Ils seraient près de 80 000 dans le monde. À modifier, peaufiner, contrôler. Des pointilleux de la virgule, des amoureux du consensus, des conquérants de la page vierge. Sébastien Gathier et Arnaud Fafournoux, auteurs de dizaines de milliers de contributions, se classent parmi les plus actifs de France. Ce sont des Wikipédiens. Les gardiens du temple du savoir.
Comme pour beaucoup, ça a commencé par un clic. “J’ai adhéré dès que j’ai vu qu’on pouvait modifier des articles et apporter une compétence”, explique Arnaud, 35 ans, ancien conseiller pour des courtiers en assurance, en reconversion professionnelle. De légères modifications, au départ. Puis, très vite, une page entière. “J’ai commencé par créer la fiche d’un footballeur peu connu”, avoue Sébastien, étudiant en droit et gestion. Mais difficile de rester sobre face à un savoir en friche. Il faut contribuer, accumuler, enrichir.
Sébastien, 21 ans, 320 000 contributions
“Je suis en train de travailler sur les circonscriptions du Venezuela. Il y en a presque 2 000. J’ai acheté entre dix et quinze livres sur le sujet”, confie calmement Arnaud. “Moi, j’ai créé la page du vainqueur du tour cycliste du Guatemala de 1964”, sourit Sébastien. À seulement 21 ans, le jeune homme est le 3e Wikipédien francophone, avec plus de 320 000 contributions. Sur l’encyclopédie, il est Sebleouf, un utilisateur passionné de foot et d’homonymie, d’orthographe et de géographie. Arnaud est Nonopoly. Il possède un budget livres de “200 à 300 euros par mois”. Administrateurs, contributeurs, passionnés mais bénévoles, ils passent entre trois et six heures par jour sur Wikipédia. Se disent “accros”, parlent de “raison de vivre” ou d’“amour du projet”,et ressentent “un manque en vacances”.
“Sur un CV, participer à Wikipédia est comparable à une mission bénévole de vaccination en Afrique”
Une dope numérique, contributive et sociale. Régulièrement, une dizaine de Wikipédiens lyonnais se réunissent pour une soirée entre amis. Sébastien n’hésite pas à inscrire “contributeur” sur un curriculum vitæ encore en manque d’expériences professionnelles. “Sur un CV, participer à Wikipédia est comparable à une mission bénévole de vaccination en Afrique”, lâche, passionné, Arnaud, l’intérêt public dans la peau. Tentative de sevrage ou simples confessions, ils passent à l’autocritique : “Dans les principes fondateurs de Wikipédia, il y a une absence de comité éditorial. Sur des sujets polémiques, on aura du mal à asseoir une politique qui convienne à tous”, explique sobrement Arnaud. Et d’ajouter, conscient de l’overdose : “L’article Communisme est mauvais, mais c’est très difficile de le modifier. Le pire exemple, c’est Dieu. La page de discussion est au moins quatre ou cinq fois plus importante que l’article !”
L’addiction n’est jamais loin, mais la drogue Wikipédia, c’est de la bonne. “Je suis assez humaniste, je regarde le meilleur de chacun”, confie Sébastien, qui défend le modèle collaboratif. “Le libre est une autre façon de voir le monde. La connaissance n’est pas un bien, c’est une nécessité, renchérit Arnaud. C’est déontologique de participer. Ça devrait être quasi obligatoire.” Créer la huitième ville de Lituanie ou corriger le mot “fonds” 500 fois ne leur fait plus peur. “Nous ressentons une fierté de contribuer à quelque chose de beau et grand.”
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Pour tout savoir sur l'encyclopédie en ligne la plus consultée au monde, lire notre enquête : Faut-il avoir peur de Wikipédia ?
Je suis une star maintenant 😛 Merci Lyon Capitale !
Vous avez vraiment des sales gueules :xd