Le festival Amour Soupçon qui s'y déroule jusqu'au 5 mai est une avalanche de sentiments troubles, de passions, de crimes. Les 6 opéras, de courte durée, qui le compose sont un antidote à la médiocrité ambiante et provoquent, sauf un, de jouissives petites morts. Confié à 3 chefs âgés de moins de 30 ans, l'orchestre s'épanouit et fait merveille. Nombre de chanteurs prouvent que l'orgasme, parfois, se conjugue à la performance. Les 4 metteurs en scène osent la modernité, la poésie et parfois le frétillement pornographique. Parmi eux, Laurent Pelly, mérite une Palme d'or.
On ne saurait mieux dire : précipitez-vous pour en prendre plein les yeux, plein les oreilles et ailleurs ! Avec cette sentence de Régis Jauffret, dans Asile de fous, accrochée à la mémoire : "Un chagrin d'amour, c'est une histoire d'amour qui n'a jamais renoncé à l'amour."
Festival Amour soupçon, jusqu'au 5 mai, à l'Opéra de Lyon, place de la Comédie, Lyon 1, 0826 305 325, www.opera-lyon.com
Le labyrinthe des passions
Revue de détail des 6 opéras qui composent le festival Amour soupçon
La voix humaine *****
Résumé : une femme converse, au téléphone, avec son amant qui l'abandonne pour une autre. Un magnifique texte homosensuel de Cocteau qui dit le désamour, les mensonges, le désespoir et les regrets.
Notre avis : La tragédie portée par la musique envoûtante de Poulenc et magnifiée par Felicity Lott, époustouflante, à qui l'on donnerait des millions de caresses pour la consoler. Laurent Pelly déploie une mise en scène subtile qui fait glisser ici et là des symboles de la désolation et de la mélancolie (le fauteuil où s'asseyait l'amant, le lit coupé en deux).
De Francis Poulenc (1959), direction musicale : Juraj Valcuha, mise en scène : Laurent Pelly. 40 mn. Les 28 avril, 3 & 5 mai à 20h.
Le Château de Barbe-Bleue *****
Résumé : Judith a tout quitté, tout bravé pour l'amour de Barbe-Bleue dont la réputation est pourtant terrible. Elle découvre le château de son aimé et les secrets qu'il recèle, métaphores de l'être lui-même. Dévoiler entièrement l'âme de l'autre, n'est-ce pas figer l'amour dans l'effroi ?
Notre avis : Le génie de Laurent Pelly est à l'œuvre dans cet opéra. Le décor est un labyrinthe des passions qui s'enroule et enclôt les dévoilements. La magnifique mise en scène, cinématographique, est digne du chef d'œuvre, Othello, d'Orson Welles.
De Bela Bartok (1918), direction musicale : Juraj Valcuha, mise en scène : Laurent Pelly. 1h. Les 28 avril, 3 & 5 mai à 20h.
Luci Mie Traditrici *
Résumé : La Duchesse ("Qui aime est audacieux") et le Duc ("Qui aime a peur") se jurent amour éternel. Néanmoins, l'épouse s'éprend d'un Hôte de passage. Coup de foudre réciproque et bouleversant qui s'achève dans le drame.
Notre avis : la seule production fastidieuse du festival. Un opéra asthmatique qui, autant musicalement que pour ce qui concerne la mise en scène, fait songer aux spectacles des comités d'entreprises s'entichant, dans les années 70, d'avant-garde grotesque. Ou pire, aux seins flasques de maman quand elle les exhibait pour faire moderne...
De Salvatore Sciarrino (1998), direction musicale : Jonathan Stockammer, mise en scène : Georges Lavaudant. 1h10. Les 25, 27 avril & 4 mai à 20h. Une Tragédie florentine
Une Tragédie florentine **
Résumé : Simone, riche marchand mais "vulgaire épicier" se rend compte de la liaison entre sa femme, qui le méprise, et Guido Bardi, héritier du Duc de Florence. Après force duplicité, il tue l'amant lors d'un duel et s'apprête à occire l'infidèle qui défaille : "Pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu étais si fort ?". Le cocu, lavé du déshonneur lui répond : "pourquoi ne m'as-tu pas dit que tu étais si belle ?"
Notre avis : Une belle scénographie, mais coincée dans l'esprit années 80. Mention spéciale pour la perruque style choucroute carrée à la Desireless.
D'Alexander von Zemlinsky (1917), tiré d'une œuvre d'Oscar Wilde, direction musicale : Jonathan Stockammer, mise en scène : Georges Lavaudant. 1h. Les 25, 27 avril & 4 mai à 20h.
Djamileh ***
Résumé : Le sultan Haroun, qui se veut insensible à l'amour, prend chaque mois une nouvelle esclave pour objet sexuel. Djamileh, la dernière d'entre-elles le trouble. Eprise du souverain, elle finit par le soumettre aux délices de la passion.
Notre avis : une mise en scène qui frôle le coquin, les belles voix de Naouri, Furlan et Vuletic, une musique facile : un agréable moment.
De Georges Bizet (1872), direction musicale : Eivind Gullberg Jensen, mise en scène : Christopher Alden. 1h. Les 24 & 26 à 20h, le 29 avril à 16h, le 2 mai à 20h.
Il Tabarro ****
Résumé : sur une péniche en bord de Seine, Giorgetta n'a plus d'amour pour son mari vieillissant, Michele. Elle s'éprend du jeune et beau Luigi. Michele découvre la tromperie et fou de jalousie étrangle l'amant.
Notre avis : la mise en scène n'est pas sans rappeler L'Atalante de Jean Vigo. Un joli jeu d'ombres et de lumières qui cerne bien les sentiments des protagonistes. Superbe puisque Puccini.
De Giacomo Puccini (1918), direction musicale : Eivind Gullberg Jensen, mise en scène : David Pountney. 1h. Les 24 & 26 à 20h, le 29 avril à 16h, le 2 mai à 20h.