Olivier Dubois Tragédie 3
© François Stemmer

Danse : Olivier Dubois, l’humanité en marche

“Le simple fait d’être un homme ne fait pas humanité, voilà la tragédie de notre existence.” C’est ainsi que le chorégraphe Olivier Dubois pose la genèse de Tragédie, une pièce qui fut l’événement du Festival d’Avignon en 2012.

Tragédie, chorégraphie d'Olivier Dubois © François Stemmer

© François Stemmer

Sur scène, neuf femmes et neuf hommes entièrement nus vont se lancer dans une expérience sensorielle où les corps, asexués, débarrassés de troubles historiques ou sociologiques, s’emploient à retrouver une nouvelle conscience, propice à leur humanité.

Tragédie grecque

Dans sa forme, le spectacle est construit comme une tragédie grecque sur trois temps : une “parade”, des “épisodes” et une “catharsis”. Il s’appuie essentiellement sur des marches, des courses, des sauts, des effondrements qui dégagent une énergie brute permanente. Olivier Dubois inscrit l’écriture chorégraphique dans le champ de l’hypnotique, avec un processus de crescendo et de transformation, tandis que la musique techno agit comme une caisse de résonance.

Projetés dans un rapport au public très facial, les corps engendrent, tels des flux et des reflux et pendant un long moment, des mouvements répétitifs, sans émotions et exécutés sur des lignes droites et des croisements. Peu à peu, ces espaces se resserrent et produisent des enchevêtrements de corps qui vont laisser échapper des failles.

Une bataille jusqu’à épuisement

Tragédie, chorégraphie d'Olivier Dubois © François Stemmer

© François Stemmer

Les danseurs sont pris dans une transe qui opère une métamorphose salvatrice leur faisant toucher à vif, parfois dans le hurlement, la force et le sens d’une nouvelle communauté. Si la maîtrise de leurs déplacements et de leurs actions est impressionnante, les mouvements demeurent pourtant minimalistes, car le travail du chorégraphe est ailleurs. Ce qu’il recherche avant tout, c’est comment les corps se chargent et comment l’interprète s’implique. Et c’est là toute la fascination de ce spectacle, où les interprètes se jettent dans une bataille jusqu’à l’épuisement, entraînant avec eux la déstabilisation du spectateur.

La danse est un acte révolutionnaire

Tragédie, chorégraphie d'Olivier Dubois © François Stemmer

© François Stemmer

Tragédie est le troisième volet d’un triptyque sur la résistance qu’Olivier Dubois a entamé en 2009 avec Révolution. Il y soumettait quatorze femmes – accrochées à des barres de pole dance – à une endurante rotation chorégraphique. Dans une marche incessante qui met le corps au service de l’œuvre, elles apparaissaient telle une masse ouvrière d’art. Des femmes silencieuses et solidaires qui s’engagent dans la création comme dernier lieu de résistance, de dialogue et d’insurrection. Profondément troublé par ces femmes, l’appel à la liberté et à la dignité, le chorégraphe crée le second volet, Rouge, un solo qu’il danse en se transformant en bête, détruisant les icônes révolutionnaires pour laisser apparaître sa propre insurrection. “Il m’a semblé important, disait-il, en tant qu’homme et artiste, de faire entendre cet écho masculin, guerrier, singulier, de laisser jaillir un cri libérateur.” Du grondement sourd féminin à ce cri vociférant, Tragédie sera-t-il le volet final qui s’ouvre sur une humanité retrouvée ?

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Tragédie, d’Olivier Dubois. Mercredi 26 à 19h30 et jeudi 27 février à 20h30, à la Maison de la danse, 8 av. Jean-Mermoz, Lyon 8e.

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Cet article est extrait du cahier Culture de Lyon Capitale 730 (février 2014), en vente en kiosques jusqu’au 27 février, et dans notre boutique en ligne.

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