C’est rien de moins que l’intégrale des six suites pour violoncelle seul de Bach que le Néerlandais Pieter Wispelwey s’apprête à interpréter, le temps d’un récital unique : un événement ! Ce mardi 10 janvier à l’Auditorium de Lyon.
Des récitals, on en voit beaucoup passer dans les programmes de concert… tant et si bien qu’il est parfois délicat de faire son choix. Une œuvre emblématique ? Un interprète ? Avouons que cette fois les astres sont alignés puisque l’Auditorium (dans le cadre du cycle des Grands Interprètes) nous invite à une intégrale, et pas n’importe laquelle : les six suites pour violoncelle seul de Bach ! Un tube absolu qui sait rassembler au-delà des obédiences, les anciens et les modernes, les “baroques” et les “romantiques”… Et si l’on entend régulièrement d’aucuns s’exclamer “La sonorité du violoncelle, j’adore…”, nul doute que le célébrissime prélude de la première suite n’y est pas étranger.
Wispelwey, le grand réconciliateur
Qui dit œuvre universelle dit immanquablement querelles, versions de référence… A fortiori, comme ici, dans le cas d’un interprète unique. Certains n’ont d’yeux que pour le romantisme de Maisky, la rigueur d’un Tortelier, le souffle d’un Casals ou l’“authenticité” des interprétations sur instruments d’époque (Bylsma, Cocset…). C’est là qu’intervient Pieter Wispelwey, grand réconciliateur en ce sens que le violoncelliste néerlandais est pour ainsi dire le seul, parmi ceux connus du grand public, à balayer si large au niveau du répertoire et, surtout, à changer d’instrument en fonction des œuvres.
Violoncelle baroque et cordes en boyau pour Vivaldi, violoncelle classique (toujours monté en boyau) pour Schubert ou Schumann, violoncelle moderne pour Chostakovitch, Britten, Elgar ou la musique contemporaine, qu’il défend avec le même bonheur.
Et pour Bach ? Violoncelle moderne, bien entendu, et violoncelle piccolo pour la 6e suite, composée pour viola pomposa à cinq cordes d’où l’ambitus particulier de la pièce.
Bach version 3.0
Pieter Wispelwey en est à sa troisième interprétation au disque des suites. Alors que son premier essai (transformé en 1990) fut mondialement acclamé par la critique et le public, il s’offre en 2012, pour son cinquantième anniversaire, le luxe d’une troisième gravure, en explorant toujours plus les tréfonds et les subtilités lui éclatant au visage année après année. Diminuant la tension des cordes et abaissant le diapason à 382 Hz, il confère à ces suites de danses introduites chacune par un prélude une sonorité plus ronde, chaleureuse, sensuelle…
C’est cette nouvelle approche que nous proposera donc Pieter Wispelwey avec la finesse, la précision et l’inspiration qu’on lui connaît, une certaine maturité en plus. Un peu à la manière de Glenn Gould, qui enregistra à vingt-cinq ans d’intervalle deux versions si différentes et pourtant chacune visionnaire à sa façon des Variations Goldberg de Bach au piano. 2h30 du meilleur violoncelle, deux entractes : un marathon doublé d’un tour de force.