Eifman Ballet Rodin maillet
Rodin et son éternelle idole © S.M. Khoury

Rodin-Claudel par l’Eifman Ballet : une passion soporifique

L’Eifman Ballet de Saint-Pétersbourg tente de nous séduire avec le duo Camille Claudel-Auguste Rodin. On s’ennuie ferme !

Rodin et son éternelle idole, chorégraphie de Boris Eifman © Souheil Michael Khoury

Eifman Ballet © S.M. Khoury

Rompu aux adaptations librement inspirées d’œuvre littéraires, comme La Mouette de Tchekhov ou Eugène Onéguine de Pouchkine, le chorégraphe russe Boris Eifman se confronte ici à la relation entre Camille Claudel et Auguste Rodin. Conçue en deux actes, la pièce est portée par des musiques de Ravel, Debussy, Massenet, Saint-Saëns et Satie, dansée comme il se doit par des solistes et un corps de ballet.

Sa version retrace, sans s’éloigner de la réalité, l’amour du sculpteur pour cette femme plus jeune que lui, la folie amoureuse dans laquelle elle tombera, la relation ambiguë de Rodin avec sa maîtresse Rose, les rivalités, l’enfermement de Claudel et la vieillesse de Rodin miné par le souvenir de son éternelle muse.

À l’instar d’un Béjart ou d’un Roland Petit, qui ont bouleversé les codes de la danse classique, Eifman revendique une forme expressionniste assumant haut et fort que, si tout est dans l’esthétique, la beauté formelle du geste n’est pas une fin en soi mais qu’elle doit être au service d’une réelle émotion.

Une esthétique qui sonne faux

Boris Eifman a imaginé une scénographie efficace, qui sculpte l’espace et illustre les lieux de l’histoire, rappelant de manière presque constante la notion d’emprisonnement par la présence de barres réelles ou imaginaires imbriquées dans le décor.

Rodin et son éternelle idole, chorégraphie de Boris Eifman © Souheil Michael Khoury

Eifman Ballet © S.M. Khoury

La chorégraphie met en avant des corps perçus comme une matière, capables de se transformer sous le joug des situations. Certains effets visuels sont réussis, tel ce plateau tournant dans l’atelier de Rodin laissant apparaître peu à peu des sculptures travaillées par les deux amants. Eifman cherche l’esthétique pour exprimer des émotions et c’est là que le bât blesse, car il en fait tellement que cela sonne faux.

Tout semble pensé à l’avance, y compris ce que pourrait ressentir le spectateur et, n’ayant rien à imaginer, on s’ennuie ferme. Eifman réussit malgré tout la gageure d’une danse épurée, mais qui ne percute notre attention que de manière sporadique. Il la ridiculise aussi, dans cette scène de french cancan où les danseurs – de formation classique – n’ont pas l’air convaincus de ce qu’ils font.

Piégée par sa forme narrative, la danse est encore trop illustrative avec peu de variations de rythmes et un choix musical qui lui ajoute de la lourdeur jusqu’à la rendre impalpable, notamment dans l’acte I. On attend l’exaltation tandis que l’atmosphère du spectacle est soporifique. Et, tout du long, nous poursuivent les images du Camille Claudel de Bruno Nyutten où Isabelle Adjani et Gérard Depardieu se déchiraient à corps ouverts.

Vers la fin de l’acte II, Eifman réussit quelques duos et solos investis par la tension des danseurs qui nous accrochent de leurs pulsions érotiques ou désespérées. C’est un peu tard !

Rodin et son éternelle idole, chorégraphie de Boris Eifman © Souheil Michael Khoury

Eifman Ballet © S.M. Khoury
Rodin et son éternelle idole – Jusqu’au 7 décembre, à la Maison de la danse, Lyon 8e.
Mercredi 3 décembre à 19h30, jeudi 4 et vend. 5 à 20h30, sam. 6 et dim. 7 à 15h.

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