A quelques jours du déblocage des beaujolais nouveaux, Michaël Lachaud, maître de chai des Vignerons des Pierres Dorées, dans le Beaujolais, évoque le dérèglement climatique et la conduite des vignes.
"Il faut s'adapter à tous ces mouvements d'humeur de la météo." explique, Michaël Lachaud, maître de chai des Vignerons des Pierres Dorées, un regroupement de trois caves coopératives, dans le Beaujolais Sud.
Une fois n'est pas coutume, depuis une vingtaine d'années, 2023 aura été intense, avec au rendez-vous canicule et orages stressants, parfois réducteurs.
Le vignoble beaujolais fait face aux variations climatiques, conséquences du dérèglement climatique actuel.
Les débourrements (lorsque la vigne sort de son état végétatif hivernal, les feuilles commencent à pousser) sont plus précoces, les vents chauds dessèchent le cep par l'intérieur, les grappes prennent des... coups de soleil. sans compter les gels de printemps, la grêle de plus en plus fréquente lors des orages de plus en plus violents.
"On a commencé avec la tempête de 1999. C'est un petit peu le premier élément qui nous a impacté fortement sur la région. Et puis, au fur et à mesure, effectivement, on a constaté des changements au niveau du climat On est obligé de modifier nos façons de travailler pour nous adapter aux aléas climatiques."
Notamment en jouant sur les maturités physiologique et phénolique "pour avoir des vins beaucoup plus structurés, en respectant effectivement la caractéristique principale qu'a le gamay qui est le fruit."
La retranscription intégrale de l'entretien avec Michäel Lachaud
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel rendez-vous de 6 minutes chrono. Nous recevons aujourd'hui Michaël Lachaud. Bonjour.
Bonjour.
Michaël Lachaud, vous êtes maître de chai, directeur technique des Vignerons des Pierres Dorées, regroupement de trois caves du Bois d'Oingt, de Saint-Laurent-d'Oingt et de Saint-Vérand, dans le Beaujolais sud.
Oui c'est ça. A peu près 130 coopérateurs, 400 hectares de vignes et 80 viticulteurs qui vivent véritablement de la vigne.
Alors, on est à quelques jours du déblocage des beaujolais nouveaux. Mais il y a quand même cette question, en toile de fond, qui est celle du changement climatique, du dérèglement climatique. J'imagine que c'est un sujet qui vous concerne nque vous en parlez au sein des Vignerons des Pierres Dorées. Est-ce que déjà vous voyez concrètement les effets de dérèglement climatique sur les vignes ?
Oui, alors on a commencé avec la tempête de 1999. C'est un petit peu le premier élément qui nous a impacté fortement sur la région. Et puis, au fur et à mesure, effectivement, on a constaté des changements au niveau du climat, que ce soit sur la pluviométrie, les vents qu'on n'avait pas habituellement. Et ça véritablement on ressent les impacts aujourd'hui.
Ça veut dire que la vigne souffre. Est-ce que ça peut être par exemple je ne sais pas des grappes qui sont plus légères ? Est-ce que c'est des feuilles qui vont être plus cassantes, des ceps jeunes qui seront moins épais ? Comment concrètement qu'est-ce que vous voyez sur la vigne ?
Concrètement, comme je vous disais, ça joue un peu sur le cycle végétatif de la vigne, avec des fois des débourrements précoces, qu'on avait l'habitude d'avoir un petit peu, plus là maintenant. Les débourrements, c'est quand la vigne sort de son état végétatif hivernal et quand la végétation va commencer à ressortir donc les feuilles vont commencer à sortir à pousser.
Donc il y a un décalage de tous ces cycles ?
Après, on constate effectivement un avancement dans la saison avec des débourrements plutôt précoces, voilà. Et après, ce qu'on n'avait plus trop l'habitude d'avoir, c'est effectivement des gels d'hiver, des gels de printemps, qui impactent déjà directement la vigne puisqu'on a, malheureusement, des mortalités.
Parce que gel de printemps clairement après la vigne c'est un peu…
Alors la vigne, ce qu'elle va faire, parce que vous avez un premier bourgeon qui va sortir et vous avez toujours un bourgeon latent qui va ressortir mais par contre qui va être décalé de 15 jours à trois semaines, un mois par rapport à la date, enfin, au cycle normal.
