Le tribunal de commerce de Saint-Etienne refuse à un juge élu de siéger, contrairement à l'avis du ministère de la Justice.
Son entreprise a fait la "une" des médias locaux en septembre dernier. Le coup de projecteur ? Xenos, un beau bébé de 8 tonnes, 3 mètres de largeur et de hauteur, isolé dans une pièce d’une trentaine de mètres carrés spécialement conçu pour lui. La machine de mesure tridimensionnelle, inaugurée en grandes pompes, est la plus précise au monde et la seule de ce type installée en France, voire même dans le Sud de l'Europe.
Parmi les personnalités locales de premier plan qui avaient fait le déplacement, la directrice régionale Loire Auvergne de Bpifrance ou encore le sous-préfet de la Loire avaient fait le déplacement.
Ce mercredi 7 septembre, le président du tribunal de commerce de Saint-Etienne, François Méon, n'était pas là. Il faut dire que ses relations ne sont pas au beau fixe avec le propriétaire de Xenos, Gérald Chatain, PDG de Microrectif, leader national en usinage et rectification de très haute précision.
"Porte atteinte à l’apparence même d’indépendance du tribunal" (président du tribunal de commerce)
Ce chef d'entreprise de 50 ans est juge au tribunal de commerce stéphanois. Il a été choisi et élu par des commerçants ou des dirigeants d'entreprises locaux en octobre 2020 sur la liste... de François Méon, le président du tribunal de commerce.
Quelques jours avant les fêtes de fin d'année, ce dernier convoque le dirigeant puis lui demande de démissionner pour des "raisons déontologiques" sa présence au sein de la juridiction était de nature à "porter atteinte à l’apparence même d’indépendance du juge et du tribunal". En filigrane, un contentieux opposant la société JMGC Participations, holding familiale des Chatain, dont Gérald Chatain est président du conseil d'administration et directeur général, et un mandataire judiciaire. "Le président du tribunal de commerce actuel m'a dit qu'il avait appris 'incidemment', ce sont ses propres mots, cette procédure, explique Gérald Chatain à Lyon Capitale. Or, à l'époque, il intervenait en qualité de juge dans cette procédure au tribunal de commerce, il était donc au courant. Et puis, je le répète, le tribunal avait tranché en notre faveur. Qu'importe, M.Méon m'a demandé de lui présenter sa démission pour 'motifs personnels'."
Gérald Chatain notifie son refus, catégorique, au président du tribunal de commerce, mais s'engage à démissionner à la condition que le ministère de la Justice valide les faits.
"Aucune obligation de démissionner" (ministère de la Justice)
Dans un mail envoyé au président du tribunal de commerce, la direction des services judiciaires du ministère de la Justice convient que la situation de M. Chatain n'est "pas constitutive d'un conflit d'intérêt". En conséquence, conclut la Chancellerie, le juge Chatain n'a "aucune obligation de démissionner".
Le 25 janvier dernier, les juges du tribunal de commerce se sont réunis en assemblée générale pour se voir affecter une chambre. Sur les 31 juges, seul Gérald Chatain ne s'est vu affecter aucune chambre.
Il ne peut donc toujours pas siéger et est privé de la possibilité d'assumer ses fonctions de juge consulaire au tribunal de commerce de Saint-Etienne.
Nous avons tenté de joindre à plusieurs reprises le président du tribunal de commerce François Méon. En vain. Tout comme Gérald Chatain qui n' eu aucun retour de ses collègues juges au tribunal de commerce pour qu'ils leur fassent part des éventuels griefs qui lui sont reprochés.
Quant aux institutions judiciaires saisies de ce dossier, le premier président de la cour d’appel de Lyon a relevé, dans un courrier envoyé à l'avocat de Gérald Chatain, des "difficultés d’ordre déontologique" que pose le fait que ce dernier n'ait été affecté à aucune chambre. Il écrit avoir interrogé la Chancellerie à ce sujet.
Cette dernière, qui analyse le dossier depuis le début de l’année, n’a toujours pas encore rendu son avis.
Saint-Etienne ne fait peut-être même pas partie de l'Europe, qui sait ?