Le 21 juin 1943, Jean Moulin était arrêté à Caluire dans le cabinet du docteur Dugoujon. Résistant, héros, il possédé une personnalité complexe. Découvrez cinq choses que vous ignorez peut-être sur Jean Moulin.
Un amateur d'art et un artiste
Derrière le préfet et le résistant que l’on commémore en ce 21 juin 2015 se cachait un amateur d’art, mais surtout un artiste plein d’humour et de talent. Très jeune, Jean Moulin aimait dessiner ceux qui l’entouraient. Il publie ainsi des dessins en 1915 dans les journaux La Baïonnette et La Guerre sociale.Résolu à bien séparer sa carrière dans l’Administration et sa passion, il prend rapidement le pseudo de Romanin et expose en 1922 certaines de ses œuvres. Il participe également à la revue Le Rire. Une fois préfet, il ne laisse pas tomber sa passion, n’hésitant pas à esquisser dessins et caricatures sur un coin de feuille à l’occasion des réunions. Durant la Seconde Guerre mondiale, il utilise sa passion comme couverture et ouvre une galerie d’art à Nice portant le nom de “Romanin”. Le 9 février 1943, il y présente une exposition où se côtoient Matisse, Degas et Bonnard. Il initie également son secrétaire particulier, Daniel Cordier, à l’amour de l’art moderne. Ce dernier perpétuera l’héritage de Romanin après la mort de Moulin, devenant à son tour marchand d’art une fois la guerre achevée.
Sa photo la plus connue a été réalisée avant la guerre
La légende veut la photographie la plus connue de Jean Moulin ait été prise après sa tentative de suicide, alors que la France est déjà occupée. Sur ce cliché, le résistant cacherait sa cicatrice au cou avec son écharpe. Tout cela est faux. Cette photo a en fait été réalisée entre 1939 et 1940, à Montpellier. La guerre changera radicalement le physique de Jean Moulin. En 1943, il a perdu beaucoup de poids, ses traits sont tirés par la fatigue, et son apparence générale s’est progressivement éloignée de celle de la photographie que tout le monde connaît aujourd’hui.
Il veut s'engager dans l'armée en 39, mais est déclaré inapte au combat
En 1939, préfet d’Eure-et-Loir, il songe à abandonner son poste pour aller combattre lorsque la guerre éclate. Las, il est déclaré inapte au combat par un premier médecin, à cause de sa vue. Loin de renoncer, il exige une contre-visite, mais son destin de préfet le rattrape : le ministre de l’Intérieur veut le voir dans son département, pour protéger les populations. Jean Moulin renonce au combat sur le front, mais va en mener un autre, bien plus important.
Il refuse de faire accuser injustement des tirailleurs Sénégalais
En juin 1940, la France est envahie par l’Allemagne nazie. Jean Moulin ne peut rester impuissant face à cette barbarie qu’il avait pressentie. Il va accomplir son premier acte de résistance, son “premier combat”. Les autorités allemandes lui demandent de signer un document accusant à tort des tirailleurs sénégalais d’avoir massacré des civils. Jean Moulin refuse catégoriquement et est envoyé en prison. Là, il fait une tentative de suicide, dont il réchappe miraculeusement. En 1941, il comprend qu’il doit se rendre à Londres. Dans une France en partie occupée, il ne peut opter pour une approche directe. Il décide donc de gagner l’Espagne puis le Portugal avant d’arriver en Angleterre. Là, il rencontre enfin le général de Gaulle, qui comprend rapidement que Jean Moulin pourra être un allié précieux. Il en fait son représentant personnel en France et lui confie une mission de la plus haute importance : unifier la résistance.
Les résistants voulaient le faire évader
L’arrestation du général Delestraint, chef de l’armée secrète, à Paris le 9 juin 1943 va forcer la résistance à prendre des risques. Il faut trouver un remplaçant. Une réunion est prévue à Caluire le 21 juin 1943 à 14 heures, avec Albert Lacaze, Bruno Larat, André Lassagne, Raymond Aubrac et Jean Moulin. La journée de Jean Moulin débute par plusieurs rencontres. Il retrouve ainsi Henri Aubry, rue Paul-Beret. Après quelques mots échangés, notamment sur le parachutage d’armes, ils se quittent sans qu’Aubry avoue qu’il ne viendra pas seul à la réunion de l’après-midi. Il sera en effet accompagné de René Hardy, un participant de plus pour une rencontre déjà sensible et risquée. Toute personne supplémentaire fait courir un risque aux autres. Par la suite, Jean Moulin retrouve Raymond Aubrac place Carnot. Ensemble, ils se dirigent vers le funiculaire pour se rendre à Caluire. Ils doivent retrouver le colonel Schwarzfeld, mais ce dernier est en retard d’une demi-heure. La tension monte d’un cran. Les trois résistants arrivent avec 40 minutes de retard chez le docteur Dugoujon. La domestique, pensant qu’il s’agit de patients, leur demande d’entrer dans la salle d’attente. Albert Lacaze, Bruno Larat, René Hardy et André Lassagne les attendent à l’étage. Des voitures s’arrêtent autour de la villa, doucement ; des individus commencent à entourer le cabinet. Les résistants ont été trahis. Le docteur Dugoujon raccompagne l’une de ses patientes. Il ouvre la porte. La Gestapo prend d’assaut le bâtiment. Tout le monde est menotté, patients compris, sauf René Hardy qui parvient à prendre la fuite. La résistance envoie un télégramme à Londres : Max a été arrêté. Certains sont prêts à le faire évader. Des repérages sont effectués, mais l’opération ne peut être menée à son terme. Jean Moulin est incarcéré à la prison de Montluc et torturé par Klaus Barbie à l'école de santé militaire, avenue Berthelot (aujourd'hui l'IEP). Le 3 ou le 4 juillet, il est transféré à Paris, où il est encore torturé. Il meurt le 8 juillet 1943, dans le train censé l’emmener en Allemagne. Insoumis, il n’a jamais parlé. Jean Moulin est mort comme il a toujours vécu : libre, républicain et artiste.
On dirait que 72 ans après, Jean Moulin dérange encore tous ceux qui ont préféré la collaboration ou la trahison. Les fachos anti mariage avaient osé polluer la cérémonie à Montluc, n'oublions rien.