Donc il y a ce décalage mais il y a aussi il me semble je crois que c'était la Sicarex Beaujolais, qui est un organisme de recherche, d'expérimental ,qui avait dit que depuis une quarantaine d'années, en moyenne, le ban des Vendanges avait été avancé de 3 semaines. C'est-à-dire que de Vendanger en août aujourd'hui c'est courant ?
Ça devient courant depuis 2003 où ça a été effectivement le millésime où on n'était pas du tout habitué. On constate effectivement que, depuis ces années-là, on avance petit à petit dans la saison, où avant, dans les années 80, on vendangeait fin septembre début octobre. Maintenant, c'est plutôt début septembre.
Ça change quoi au final de vendanger plus tôt ?
Ça change sur l'organisation propre parce que c'est vrai qu'on n'avait pas l'habitude effectivement de pouvoir s'organiser comme ça. Donc, déjà, nous, on est un vignoble où on récolte encore beaucoup manuellement, donc il faut trouver la main-d'œuvre effectivement pour vendanger. Après, le suivi végétatif il se fait naturellement, ça ne change rien si vous voulez. Par contre, il faut s'adapter à tous ces mouvements d'humeur de la météo, de la nature qui nous perturbent avec des épisodes de gel de grêle, voilà. Oui il y a la grêle. De chaleur de forte chaleur et de vent. Voilà surtout le vent chaud.
Le vent un vent chaud sur les vignes j'imagine que ce n'est pas très très bon.
Alors le vent c'est une bonne chose. Par contre, effectivement, le vent très chaud va s'engouffrer au cœur du cep et c'est là où il va causer des dégâts parce que la vigne, autant elle peut résister à la chaleur elle a son système racinaire qui permet de résister de puiser l'eau en profondeur, autant contre le vent chaud, ça crée un micro-climat au sein du cep de vigne. Et là on va venir complètement dessécher le cep par l'intérieur. Et là, la vigne elle résiste beaucoup mieux.
Et là sur cette question du vent chaud on a des solutions déjà ?
Malheureusement, sur le vent chaud, non pas trop.
Parce que sur la grêle j'ai vu qu'il y avait des filets anti-grêle.
Maintenant oui. Et ça c'est des choses qu'on développe beaucoup et qu'on va essayer de mettre en place de plus en plus pour lutter justement contre ces effets grêles. Après ce qu'il faut effectivement, c'est travailler l'ombre. Essayer d'avoir quand même des grappes de raisins qui soient au maximum à l'ombre pour éviter des coups de soleil.
C'est-à-dire qu'on effeuille un peu moins ?
Effectivement on a un port végétatif qui est beaucoup plus buissonnant ,comme on peut retrouver, effectivement, un peu plus dans le sud de la France. Donc là ça nécessite effectivement d'adapter la conduite.
Et alors je lisais, avant de préparer cette interview avec vous, que la chaleur donnait plus de couleurs et de concentration aux raisins. Ce qui est plutôt une qualité mais est-ce que ça peut changer l'image du beaujolais ou pas ?
Changer dans quel sens ?
Changer sur la vision qu'on a du beaujolais et même en termes de goût ?
Alors obligatoirement, on amène à plus de concentration effectivement de par la chaleur. Donc on a des vins qui sont naturellement un peu plus colorés. On a, parce ce qu'il faut distinguer les maturités - la maturité physiologique, la maturité phénolique. Donc, c'est sur ces maturités-là qu'on essaie de jouer, effectivement, pour avoir des vins beaucoup plus structurés, chargés, en respectant effectivement la caractéristique principale qu'a le gamay qui est le fruit.
Le gamay c'est le fruit. Est-ce que le gamay est un cépage qui résiste plutôt bien ou pas à ces dérèglements climatiques ?
Alors je n'ai pas encore pas assez de recul pour pouvoir donner des réponses. Mais ce qu'on constate, effectivement, c'est qu'on est obligé de modifier aujourd'hui nos façons de travailler en respectant justement ces différents aléas pour conduire au mieux et aller jusqu'à la récolte finale.
Ce sera le mot de la fin. Merci d'avoir accepté notre invitation.
Merci à vous.
A très bientôt. Au revoir.