A sa lecture on se tord souvent de rire face aux trouvailles langagières de l'écrivain, ses répétitions, ses amputations-greffes du langage politico-médiatico-administratif dans une littérature-monde où l'humain se débat comme un pantin. Et, dans le même temps, on se tord d'angoisse, les intestins noués par la représentation crue(lle) et malheureusement rigoureusement exacte du monde qu'il fait. Pour Massera, le monde est un langage et inversement. Et cette langue, ou plutôt cette novlangue, est essentiellement faite de bois. Taillée par la main de Massera, elle tourne au vinaigre, jusqu'au ridicule, à force d'être vidée du sens qu'elle n'avait déjà pas. C'est ainsi qu'elle fait irruption dans la trivialité du réel, comme les "paroles gelées" de Rabelais dans le Quart Livre qui, une fois réchauffées sur le pont du bateau éclatent en mots barbares insensés. De la même manière, les décisions prises dans ce verbiage désincarné finissent par affecter la vie quotidienne de chacun jusqu'à creuser le lit de la barbarie économique. A ce titre, United Problems of Coût de la Main-d'œuvre (publié chez P.O.L en 2002, en ouverture d'United Emmerdements of New Order) est d'une actualité éclatante, débutant sur ces mots : "Après ceux du troisième et la sœur à Christian, c'est maintenant au tour de ma fille de connaître les effets de la crise financière et économique. Sommes-nous à la veille d'un krach analogue à celui de 1929 ? - Non je n'le crois pas vraiment, la situation n'est pas comparable. (...) A l'époque le fait qu'on mangeait pas d'la viande tous les jours avait été aggravé par la réserve fédérale américaine, qui avait freiné l'économie au lieu de la stimuler. (...) Pour prendre un exemple précis, la venue des huissiers chez ceux du troisième a montré que les pays du G8 et les institutions internationales savaient se concerter." Voilà ce qui trouble chez Massera : cette impression d'avoir déjà entendu ça quelque part, y a pas cinq minutes...
United Problems of Coût de la Main-d'œuvre, mise en scène de Frédéric Mairy. Le vendredi 15 mai aux Ateliers