Poursuivant sa collaboration avec d’autres lieux culturels, le ballet de l’Opéra de Lyon propose sur la scène du Toboggan “Révolution(s)”, un programme composé de trois pièces signées Tânia Carvalho, Emanuel Gat et Rachid Ouramdane, trois artistes loin d’être consensuels.
“Révolution(s)” est pour le ballet de l’Opéra l’occasion de faire entrer à son répertoire une première pièce de la Portugaise Tânia Carvalho, Xylographie. Issue du monde de la danse et du théâtre, influencée par la peinture (Bruegel, Bosch, Cranach...), naviguant entre expressionnisme et modernité (frisant aussi le n’importe-quoi avec Falling Eyes en 2010 lors de la Biennale), elle a fondé en 1997 un collectif d’artistes solidaires nommé Bomba Suicida. Celui-ci revendiquait de se comporter comme des terroristes pour survivre (en précisant que, si ça explosait, ce serait avec des bonbons), porté par l’idée d’envahir tous les espaces avec l’art.
À la fois dans l’écriture balisée et la performance, Tânia Carvalho aime travailler sur les sensations à partir des corps de danseurs, notamment ceux rompus à la technique classique. Elle expérimente ainsi des mouvements poussés à l’extrême dans un processus de répétition pour qu’ils se libèrent, trouvent l’intensité et le sens. C’est ce qu’elle fait dans cette nouvelle création conçue comme une réflexion sur le multiple. Elle demande à chaque danseur d’interpréter la même phrase mais sur des rythmes différents, pour aller chercher, sans doute, l’unité.
Soleil suspendu
On retrouve aussi dans ces “Révolution(s)” Emanuel Gat, qui a composé Sunshine, une pièce pour dix danseurs (photo ci-dessus) sur la Water Music de Haendel, où la danse abstraite se charge d’une grande puissance physique qui lui donne chair même sans narration.
Toujours dans cette rencontre entre composition musicale et chorégraphique, Emanuel Gat a travaillé son écriture à partir de phrases proposées par les danseurs, qu’il a structurées dans un ensemble complexe laissé comme en suspens jusqu’à la prochaine création. L’inachevé et la transformation, telle est sa marque artistique !
Monde fragile
Déjà inscrit au répertoire du ballet avec Superstars, Rachid Ouramdane présente lui Tout autour, qui lui permet de s’emparer du collectif, se laissant porter par toutes les formes de mouvement de masse et la force du groupe : émeute, défilé, parade, marche, course... Lieux de cohésion mais aussi de chaos, où les corps s’imbriquent ou se repoussent. Le chorégraphe utilise comme un flux continu les vingt-quatre danseurs du ballet pour dire l’absurdité, l’urgence et la fragilité de notre monde.
Artiste, danseur, vidéaste et plasticien, Rachid Ouramdane a beaucoup travaillé sur l’identité individuelle, le déracinement (celui de ses parents), la colonisation, les témoignages vécus donnant une forme documentaire et très originale à sa recherche chorégraphique. On se réjouit de sa récente nomination (avec le circassien Yoann Bourgeois) à la direction du mythique centre national chorégraphique de Grenoble, pour succéder à Jean-Claude Gallotta !