L’Homme qu’on aimait trop, sorti en salles ce mercredi, retrace la tragique disparition d’Agnès Le Roux à Nice durant le week-end de la Toussaint 1977. Maurice Agnelet, son ex-amant a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle pour son assassinat, plus de trente ans après les faits. Une saga judiciaire relatée avec sobriété et justesse par André Téchiné.
André Téchiné a travaillé en collaboration avec le propre frère d’Agnès Le Roux pour réaliser son film. Il s’est appuyé notamment sur l’ouvrage écrit par Jean-Charles et sa mère, Renée Le Roux, Une femme face à la mafia.
Le scénario, pour ceux qui ont suivi l’affaire judiciaire, n’apporte aucune surprise. L’essentiel est là. C’est surtout le jeu des acteurs, Catherine Deneuve et Adèle Haenel en tête, qui donne toute sa dimension au film. Les échanges entre les personnages sont révélateurs de l’ambiance, en voici quatre qui permettent de mieux comprendre la complexité de l’affaire.
1. “Le Palais de la Méditerranée, c’est toute ma vie”
Renée Le Roux, la mère d’Agnès, a hérité le Palais de la Méditerranée de son défunt mari. Le casino, implanté à Nice, connut ses heures de gloire dans les années 1960-1970. Incarnée par une Catherine Deneuve magistrale, Renée Le Roux est viscéralement attachée à ce lieu. Le film s’attache à décrire cette passion et les luttes entre Jean-Dominique Fratoni, autre dirigeant de casino, et les Le Roux pour prendre la direction du Palais de la Méditerranée.
2. “Un petit avocat qui n’a pas les moyens de ses ambitions”
Lancée par Renée Le Roux à sa fille qui lui échappe, cette phrase qualifie ce que pense réellement la famille Le Roux à propos de Maurice Agnelet. Ce qui n’est pas totalement faux. L’homme, à la personnalité complexe, est très cultivé, certes, mais il a toujours peiné pour se constituer une clientèle dans son cabinet d’avocat. Guillaume Canet joue un personnage moins sombre qu’il n’y paraît, avec justesse.
En face, Adèle Haenel incarne finalement le personnage le moins connu de cette histoire judiciaire : Agnès elle-même, disparue à la Toussaint 1977 à bord de sa Range Rover. La jeune femme livre une prestation admirable, dévoilant une Agnès indépendante et passionnée, loin de l’image d’une héritière gâtée.
3. “Je n’ai pas demandé à être aimé”
Face à une Agnès tombée désespérément amoureuse de lui, Maurice Agnelet lui jette, presque dépassé par la situation, cette phrase qui résume bien leur relation. Dans le film, peu à peu, avec une certaine subtilité, l’avocat niçois se rend indispensable auprès d’Agnès. Sans rien lui promettre, il s’insinue dans sa vie, comme il l’avait fait auprès de sa propre mère, Renée.
4. “30 ans qu’elle me poursuit”
À la fin du film, Maurice Agnelet se retrouve avec son fils et résume ainsi le combat acharné de Renée Le Roux pour le faire condamner pour le meurtre de sa fille. La dame des casinos a vieilli, elle a désormais les cheveux gris, mais elle se bat. L’alibi de Maurice Agnelet s’écroule, vingt ans après les faits, lorsque sa maîtresse de toujours, Françoise Lausseure, avoue qu’elle n’était pas avec lui ce fameux week-end de la Toussaint.
Les dialogues et les enregistrements de Maurice Agnelet Les dialogues du film ont été rédigés par André Téchiné et Jean-Charles Le Roux, le frère cadet d’Agnès, tout jeune homme au moment de la disparition de sa sœur. Dans le film comme dans la réalité, Maurice Agnelet avait l’habitude d’enregistrer ses conversations téléphoniques. Durant les trois procès de l’avocat niçois, ces enregistrements ont pu être écoutés et certains se sont révélés poignants. Trente ans après les faits, la propre voix d’Agnès Le Roux s’invitait donc au débat : on y entendait son amour pour Agnelet, mais aussi son désespoir à travers sa tentative de suicide. Les enregistrements de son répondeur ont également été conservés : sa mère, ses amies s’inquiétaient car elles n’arrivaient pas à la joindre après la Toussaint 1977. |