Lyon Capitale n°164
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Il y a 20 ans : on se mêle de tout

IL Y A 20 ANS DANS LYON CAPITALE – Qui dit qu’information rime avec sérieux ? La satire c’était le dada de Lyon Capitale dans la rubrique “On se mêle de tout”.

Lyon Capitale n°164, 25 mars 1998, © Lyon Capitale

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La fin des régionales de 1998, marquée par le retournement de Millon en direction du FN, a aussi amené son lot de drôleries et autres cocasseries. Entre Christian Phillip qui se barricade dans sa permanence, et qui laisse au vigile le soin de dégager les chômeurs en colère devant sa porte, et toute la droite française qui conspue désormais le nouveau président de Région Charles Millon, il y a de quoi faire. Cette dernière nouvelle a fait tellement jaser la classe politique, que tous se bousculent pour donner leur réaction et dire à quel point Millon a trahi. Même Jean-Marie Le Pen, qui était plutôt gentil avec lui jusque-là.

Lyon Capitale n°164, 25 mars 1998, p. 23 © Lyon Capitale

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Un article publié dans Lyon Capitale n°164 le mercredi 25 mars 1998.

On se mêle de tout

Christian Philip se barricade
Depuis quelques semaines, Christian Philip s'entoure de draconiennes mesures de protections. Qu'est-ce qui fait peur à notre frêle Premier adjoint ? Juste une poignée de chômeurs. Mercredi 18 mars, le collectif de chômeurs qui milite pour la gratuité des transports en commun a voulu occuper pour la deuxième fois la permanence électorale de Christian Philip, candidat aux cantonales. Ils n'ont pas eu le temps de rentrer : un vigile armé d'un chien leur a fermé la porte au nez. Deux autres vigiles montent la garde du siège du Sytral, autorité des transports lyonnais présidée par Christian Philip. De plus, pour accéder au sixième étage de l'immeuble, celui de la présidence, il faut une carte magnétique à glisser dans l'ascenseur. A quand la voiture avec vitre blindée ? Pour l'instant, ce privilège est réservé au maire de Lyon...
Charles fait le vide
La droite conseille vivement à Millon de démissionner, que ce soit Chirac ou Bayrou ou plus près de chez nous Barre ou Mercier. La gauche, de Jospin à Queyranne, en passant par Collomb lui montre la même porte de sortie. Décidément les vieux amis ne sont plus ce qu'ils étaient. Et voilà que le dernier qui était gentil avec lui, Jean-Marie Le Pen, exige-lui aussi sa démission. Ce pauvre pécheur de Charles ne va bientôt pouvoir compter que sur les chasseurs et deux ou trois excités de sa bande comme Marc Fraysse ou Amaury Nardone. Ce n'est pas vraiment ce qu'on appelle finir en beauté
Belley, capitale de la résistance
A Belley dont Charles Millon est le député-maire sans plus de parti mais désormais avec une drôle d'étiquette dans le dos, les électeurs n'ont pas apprécié la trahison de Charbonnières. La sanction ne s'est pas fait attendre. Dimanche dernier, le candidat de droite était balayé aux cantonales et le lendemain plusieurs centaines de personnes huaient très violemment le maire venu présider un conseil municipal : aux cris de "Millon collabo". Des tracts "Alliance Millon/FN = prostitution" était distribués.

L'humeur de Catherine B.

Dans les scénarios catastrophes personne n'imaginait l'explosion de vendredi. Une déflagration suivie d'un effroi. Les partis démocratiques, la droite libérale venait, par pur clientélisme, de faire entrer le loup dans la bergerie : un parti néo-fasciste en position de force dans une instance démocratique. Charles Millon avait beau s'exclamer qu'il ne voyait pas le mal à accepter les voix qu'on lui proposait gentiment, qu'il réaliserait son programme même s'il offrait une présidence de commission au Front national, la défense était maladroite, malsaine, déshonorante pour les électeurs. Au-delà de l'horreur que d'accepter qu'un parti xénophobe et populiste soit un adversaire ou un allié comme les autres, Charles Millon aurait peut-être dû se poser la question de la survie du système qui lui apporte subsides, pouvoir et voiture de fonction. L'air du "Tous pourris" fait depuis vingt ans les belles heures de la politique française sans qu'aucun politique ne s'en soucie plus que ça... Il vient d'offrir un couplet supplémentaire à cette chanson-là. Le peuple ne se déplace plus aux urnes pendant que l'on continue à comploter tranquille dans les couloirs de nos assemblées démocratiques... On se taquine, on tapine, on se tire le tapis, on intrigue entre gens de bonne compagnie. Le fond, le débat d'idées a disparu pour faire place à un combat politique qui ressemble à une agacerie. La gauche a beau jeu aujourd'hui de pousser de hauts cris : a-t-elle tenu sa place, bien à bâbord et sous le vent ? Aujourd'hui personne ne peut venir donner de leçon à Millon. Quel parti peut encore, les yeux dans ceux des gosses, leur donner un rendez-vous citoyen ? Des citoyens, j'en connais, ils sont sur le terrain. Beaucoup travaillent pour des associations. Ils n'attendent pas de rendez-vous. Ils n'auraient pas idée de s'engager en politique. Ils savent que la Région est un endroit où on va chercher du fric pour leur combat à eux, pour leur boulot de fourmi, en souterrain. C'est eux qui ont pris la déshonorante élection de Millon dans la gueule, eux qui, samedi matin, secouaient la tête, bafoués, humiliés au trente-sixième dessous. Parce que, eux, ils passent leur temps à essayer d'éduquer des gamins, à faire de l'instruction civique. Ils tentent de les persuader de la valeur de l'honnêteté, de la justice et du respect. Ce sont eux aussi qui se coltine le gros du FN lorsqu'il ne porte pas cravate et sourire chafouin. Monsieur Millon ne le sait peut-être pas mais ses nouveaux collaborateurs, lorsqu'ils lâchent la moquette, portent haut de drôles d'invectives et de gros godillots.
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