Violences sexistes et sexuelles dans le sport : à Lyon "toutes les fédérations sont impactées par ce fléau" 

Après l’annonce du maire de Lyon de conditionner les subventions des clubs de sports au suivi d’une formation aux violences sexistes et sexuelles, les différents acteurs de la ville, clubs ou encore associations soulignent, "l’importance et la nécessité de cette prise de position". 

Élu en 2020, le maire de Lyon Grégory Doucet a la responsabilité de distribuer chaque année un peu plus de 3 millions d’euros de subventions aux clubs sportifs amateurs de la ville. Or, à partir de 2024 les choses vont changer. Cet apport financier alloué aux acteurs du sport lyonnais sera désormais conditionné à une formation des clubs et associations aux violences sexistes et sexuelles. Pourtant et bien avant cette annonce, un club n'a pas attendu cette prise de position politique pour agir sur ce fléau : le club de foot de Lyon-La Duchère. 

Depuis novembre 2021, "le club a mis en place un pôle de prévention pour lutter contre toutes les formes de violences", souligne Jean-Christophe Vincent, le président du club de foot sur le plateau de 6 minutes chrono, l'émission quotidienne de Lyon Capitale. Précurseur dans le traitement de tous les types de pressions, "psychologiques, agressions sexuelles, harcèlements", le président dénonce une inaction des fédérations sportives, notamment de la part de la plus importante : celle du football. "La fédération est totalement perdue, elles à l’Ouest sur ce sujet", déplore l'homme fort du club qui vient d'être relégué en National 3.

Petit à petit et avec du temps, les dispositifs mis en place par le club ont permis aux jeunes de commencer à parler des problèmes dont ils sont victimes dans leurs vies personnelles. S'étant jusqu'ici senti un peu seul au coeur de ce combat, Jean-Christophe Vincent se dit donc "très content que la Ville de Lyon puisse prendre ce genre de position ". 

Féminiser au maximum le sport 

Une semaine après les annonces faites par Grégory Doucet dans les colonnes du journal L'Équipe, Julie Nublat-Faure, l'adjointe au sport à la Ville de Lyon, insiste "nous voulons fluidifier au maximum la parole chez nos jeunes, notamment chez les femmes". Après la montée en puissance du mouvement Me Too, puis la prise de position plus locale du club de Lyon-La Duchère, la Ville de Lyon entend désormais prendre sa part et peser sur ce sujet. "Toutes les fédérations sont impactées par les agressions dans le sport", prévient l’élue EELV.

"Aujourd’hui, nous ne subventionnons plus des clubs qui n’ont pas de section féminine"

Julie Nublat-Faure, adjointe au sport de la Ville de Lyon

L'un des leviers que souhaite activer la municipalité passe donc par la féminisation du sport lyonnais. "Il faut féminiser au maximum les clubs de sports, pour lutter contre les violences sexuelles et physiques. Il faut aussi mettre des femmes aux postes de gouvernance sportive", précise Julie Nublat-Faure. Dans cette optique, la mairie de Lyon a pris depuis le début de son mandat des engagements forts afin d'augmenter la présence féminine dans les clubs. "Aujourd’hui, nous ne subventionnons plus des clubs qui n’ont pas de section féminine", affirme l’adjointe au sport. Si Julie-Nublat Faure reconnaît avoir conscience que les bénéfices du changement pourraient mettre du temps avant de se ressentir, elle garde néanmoins l'espoir qu’une féminisation du sport aura un réel impact sur les mentalités. Et entraînera de fait une baisse des agressions.

Un travail commun entre la Métropole et la Ville

En parallèle de son travail sur la parité, la municipalité entend également veut accélérer sur les formations, les témoignages et les forums et sur les violences sexistes et sexuelles dans le sport. Des ateliers sont déjà proposés depuis 2021 en ce sens, mais Julie Nublat-Faure souhaite aller plus loin. "L’année prochaine, une grosse conférence sera organisée en début d’année à l’Office des sports à Lyon et ensuite plusieurs ateliers de trois heures seront proposés à tous les clubs de la Ville Lyon", annonce l'adjointe. Lors de ces différents temps d’échanges, l’association Colosse aux pieds d’argile qui a pour mission la sensibilisation et la formation aux risques de violences sexuelles, accompagne et accompagnera de nouveau la ville et plus largement la Métropole de Lyon. 

"La Ville et la Métropole de Lyon travaillent main dans la main sur ce sujet", souligne, le vice-président de la métropole de Lyon à la politique sportive, Florestan Groult. Au-delà de la capitale des Gaules, le travail mené par la collectivité territoriale concerne "les 59 communes de la métropole". Bien consciente du problème et des enjeux, la Métropole de Lyon semble vouloir mettre un coup d’accélérateur en cette fin d’année scolaire.

L’émergence d’association 

"Lorsqu’on voit ce qu’il se passe un niveau du patinage artistique, il faut faire quelque chose", estime l'élu insoumis. Pour rappel, l’ancien entraîneur français de patinage artistique Gilles Beyer avait été accusé de viols et d’agressions sexuelles en 2021 par plusieurs femmes, dont son ancienne élève Sarah Abitbol. Le courage de l’ancienne patineuse a par la suite permis à d'autres témoignages d'émerger. La parole se délit et les victimes d’agressions parlent de plus en plus, mais parfois "la peur et c'est normal empêche de dire les choses", reconnaît Florestan Groult.  

Pour essayer de faciliter ce travail, l’association Les Papillons, lutte par exemple contre les maltraitances infantiles "en installant des boîtes aux lettres dans les écoles et dans les clubs de sport pour pouvoir libérer la parole sur des problèmes dont sont victimes les enfants", explique son président et fondateur, Laurent Boyer.

Une boîte aux lettres de l'association Les Papillons @LaurentBoyer

Créée en 2018 et conventionnée depuis trois ans par le ministère des Sports, l’association ambitionne de s’implanter à Lyon. "Le positionnement de Grégory Doucet est très bon, nous avons commencé à parler ensemble, je viens d’envoyer notre cahier des charges à la ville de Lyon", confie Laurent Boyer. Le travail de l'association va toutefois au-delà de la simple installation de boîtes aux lettres dans les clubs. Les Papillons doit aussi former une personne ressource dans chaque club, afin de pouvoir expliquer le dispositif, ainsi qu’une deuxième personne dite "de confiance", qui aura pour objectif de scanner et envoyer au pôle dédié de l’association les courriers recueillis. En fonction des témoignages, des signalements peuvent ensuite être envoyés directement au procureur. 

Aujourd’hui installée dans plus de 208 clubs à travers le pays, l’association a reçu sur l’année 2021-2022 environ 61 000 lettres d’enfants, un chiffre "qui devrait augmenter sur cette nouvelle année scolaire", affirme Laurent Boyer. Bientôt implantée à Paris, puis à Marseille, l’association devrait déposer ses premières boîtes aux lettres en "novembre 2023" dans la troisième plus grande ville du pays. 

Présentés comme "des grandes familles" par Julie Nublat-Faure, les clubs de sport de Lyon n'auront désormais d'autre solution que de s'emparer à bras le corps de la problématique des violences sexistes et sexuelles. En s'appuyant sur les associations pour lutter contre ce fléau, la ville de Lyon va déjà essayer de son côté de changer les façons de penser avec le conditionnement des subventions des clubs de sport.

Lire aussi : Métropole de Lyon - Violences sexuelles dans le sport : "La honte doit changer de camp !"

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