Les violences sexuelles ont augmenté de 18,5 % en 2023 à Lyon. (Photo Hadrien Jame)

Violences sexistes et sexuelles : "Si l’on n’éduque pas les enfants sur ces questions, on n’évoluera pas"

Plusieurs associations se mobilisent samedi 25 novembre pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles envers les femmes. Pour plusieurs militantes, le constat reste le même, le changement n'est possible que par l’éducation. 

Depuis sa création en 1999, la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes a fait du 25 novembre son principal temps de mobilisation. Selon l’Inter Orga Féminicides (IOF), à cette date, depuis le début de l'année 2022, ce ne sont pas moins de 121 femmes qui ont déjà perdu la vie en raison de leur genre. Un bilan qui pourrait encore s’alourdir d'ici la fin de l'année et qui marque une augmentation par rapport à 2022.

L'année dernière, les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur faisaient état de 118 féminicides, dont cinq dans le Rhône. Le département reste d’ailleurs "dans le top 5 des départements où l’on décompte le plus de féminicides", déclare Coline Seveau, chargée de prévention pour l’association Filactions. Un chiffre qui s’explique par la densité de population. Il n’empêche, "on ne fait pas partie des meilleurs élèves", continue-t-elle. 

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Une question d’éducation et de sensibilisation 

Pour Sofia, membre de la coordination chez Nous Toutes Rhône, ces dernières années il y a bien eu "une prise de connaissance" des violences faites aux femmes, mais sans réelle action de la part de l'État et de la société en générale. "Si l’on en croit les chiffres alarmants sur les violences faites aux femmes, sur les 121 femmes tuées depuis le début de l’année, 20 % avaient porté plainte. On a pris connaissance du problème, mais il y a une sorte de procrastination, on remet tout à demain", déplore-t-elle. 

"On a pris connaissance du problème, mais il n’y a une sorte de procrastination, on remet tout à demain"

Sofia, militante et chargée de coordination chez Nous Toutes Rhône

À ses yeux, la résolution de ce problème ne pourra passer que par l’éducation et la sensibilisation dès le plus jeune âge. "Une action qui pourrait vraiment fonctionner, ce serait ’est sensibiliser dans le milieu scolaire. D’autres associations, comme Filactions, le font, et c’est là, à mes yeux, que se trouve la racine du problème. Si l’on n’éduque pas les enfants sur ces questions, on n’évoluera pas", continue la jeune femme. Un constat que partage également Coline Seveau. "Il faut prendre la sensibilisation et la prévention comme des choses qui sont aussi importantes que d’autres types d’actions", explique-t-elle. Et d'ajouter "il existe encore aujourd’hui des rapports de domination dans tous les milieux, que ce soit le couple, la famille, le travail, l'école et bien sûr la société, il faut que ça change."

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La formation des policiers et gendarmes  

L’éducation des enfants, mais également des adultes, notamment des professionnels comme les forces de l’ordre. "Il faut plus de formation dès le début, que ce soit une partie intégrante de leur formation. Leur apprendre qu’il ne faut pas juger les victimes, qu’il faut les accueillir dans la bienveillance", explique Sofia. Si des formations auprès des forces de l’ordre existent déjà, notamment depuis MeToo, le constat reste encore négatif pour cette militante de 22 ans. "On va dire qu’il y a des changements, si l’on est positif, mais les chiffres montrent bien qu’il y en a très peu." 

"Toutes les associations nous disent qu’elles sont débordées, qu’elles ne peuvent plus accueillir toutes les femmes (...)"

Coline Seveau, chargée de prévention chez Filactions

Coline Seveau, de son côté, préfère tempérer ce constat. "La prise en charge s’améliore, notamment grâce aux différentes formations proposées, des assistantes sociales sont également présentes dans les postes de police pour accueillir les victimes. C’est un début, mais il y a toujours des choses à améliorer", admet-elle. 

Campagne de sensibilisation de la Ville de Lyon. Photo CM

Aujourd’hui en France, selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, plus de 90 000 femmes disent avoir subi un viol ou une tentative de viol. Parmi ces victimes, moins de 10 % décident de porter plainte. Le plus alarmant, 80 % de ces plaintes sont classées sans suite. 

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Un manque de moyens et de pérennité des aides

Pourtant, si les collectivités semblent avoir pris la mesure des violences faites aux femmes, pour Coline Seveau, les moyens mis à dispositions restent encore trop limités. Dans le Rhône, plusieurs associations importantes comme Femmes Solidaires du Rhône ou encore VIFFIL accueillent aujourd’hui les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, mais la situation est particulièrement tendue. "Toutes les associations nous disent qu’elles sont débordées, qu’elles ne peuvent plus accueillir toutes les femmes en centre d’hébergement, même les délais pour prendre un rendez-vous sont très longs", explique la chargée de prévention. Les principaux manques aujourd’hui concerneraient le manque d’argent, de personnel et de place d’hébergement. L'ouverture, le 8 mars 2024, d'une maison des femmes victimes de violences à l'hôpital Édouard Herriot par les HCL devrait en partie permettre de répondre à cette problématique.

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En revanche, l'instabilité financière qui touche les associations nourrit une certaine incertitude. Aux yeux des deux jeunes femmes, des aides sont mises en place, mais "elles ne sont pas pérennes, ce n’est pas stable". En effet, chaque année, les associations doivent remplir un dossier pour obtenir des subventions de la part de l’État ou des collectivités, mais le temps pris à faire ces dossiers, "c’est du temps qu’on perd à aider les femmes ou à mettre des choses en place", déplore Coline Seveau. 

Dans un rapport publié le 25 septembre dernier, la Fondation des femmes révèle que l’État aurait investi 184,4 millions d’euros pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles en 2023. Une somme aujourd'hui trop éloignée de la réalité des besoins. La Fondation estime que pour y répondre il faudrait "entre 2,6 milliards et 5,4 milliards d’euros".

Si vous êtes victime de violences sexistes et sexuelles, appelez le 39 19, ou le 114 par sms si vous ne pouvez pas parler. Pour plus d’informations : https://www.filactions.org ou le 04 78 30 63 50

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