Xavier Richaud, procureur de la République de Lyon, va quitter ses fonctions officiellement le 11 janvier. C’est la limitation à sept années d’exercice qui oblige le magistrat à mettre les voiles. Mais après avoir dirigé le second parquet de France, il pouvait s’attendre à un meilleur poste que celui d’avocat général à Aix-en-Provence. Ce rétropédalage fait beaucoup parler dans les couloirs des tribunaux.
“Je ne veux pas faire état d’une amertume”, déclare Xavier Richaud, lapidaire, lorsqu’on l’interroge sur son départ et sur le virage inattendu que prend sa carrière. Si en se retrouvant avocat général, le magistrat conserve le même grade que celui de procureur de la République, il perd tout de même prestige, pouvoir et rémunération.
Pour son supérieur hiérarchique, le procureur général de la cour d’appel de Lyon Jean-Olivier Viout, “Xavier Richaud a assumé ses fonctions avec de grandes compétences, comme il l’a voulu, et avec sa personnalité”. Des propos contenus quand la plupart des magistrats interrogés parlent d’une relation conflictuelle entre les deux hommes, qui se connaissent depuis de nombreuses années pour avoir travaillé ensemble à Grenoble avant de se retrouver à Lyon. Richaud aurait eu du mal à rendre des comptes sur son travail à sa hiérarchie.
“Il n’a jamais fait allégeance”, dit-on,“car il est ce qu’on appelle une forte tête, et l’indépendance, ça a du bon au parquet, mais pas trop non plus”, témoigne un homologue qui ajoute comme toutes les personnes interrogées que Xavier Richaud “avait de toute façon vocation à faire autre chose”. Alors serait-il possible que Richaud, qui ne passe pourtant pas pour un procureur polémiste, ait fait preuve de trop d’indépendance vis-à-vis de la chancellerie ?
7 ans de réflexion
La “règle des 7 ans” correspond à une réforme récente du statut du procureur et, plus globalement, de tous les directeurs de juridiction. Leur mobilité devient obligatoire, afin de leur éviter “de s’exposer au risque de la routine ou de compromettre leur indépendance et leur impartialité par une insertion devenue trop confortable dans l’environnement”*. Aussi Richaud ne représente-t-il pas un cas isolé et, comme lui, Jean-Olivier Viout devra quitter son poste en 2011, ainsi que le président du TGI de Lyon, Pierre Garbit. Avec, en vue, un vrai problème d’embouchure : les postes représentant des promotions dans la carrière de ces hommes de pouvoir étant peu nombreux, “certains vont se retrouver assez rapidement dans des situations de rétrogradation fonctionnelle”, explique Etienne Rigal, membre du syndicat de la magistrature à Lyon. “Il n’y a pas de droit acquis sur une promotion”, rappelle-t- il aussi.
C’est cependant la première fois qu’un procureur de la République à la tête du parquet de Lyon ne parvient pas à obtenir un avancement attendu. “Une sanction ? Cela n’a pas de sens, insiste Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice où sont décidées les nominations des magistrats. Il n’y a pas de carrière type, Xavier Richaud fait seulement face à une règle statutaire”.
Cuisine et indépendance
Au sein de la corporation des magistrats, les avis sont d’ailleurs partagés. Xavier Richaud aurait mal géré la cuisine interne de la chancellerie, en faisant notamment “la fine bouche” devant des propositions de nomination plus prestigieuses que celle d’avocat général dans la petite juridiction d’Aix-en-Provence. Il n’a jamais voulu sortir de la région Sud-Est.
Et lorsque Marc Moinard, ancien secrétaire général de la chancellerie, est parti à la retraite, le procureur de Lyon a aussi perdu en haut lieu l’un de ses soutiens les plus importants. “Il a laissé passer des trains qu’il n’a pas trouvés assez beaux pour lui”, lui reproche-t-on. Pour Dominique Brault, membre du syndicat, la rétrogradation de Xavier Richaud reste néanmoins “injuste”et peut en effet s’apparenter à une sanction, “symptomatique de l’attitude de la chancellerie” qui ne souhaiterait avoir dans ses juridictions que des procureurs aux ordres.
En octobre 2008, au moment de la forte mobilisation des magistrats contre la politique menée par la Garde des Sceaux de l’époque, Rachida Dati, Richaud n’avait pas hésité à descendre dans la rue, sous les pancartes “Dati, halte au mépris”. Le procureur de la République de Lyon ne passe pourtant pas pour un “gauchiste énervé”, mais “il a toujours fait preuve d’une indépendance assez mal vue”, explique-t-on. Entre un bras de fer stérile avec la chancellerie qu’aurait perdu le procureur déchu, et une véritable sanction discrétionnaire, tous (et lui le premier) s’accordent à dire qu’il aurait pu bénéficier d’une porte de sortie plus honorable. Sans quoi le doute est à nouveau jeté sur la volonté de la chancellerie à garantir l’indépendance de la Justice face au pouvoir politique.
*Tiré du projet de loi organique relatif à la carrière des magistrats, consultable sur le site Internet du Sénat.
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