Villefontaine ou la double peine

Alors que l’instituteur de Villefontaine, en Isère, est passé aux aveux mardi soir et a été mis en examen le 25 mars pour (notamment) de nombreux viols aggravés sur mineurs, Virginie Duval, présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM), interviewée hier par nos confrères de France Télévisions, n’a vu aucune faute de la justice, qui selon elle a fonctionné normalement. L’instituteur, père de famille de 45 ans, avait pourtant déjà fait l’objet d’une condamnation pénale en 2008 pour recel d’images à caractère pédopornographique à six mois de prison avec sursis, avec obligation de soins et mise à l’épreuve. En revanche, aucune interdiction d’exercer un travail avec des enfants n’avait été prononcée. “Il s’agit d’une peine complémentaire, qui n’a rien d’automatique, a sèchement commenté Virginie Duval. La consultation d’images n’entraîne pas automatiquement un passage à l’acte. Le juge prend cette décision en fonction du dossier et des expertises.”

Tout le monde convient de la mission difficile des juges, lesquels travaillent avec peu de moyens, dans une France qui se judiciarise année après année, et personne ne demande sérieusement l’infaillibilité des magistrats – laissons cela au pape. Mais, quand l’irréparable est commis (ce qui hélas peut toujours arriver), la moindre des choses est de reconnaître que l’on s’est trompé, de présenter ses excuses au nom de l’institution (qui rend la justice au nom du peuple français) et surtout de sanctionner les juges fautifs en fonction de la gravité du préjudice subi par les victimes. On s’en souvient, après la catastrophe judiciaire d’Outreau, le juge Burgaud n’avait écopé, de la part du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) que d’une “réprimande avec inscription au dossier”. Deux ans plus tard, en 2011, il avait même été promu magistrat du premier grade à la Cour de cassation, sans qu’il ait jamais présenté ses excuses ni formulé le moindre regret aux victimes.

La justice infaillible

A-t-on besoin d’incessantes expertises et contre-expertises quand un homme souffrant d’irrépressibles pulsions pédophiles – déjà condamné et soigné à ce titre – exerce son métier auprès d’enfants ? Le principe de précaution, dont on nous rebat les oreilles à propos de tout et de n’importe quoi ne doit-il pas s’appliquer en priorité vis-à-vis des personnes les plus faibles et les plus démunies ? Un magistrat peut-il décemment s’abriter derrière le caractère “non automatique d’une peine complémentaire” et en attribuer la seule responsabilité, en creux, au législateur ? Poser ces questions c’est évidemment déjà y répondre.

Suggérons à Mme Duval d’abandonner un temps les feux médiatiques pour se rendre en Isère afin d’expliquer aux familles des enfants ayant pratiqué des fellations à leur instituteur qui les filmait dans le cadre de la Semaine du goût… qu’aucune faute n’a été commise par le juge en charge du dossier et qu’un instituteur pédophile n’a que très peu de chances de passer à l’acte quand il est seul, plusieurs heures par jour, entouré de jeunes enfants. Le corporatisme est terrible quand il devient à ce point aveugle, bête et méchant, quand il ne raisonne plus du tout et finit par présenter les magistrats comme des êtres irresponsables et infaillibles, en un mot : surhumains. Mais, comme on le dit à l’USM, “ça n’a rien d’automatique”. Vraiment ?

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