’une agression sauvage à coups de batte de base-ball puis d'une tentative de meurtre sur la même personne, alors plongée dans le coma, à l'hôpital Édouard-Herriot. L'affaire mêle adultère, honneur familial et vidéo intime. Retour de vendetta : les enquêteurs ont appris que le suspect serait à son tour menacé de mort.
Cela n’aurait pu être à l’origine qu’un banal fait divers dans le quartier de la Guillotière entre ressortissants roumains issus des communautés Roms. Un homme passé à tabac par un autre, victime d’un règlement de comptes inutile aux yeux de l’intelligence humaine. Récit d’une histoire romanesque et explications sur ce qui, plus d’un mois après les faits, a justifié l’opération de police de vendredi dernier : une tentative d’assassinat sur la même personne quelques jours plus tôt, hospitalisée dans état grave à Édouard-Herriot. Revenons sur la chronologie des faits.
Agression sanglante à la Guillotière, tentative de meurtre à l’hôpital…
Fin juin, un Rom roumain de dix-sept ans et demi s’était rendu rue de Marseille, à hauteur de la place du Pont dans le 3ème arrondissement de Lyon, pour démolir un homme de 35 ans à coups de batte de base-ball. Les multiples traumatismes occasionnés au visage et au crâne témoigneront de la violence de l’agression. Un règlement de comptes. La victime, inconsciente, sera transportée dans un état très grave à l’Hôpital Édouard-Herriot. Ce père de deux enfants, un tsigane du Bihor roumain vivant sur Lyon depuis 2002, n’est toujours pas sorti du coma depuis.
Le suspect, alors introuvable, resurgit trois semaines plus tard : aux alentours du 28 juillet, dans ce même CHU pour essayer de finir le travail et assassiner sa victime sous perfusion et assistance respiratoire. Un geste criminel d’une rare gravité dont les circonstances rappellent étrangement la facilité avec laquelle un détraqué avait pu violer une dame de 84 ans dans ces mêmes lieux, le 6 mai 2010. Le patient ne devra son "salut" qu’à l’intervention d’un médecin de garde qui empêchera l’adolescent de débrancher les appareillages avant de le faire déguerpir. La Sécurité publique est alors saisie d’une enquête pour tentative de meurtre.
Un mobile flou : entre adultère, honneur et vidéo intime
Reste à connaître le mobile du crime. Peut-être le fugitif a-t-il voulu débrancher la victime avant la fin de son coma, pour éviter qu’elle ne le dénonce à la police ? Chose inutile puisque la première agression avait été filmée par une caméra de vidéo-surveillance. Le suspect se savait déjà recherché. A-t-il voulu faire taire un homme sur un trafic de téléphones portables ? Celui-ci était en effet déjà connu des services de police pour vols et recels. Les enquêteurs n’écartent aucune hypothèse.
Une chose est sûre cependant : les deux parties se connaissaient. La victime, selon nos informations, était l’amant de la femme du meurtrier raté. Une romni de dix-huit ans, enceinte de huit mois, retournée vivre en Roumanie dans sa famille depuis la folie meurtrière de son mari. Le suspect, convaincu des infidélités de son épouse, a posé une caméra dans la chambre conjugale courant juin, filmant ses écarts. Depuis, il n’aurait pas supporté la vérité et serait devenu la risée de toute une communauté. Honneur et virilité bafoués : il aurait alors décidé de se venger en tuant l’objet de son ressentiment. Il se pourrait donc que la première agression soit une tentative de meurtre.
Descente de police dans les milieux roms
Un coup de filet a donc été tenté vendredi dans les milieux roms soupçonnés d’héberger ou d’avoir hébergé le fugitif. Sur Villeurbanne et Lyon en particulier. Les forces de l’ordre ont également inspecté d’autres planques éventuelles commme des anciens squats ou maisons abandonnées. Une cinquantaine de personnes a ainsi été contrôlée pour retrouver vainement le fuyard. Une opération difficile sachant que, outre les barrières linguistiques, les Roms n’ont pas pour habitude de parler aux policiers.
Un semi-échec pour la Sûreté départementale qui a cependant récolté de précieux renseignements. "On a eu différentes informations et rumeurs", a nuancé son directeur, Jean-Marc Rebouillat. Le suspect, désavoué par les siens, a notamment été aperçu jeudi 4 août dans le secteur de la gare de la Part-Dieu en compagnie d’un ressortissant marocain qui aurait pu l’aider à s’enfuir. Jean-Marc Rebouillat n’écartait plus lundi soir l’hypothèse d’un départ de Lyon : "peut-être pour l’Italie" a-t-il estimé.
Une vendetta et le diable sur un suspect désavoué et recherché
"Vaut mieux pour lui qu’il soit parti à l’étranger" ont d’ailleurs ironisé les services de police. Nous confirmant un renseignement plutôt inquiétant : un contrat pèserait sur sa tête. Le clan de la victime, originaire du Bihor rural et coutumier de la justice privée à l’image de nombreuses familles calabraises ou albanaises, serait en effet bien décidé à lui faire la peau depuis sa tentative meurtrière avortée. En attendant, sur le terrain, les Roms superstitieux racontent que le fuyard aurait réussi à réveiller le diable et qu’il le chercherait lui aussi avec des fantômes. Entre la vendetta mortelle et les séides de l'Enfer, il vaudrait peut-être mieux que ce jeune de dix-sept ans et demi contacte immédiatement les forces de l’ordre. Un déshonneur suprême pour un tsigane.