Ses yeux brillent quand il revient sur la genèse de cette drôle d'épopée artistique. "L'idée initiale, c'était qu'on n'est pas obligé d'avoir un lieu ni des collections pour montrer de l'art. On a donc appelé cette expérience "nouveau musée" comme une antiphrase, un paradoxe absolu, celui d'un musée sans mur ni collection. Ça a duré quatre ou cinq ans : on a investi divers lieux, et bien sûr l'espace public. En 1979, avec Daniel Buren, on posait des rayures adhésives au pied des statues de Lyon ! On en a même posé sur la fontaine Bartholdi qui, vingt ans plus tard, a été déplacée quand il a conçu l'aménagement de la place des Terreaux ! Mais cette idée n'était pas tenable sur la durée.
Car si vous voulez un budget, vous êtes bien obligés d'avoir une adresse. Alors en 1982, Charles Hernu m'a donné les clés d'une ancienne école qu'on a retapée pour en faire un centre d'art" raconte Jean-Louis Maubant. L'une des premières expos, consacrée à Lawrence Weiner, porte un titre-manifeste : "apprendre à lire l'art". "Notre ambition était de donner au public les moyens de lire l'art (...) Lire l'art, c'est potentiellement lire son temps différemment, à la lumière de ce que les artistes apportent d'éclairages nouveaux" poursuit le fondateur. Toujours par souci de lisibilité, Jean-Louis Maubant privilégie les expositions personnelles. "Pour moi, un artiste n'est intéressant que s'il dit des choses sur la société, s'il est "engagé". Et s'il change celui qui regarde ses œuvres" estime-t-il. C'est ainsi que pour lui, Daniel Buren modifie "notre capacité de regard" et Tony Cragg "notre rapport à l'objet", que Anish Kapoor interroge "notre rapport à une religiosité enfouie" et On Kawara "le temps, le rapport entre individu et infini". "Les artistes venus ici ont tous une vraie conscience civique" résume Jean-Louis Maubant qui déplore qu'"en France, on prenne l'art comme une mondanité, une virgule à la littérature. Le bon goût français, littéraire avant tout, est calamiteux".
Comme il était impossible de convier les 140 artistes qui ont fréquenté ces salles, Jean-Louis Maubant en a choisi 11 avec lesquels "on a eu les rapports les plus forts". Il a essayé d'équilibrer les âges (du quadra catalan Jordi Colomer à l'octogénaire Yona Friedman), les provenances (de l'anglo-indien Anish Kapoor à l'italien Luciano Fabro), les sexes, les styles, les matériaux... Et de mettre au jour ce qu'il considère comme "les phénomènes les plus marquants de ces dernières décennies" : "l'immixtion de plus en plus forte des artistes dans le tissu urbain" et l'arrivée en force des femmes dans le champs de l'art contemporain : "elles ont amené du concret, du civique, de l'engagement, politique au sens large et pas seulement paritaire ou féministe" estime Jean-Lous Maubant. Des artistes-architectes comme Daniel Buren et Yona Friedman et une femme comme Martha Rosler sont très emblématiques de ces tendances de fond. Tous présentent des œuvres singulières, fortes, originales, à l'image de l'aventure artistique de cet ex- Nouveau musée.
30 ans, Ambition d'art, du 16 mai au 21 septembre 2008, à l'Institut d'art contemporain. 11 rue Docteur Dolard à Villeurbanne.
04 78 03 47 00. www.i-art-c.org
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